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Poules pondeuses

Attentes sociétales : la filière œufs en mode « réponses »

Transition vers des modes d'élevage alternatifs, origine France, traçabilité. Ces sujets allant dans le sens de demandes sociétales, l'interprofession des œufs les a abordés début novembre à Valence lors d'une journée d'information.
Attentes sociétales : la filière œufs en mode « réponses »

En octobre 2016, le CNPO (comité national pour la promotion de l'œuf), c'est-à-dire l'interprofession, présentait son « contrat sociétal d'avenir » et annonçait un objectif de 50 % de poules pondeuses en élevage alternatif à la cage aménagée d'ici 2022. Ceci, « pour répondre aux attentes sociétales tout en préservant le potentiel de production et la compétitivité de la filière ». Le CNPO a repris cet objectif ambitieux dans son plan de filière construit dans le cadre des Etats généraux de l'alimentation. Son président, Philippe Juven, l'a rappelé le 6 novembre à Valence lors d'une journée d'information où a d'ailleurs été lancé l'élargissement à l'aval de cette interprofession.

Philippe Juven, qui a été réélu président du CNPO le 5 novembre pour un quatrième mandat.

La transition s'accélère

Les modes de production avicoles évoluent. 42 % des poules pondeuses étaient en élevage alternatif en 2018, soit 5 % de plus qu'en 2017 et 19 % de plus qu'en 2008. La transition « s'accélère », a constaté Philippe Juven. Il a donc considéré probable que l'objectif de 50 % soit atteint avant 2022. Mais « le coût de ce chantier est estimé à plus de 280 millions d'euros d'investissement pour les éleveurs sur cinq ans ». Et pour la poursuite des transformations (reconversions), qui dépendra « des capacités économiques et de réinvestissement des éleveurs », le CNPO sollicite le soutien des pouvoirs publics. Le dossier a d'ailleurs été évoqué avec le ministre de l'Agriculture fin octobre.

« Œufs de France » inspire confiance

L'assistance à la journée CNPO du 6 novembre à Valence.

Si le mode d'élevage est le premier critère d'achat des œufs en France, l'origine est le deuxième, a signalé Maxime Chaumet, secrétaire général du CNPO. 87 % des consommateurs interrogés cette année dans le cadre d'une enquête CNPO/CSA jugent l'origine française des œufs importante.
L'interprofession a d'ailleurs lancé, en 2018, la démarche « Œufs de France » dont le logo est facilement identifiable (il existe aussi en version anglaise pour l'export). Actuellement, 25 centres d'emballage et entreprises fabriquant des ovoproduits sont engagés dans cette démarche, soit 53 sites de production, ainsi que 14 enseignes de la distribution. Pour huit consommateurs sur dix, elle est synonyme d'une assurance de qualité et de fraîcheur. C'est aussi un moyen de participer au maintien du « Made in France », pour 95 % des enquêtés.

Une base de données avicole

Un outil d'assurance de la traçabilité (depuis les accouvoirs jusqu'aux abattoirs) a également été lancé en 2018 (en septembre). Il s'agit d'une base de données avicole, « un travail mené en lien avec les pouvoirs publics », a indiqué Maxime Chaumet. Objectifs visés : affiner les indicateurs de suivi de la production afin que les opérateurs puissent anticiper et adapter au mieux leur activité aux marchés ; dématérialiser les déclarations de mouvements de volailles (mises en place et sorties), certificats d'origine et fiches ICA (information sur la chaîne alimentaire) ; disposer d'un outil de surveillance sanitaire... « Le nombre d'éleveurs et d'organisations de producteurs enregistrant les mouvements de lots dans cette base de données est en constante progression, s'est félicité le président du CNPO. Elle est le socle de notre démarche "Œufs de France" pour assurer une traçabilité parfaite. C'est aussi un outil d'observation de l'évolution des élevages et des modes de production. »

La traçabilité à la ferme

Clara Hagen a apporté un éclairage sur le système de traçabilité des Pays-Bas : le marquage des œufs à la ferme.

Un code (mode d'élevage, pays d'origine et numéro d'identification d'élevage) est apposé sur chaque œuf pour assurer leur traçabilité. Lorsque l'Union européenne a rendu ce marquage obligatoire, elle a laissé le choix de le faire dans les élevages ou les centres de conditionnement. Seuls les Pays-Bas et l'Allemagne ont opté pour la première solution. L'Italie, elle, prépare actuellement une loi allant dans ce sens.
A la journée d'information du CNPO, Clara Hagen (secrétaire générale de l'Anevei*) a expliqué le système de traçabilité hollandais. Aux Pays-Bas, tous les œufs des petits élevages comme les grands, même pour les ovoproduits, sont obligatoirement marqués avec un code à la ferme. « Pour prévenir les fraudes, protéger les producteurs, rassurer les consommateurs et garder leur confiance », a expliqué l'intervenante. Lors de la crise de la dioxine (1999), quantité d'œufs non contaminés avaient dû être détruits en Hollande, faute de pouvoir trier. Lors du scandale de la fraude au fipronil (2017), grâce à ce marquage, seuls ceux des élevages contaminés ont été éliminés. Différents types de matériels de marquage (manuels ou électroniques) sont utilisés. « C'est un processus simple », a confié Clara Hagen. La Hollande a aussi développé une application pour téléphone mobile. En entrant sur son smartphone le code inscrit sur l'œuf, le consommateur accède à des informations sur la ferme d'où il provient.

Annie Laurie

* Anevei : organisation des centres de calibrage, fabricants d'ovoproduits et marchands d'œufs et ovoproduits (association hollandaise).

 

Table ronde /
Traçabilité, transparence...
Lors de la table ronde, de droite à gauche : Clara Hagen (Aneivei), Gabriel Tavoularis (Crédoc), Franck Picard (Armor Œuf), Philippe Domet (La Ferme du pré) et Franck Darteil (Carrefour).
A la journée du CNPO à Valence, la traçabilité est revenue dans une table ronde réunissant Franck Picard (éleveur de poules pondeuses et président du groupement Armor Œufs), Philippe Domet (dirigeant de la société La Ferme du pré : élevage, conditionnement et fabrication d'ovoproduits), Franck Darteil (Carrefour), Gabriel Tavoularis (Crédoc) et Clara Hagen (Aneivei).
En France, le marquage des œufs dans les élevages est en cours de discussion au CNPO mais aucune date n'est encore arrêtée. Philippe Domet a retenu le message de Clara Hagen, qui conseille de commencer avant d'y être forcés. « Si le marquage des œufs dans les élevages garantit une traçabilité au consommateur, je ne vois pas comment on pourra y échapper », a commenté Franck Picard. Et Franck Darteil a témoigné de la traçabilité mise en place sur la « Filière qualité Carrefour » avec la technologie de la Blockchain (base de données sécurisée) : « En flashant le QR code sur la boîte d'œufs avec son smartphone, le consommateur peut remonter jusqu'à la naissance de la poulette ».
La discussion a aussi porté sur la transformation des élevages en cages en mode alternatif et son coût (qui va payer ?). Notamment l'élevage au sol avec jardin d'hiver, que Franck Picard a jugé trop près du plein air en termes de coût de revient. Lui comme Gabriel Tavoularis ont estimé la segmentation actuelle suffisante. Philippe Domet a, par ailleurs, soulevé la difficulté de faire « sortir » de nouveaux projets d'élevage, même en bio, donc de répondre à la demande future en termes de quantités. Autres sujets abordés : l'épointage du bec des volailles, l'élimination des poussins mâles...
A. L.

 

Comportements alimentaires /
Environnement et santé priment
Gabriel Tavoularis, directeur d'études et de recherche au Credoc.
A la journée du CNPO, Gabriel Tavoularis, directeur d'études et de recherche au Credoc(*), a apporté un éclairage sur l'évolution des comportements alimentaires et attentes des Français. Les enquêtes révèlent deux éléments aujourd'hui moteurs : la préservation de l'environnement (préoccupation montante depuis 2016-2017, plus encore chez les jeunes) et l'alimentation santé (pour rester en forme longtemps). A propos de ces évolutions, « il n'y a aucune raison qu'on revienne en arrière dans les prochaines années », a commenté Gabriel Tavoularis.
Pour ce qui est des œufs (hors ingrédients), les Français âgés de 15 à 44 ans en consomment en moyenne 10 à 11 grammes par jour, ceux de 45 ans et plus autour de 15 grammes. Les nouvelles générations en mangent donc moins, et les utilisent autrement. C'est à prendre en compte, pour l'avenir.
A. L.
(*) Credoc : centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie.