Assurance « coup dur » maïs semence : une première

La gestion des risques, tel était le fil conducteur des Journées maïs, les 17 et 18 novembre à Toulouse. Réunie en assemblée générale le deuxième jour, la FNPSMS (interprofession) a voté la création d'une assurance sur les chutes de rendement. Une assurance « coup dur » dont le lancement est annoncé pour le printemps 2016.
L'existant
Jusque-là, il existait deux types de dispositifs, explique Isabelle Halgrin, animatrice du syndicat des producteurs de semences de maïs et de sorgho (SPSMS) de Rhône-Alpes. Pour l'un, il s'agit des caisses de risques, qui sont gérées et alimentées de façon paritaire (par les producteurs et établissements semenciers). Appelées aussi caisses de péréquation, elles sont destinées à relever la rémunération des agriculteurs multiplicateurs de semences en cas de situations critiques. L'autre dispositif est l'assurance grêle-tempête mise en place dans les années 1990 ou, au choix depuis 2005, l'assurance multirisques climatiques. Avec, l'assureur (Groupama) indemnise les pertes lorsqu'un aléas climatique est reconnu. Ces caisses de risques et assurances, qui perdurent, peuvent se cumuler. L'assurance rendement « coup dur », elle, viendra en complément. Elle soutiendra les caisses de risques.
Sécuriser la filière
Un groupe interprofessionnel, associant l'AGPM(1) maïs semence et la section maïs de l'UFS(2), travaille depuis plus d'un an sur cet outil assurantiel destiné à sécuriser la filière vis-à-vis d'un fort décrochage de rendement quelles qu'en soient les causes. L'assurance « coup dur », construite avec un assureur, sera alimentée par des fonds interprofessionnels : à 90 % par la FNPSMS et 10 % par les caisses de risques. Elle sera déclenchée lorsque le rendement réel sera inférieur à 85 % du rendement assuré (moyenne décennale du rendement brut égrené régional). Au niveau national, la production de maïs semence a été répartie en quatre zones. La zone Grand-Est, qui nous intéresse, comprend les régions Alsace, Bourgogne, Auvergne, Rhône-Alpes, Provence et Languedoc-Roussillon. Les trois autres sont le Grand-Ouest, le Sud-Ouest océanique et le Sud-Ouest continental.
Un dispositif novateur
La franchise a été fixée à 15 % et la base du capital garanti à 1 000 euros par hectare. L'indemnisation maximale sera de 10 % du capital assuré au plan national. C'est-à-dire qu'en cas de coup dur, dans l'hypothèse (peu probable) où toutes les caisses de risques des quatre zones seraient touchées, il ne leur serait redistribué que 10 % du montant national assuré. Par exemple, si 65 000 hectares sont emblavés en France en 2016, le capital assuré sera de 65 millions d'euros. Si le rendement brut égrainé était inférieur à 85 % du rendement assuré pour toutes les caisses de risques, il ne serait débloqué que 6,5 millions d'euros (10 %). Le taux de cotisation sera de 0,762 % du capital garanti (assuré), soit 7,62 euros par hectare.
Une simulation sur dix ans en termes de climat et rendements montre que les indemnisations auraient été déclenchées seulement en 2003 (sécheresse) et 2013 (excès d'eau dans le Sud-Ouest).
« Ce dispositif complètement novateur sera mis en place pour trois ans, explique Isabelle Halgrin. Des bilans annuels sont prévus. Notre espoir, c'est de pouvoir assurer plus de capital (de l'ordre de 4 000 euros par hectare) d'ici quelques années. L'objectif à moyen-long terme est de pouvoir couvrir le coût de production, en cas de coup dur, avec ce produit assurantiel. »
Annie Laurie
(1) AGPM : Association générale des producteurs de maïs.
(2) UFS : Union française des semenciers.
Fonds de solidarité des risques / L'assurance « coup dur » vue par des acteurs de la filière maïs semence.
Ce qu'ils en pensent
Stéphane Desrieux, producteur à Marsanne et président du SPSMS de Rhône-Alpes : « Un outil hypermutualisé »« Ce fonds de solidarité des risques est une réserve financière au sein de la filière. C'est un outil assurantiel complémentaire hypermutualisé. Avec ce dispositif, la FNPSMS fait un geste : elle vient apporter un soutien aux caisses de risques. Le taux de cotisation est très intéressant. La base de l'assurance est de 1 000 euros l'hectare. L'assurance "coup dur" amène un petit plus. Mais ce n'est pas une assurance "tous risques". Je pense que nous sommes encore loin de la solution idéale. »Vincent Margerie, producteur à Etoile-sur-Rhône : « Une opportunité pour la filière »
« Pour moi, le dispositif est encore assez flou. Je crois qu'il faudra vraiment une catastrophe pour qu'il soit déclenché. La simulation sur la dernière décennie montre qu'il ne l'aurait été qu'en 2003 et 2013. Mais c'est une belle opportunité pour notre filière. Et nous avons la chance qu'elle soit très organisée. Le but serait de créer notre propre assurance pour pouvoir nous passer des autres et des aides de l'État, devenir autonomes. Je dis : C'est un début. La cotisation est peu élevée. Je pense que cette assurance "coup dur" peut devenir intéressante. »Denis Delay, responsable production maïs à Top Semence : « Une opportunité à moindre coût »
« C'était une réflexion portée par l'UFS et la FNPSMS, ayant pour but de compléter l'assurance multirisques climatiques à un moment ou celle-ci est en plein remaniement. Suite aux deux dernières campagnes climatiquement atypiques, cette nouvelle assurance "coup dur" nous paraît être une opportunité à moindre coût pour sécuriser le revenu de nos producteurs. »Propos recueillis par A. L.
Maïs semence
Contexte 2015 et perspectives
Selon le Drômois Stéphane Desrieux, président du SPSMS régional, le résultat technique moyen des maïs semences en Rhône-Alpes pourrait avoisiner 95 % de l'objectif de rendement. La rémunération de la production de maïs semence est calée sur le prix du maïs consommation, qui est bas. Donc, en semences, des prix planchers risquent d'être activés. « Nous craignons d'être au plus mal en termes de rémunération, vu la conjoncture défavorable, confie Stéphane Desrieux. D'autant plus que les coûts de production ont explosé en irrigation, avec la sécheresse et la canicule. Mais c'est sans doute grâce à la ressource en eau que nous avons limité la casse. » Les récoltes, elles, se sont bien déroulées.2016 : au mieux, des surfaces stablesCôté perspectives, le président du SPSMS Rhône-Alpes estime que les surfaces seront, au mieux, stables en 2016. En 2013 et 2014, « il régnait une grande euphorie qui a fait croire que les branches des arbres pouvaient monter jusqu'au ciel », rappelle-t-il. Mais, en 2015, les surfaces ont baissé (70 000 hectares au plan national), « c'était plus que prévisible. Cependant, la production se situe encore à un niveau conséquent », constate-t-il. Et d'ajouter que « le vrai marché se situe autour de 65 000 à 70 000 hectares en France (pas à plus de 90 000) et entre 7 500 et 8 500 en Rhône-Alpes (11 000 ha emblavés en 2014). Sept ou huit ans en arrière, les emblavements étaient de 4 500 à 5 000 hectares dans la région ».A. L.