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Canada

Assurance au Canada : un exemple à suivre ?

Depuis les années 1960, le Canada a mis en place, progressivement différents mécanismes d’assurance récolte et d’assurance revenu. La combinaison de ces programmes offre une protection globale qui permet aux entreprises agricoles de faire face aux risques auxquelles elles sont exposées.
Assurance au Canada : un exemple à suivre ?

Alors qu'une réflexion est engagée en France et dans l'Union européenne sur les orientations à donner à la prochaine politique agricole, le Canada a mis en œuvre depuis longtemps des programmes d'assurance récolte et de revenu dont personne ne conteste le bien-fondé. Au Québec, la gestion a été confiée à la Financière agricole, une institution publique qui dépend du ministère de l'Agriculture mais qui jouit, cependant, d'une autonomie financière. Sa mission, soutenir et promouvoir, dans une perspective de développement durable, le développement du secteur agricole et agroalimentaire dans le cadre de différents programmes assurantiels. Le premier programme, l'assurance récolte (Asrec), est le plus ancien - il a été créé au début des années 1960 - concerne les productions végétales. Cette assurance protège les entreprises agricoles contre les risques associés aux conditions climatiques et aux phénomènes naturels incontrôlables (sécheresse, pluie, gel, maladies). Sont concernés : les grandes cultures de rente (céréales, maïs grain, oléagineux), les plantes fourragères (foin, maïs fourrage, blé pour l'alimentation animale), les pommes de terre, les légumes de transformation mais aussi les pommes, les fruits rouges et même le sirop d'érable. Une couverture biologique spécifique est également offerte. En 2015, 11 630 entreprises agricoles ont adhéré à ce programme sur les quelques 25 000 exploitations professionnelles que compte le Québec, selon André Houle, le directeur de l'intégration des programmes à la Financière agricole. Ce qui représente une couverture de 70 % à 80 % des surfaces éligibles. Côté financement il est partagé entre les entreprises et les pouvoirs publics. Ici le producteur acquitte 40 % de la prime, les 60 % restant sont à la charge des pouvoirs publics, leur contribution étant répartie entre le budget fédéral (60 %) et le gouvernement provincial (40 %). Toujours selon André Houle, la Financière agricole a versé en 2015 près de 15 millions de dollars(*) d'indemnités pour une valeur assurée de 1,14 milliard de dollars. Une somme relativement modeste, moitié moindre que les années précédentes, qui s'explique par des conditions climatiques généralement favorables à la production agricole l'an dernier.
Assurance revenu
Quant à l'assurance de stabilisation des revenus agricoles (Asra), elle est une spécificité du Québec. Elle protège les entreprises contre les pertes de revenu imputables aux fluctuations des coûts de production et des prix du marché. Les contributions au Fonds d'assurance sont assurées aux deux tiers par la Financière agricole, l'autre tiers étant à la charge des entreprises participantes. L'Asra couvre la plupart des grandes productions du Québec : les productions végétales (céréales, oléagineux, pommes de terre, pommes), ainsi que les productions animales (agneaux, bouvillons, porcs, porcelets, veaux). Mais pas le lait, le poulet de chair, la dinde et les œufs qui sont soumis au régime des quotas (ou à la gestion de l'offre, terme utilisé au Canada). Concrètement, il est établi tous les ans un prix de revient et un prix moyen de vente dans une ferme type. Sur ces bases-là, les entreprises adhérentes bénéficient d'une indemnisation qui couvre la totalité de différence entre les prix constatés et le coût de production. Toutes indemnisations confondues, celles-ci ont porté sur 112 millions d'euros en 2015 pour 3,1 milliards de valeurs assurées. Il s'agit de la plus faible compensation versée depuis les 30 dernières années, une situation qui s'explique par des conditions de marché très favorables pour plusieurs productions, notamment celle du secteur animal, note le rapport annuel de la Financière Agricole. En fait, c'est la crise du porc qui avait plombé les comptes, dans un passé récent. Quoiqu'il en soit, il s'agit d'un régime d'assurance très favorable qui a bénéficié à 11 630 entreprises en 2015 et auquel les agriculteurs québécois sont très attachés. « C'est le programme d'assurance le moins contesté par les agriculteurs », souligne André Houle. Néanmoins, « c'est un programme qui coûte cher », précise-t-il. C'est pourquoi la Financière agricole a décidé de restreindre la couverture et de ne pas l'ouvrir à de nouvelles denrées.

Le Canada a mis en place différents systèmes d’assurance. Le plus ancien datant des années 1960 protège les entreprises agricoles contre les risques associés aux conditions climatiques et aux phénomènes naturels incontrôlables (sécheresse, pluie, gel, maladies).
Protection de la marge
Depuis le début des années 2000 a été mis en place au Canada un autre programme d'assurance, dit Agristabilité dont l'objectif est de stabiliser le revenu de l'entreprise en cas de baisse de la marge de production. Concrètement, il protège le revenu global de l'entreprise contre les risques de marché et les catastrophes. Une indemnité est versée lorsque la marge de l'année est inférieure à 70 % de la marge historique (trois ans). Pour l'année 2014, près de 16 000 entreprises agricoles québécoises ont participé à ce programme dont les indemnités versées ont atteint 23,6 millions de dollars. Il est complété au Québec, par « Agri-Québec Plus » pour les secteurs non éligibles au programme de stabilisation des revenus agricoles (Asra) ou par la gestion de l'offre. Celui-ci offre une couverture plus élevée à hauteur de 85 % de la marge pour les entreprises dont le bénéfice net est inférieur à 50 000 dollars (34 500 euros). 5,3 millions de dollars supplémentaires ont été versés à ce titre, au Québec. Autre programme d'assurance enfin, Agri-investissement. Il s'agit d'un outil de gestion des risques qui permet à l'entreprise de faire annuellement un dépôt dans un compte d'épargne et de recevoir en contrepartie, une contribution équivalente de la Financière agricole. Ce programme offre une couverture contre de légères baisses de revenu. L'adhérent peut y effectuer des retraits en fonction de ses besoins. Son financement est assuré par une contribution publique (60 % gouvernement fédéral et 40 % Financière agricole). Elle porte sur 1 % des ventes annuelles de l'entreprise jusqu'à un maximum de 1,5 million de dollar. Tous les produits sont admissibles à l'exception de ceux qui sont soumis à des quotas de production (lait, poulet, œufs). Plus de 18 000 entreprises ont adhéré à ce programme en 2014 qui a octroyé 32,5 millions de dollars d'indemnités. Il est également complété au Québec, depuis 2013, par un programme Agri-Québec entièrement financé par la Financière agricole et désormais réservé aux secteurs qui ne sont pas couvert par le programme de stabilisation du revenu (Asra) ou soumis à la gestion de l'offre. 
Michel Bourdoncle
* 1 dollar canadien = 0,68 euro.

 

Repères /

Portrait comparé Canada - France

Superficie : Canada 9 984 670 km² / France 551 695 km².
Population : Canada 35,8 millions d’habitants / France 66 millions.
Part de l’agriculture  dans le PIB : Canada 1,6 % / France 1,7 %.
Terres agricoles : Canada 71,9 millions d’ha (7,2 % du territoire) / France 29,1 millions d’ha (52,7 % du territoire).
Nombre d’exploitations agricoles : Canada 205 000 (recensement 2 011) / France 452 000 (chiffre 2013).
Superficie moyenne par exploitation : Canada 350 ha / France 62 ha.
Répartition des exploitations : Céréales et oléagineux 86 500 au Canada / 121 000 en France.
Elevage bovin viande : 37 400 au Canada / 47 000 en France.
Production laitière : 12 430 au Canada / 46 000 en France.
Porcs : 7 300 au Canada / 11 500 en France.  

 

 

Assurance /

Une adhésion générale 

D’une façon générale, les différents régimes d’assurance sont très bien acceptés par les agriculteurs, même s’ils représentent un coût moyen pour l’entreprise estimé à 11 % de la valeur assurée. Julien Brais agriculteur dans la vallée de la Rivière Rouge dans le Manitoba qui adhère à l’assurance récolte et au programme AgriStabilité le déclare en toute franchise : « On peut se faire compenser facilement quand on a des difficultés ». Même si aujourd’hui il s’interroge sur sa participation future. Après avoir enchaîné de très mauvaises années, au début des années 2010, la conjoncture agricole s’est nettement améliorée depuis quelques campagnes au Canada. Les pouvoirs publics sont sur la même longueur d’ondes. L’arrivée au pouvoir du gouvernement libéral de Justin Trudeau, en octobre 2015, n’a pas modifié la donne. « Nous ne remettons pas en cause le système assurantiel », insiste Jean-Claude Poissant, secrétaire parlementaire du ministre de l’Agriculture canadien. Même si des ajustements à la marge ne sont pas exclus dans la prochaine programmation quinquennale actuellement en préparation.