Autour des Etats généraux de l'alimentation

« Adapter la production agricole aux marchés et aux besoins des transformateurs », tel était le thème de l'après-midi de la session chambre d'agriculture du 25 septembre. Deux tables rondes se sont succédé, après une intervention du Crédoc sur les comportements alimentaires des Français.
Filières durables
Autour de la table ronde « Construire des filières durables : quels liens production-transformation ? », se trouvaient Mélanie Bordet, acheteuse de matières premières chez Charles et Alice, Christophe Pelletier, directeur des coopératives Valsoleil et Drômoise de céréales, Nicolas Guilhot, dirigeant de Drôme Cailles.
L'entreprise Charles et Alice fabrique des compotes, à Allex et Monteux, « avec si possible des fruits locaux, sinon français », a précisé son acheteuse. En bio, manquant de pommes et poires, le transformateur souhaite construire des partenariats avec des producteurs. Autre difficulté pour lui, la hausse du coût de la matière première en année déficitaire en fruits. Elle ne peut être répercutée sur le prix de vente que l'année d'après, les négociations avec les distributeurs n'étant pas calées avec la récolte.
Sur quels axes de compétitivité agir ? « Sur des solutions collectives, a répondu Christophe Pelletier, rappelant qu'une coopérative est un outil collectif. Le prix reste un facteur essentiel de l'acte d'achat, imposé par la concurrence ou le consommateur. Donc, on axe nos stratégies sur les économies dans les filières, notamment au niveau de la logistique ». Il a fait par ailleurs état d'un partenariat « fonctionnant bien, celui du poulet bio : une filière complètement intégrée dans des outils coopératifs locaux ».
Drôme Cailles (Montoison), elle, maîtrise la filière dans sa totalité : élevage, abattage, transformation et vente. Eleveurs et aliments des volailles sont locaux. Les ventes se font en circuits courts, dans son magasin d'usine. Mais aussi à l'export : « Deux marchés du côté de Hong Kong, en développement et très viables pour nous », a assuré son dirigeant, Nicolas Guilhot. L'entreprise envisage aussi de s'ouvrir au bio et a « un fort besoin de surfaces d'élevage. » Mais investissements et contraintes administratives freinent les créations d'élevage.
De ces interventions, la présidente de la chambre d'agriculture, Anne-Claire Vial, a retenu quatre points que la profession défend au niveau des Etats généraux de l'alimentation : réformer les périodes de négociations de prix avec les distributeurs ; renforcer la contractualisation ; organiser l'offre ; ne pas s'enfermer dans un modèle unique de commercialisation.
Initiatives alimentaires locales
La seconde table ronde était dédiée aux initiatives alimentaires locales et à leurs conditions de réussite. Elle a réuni Daniel Vignon, éleveur (Gaec Roche rousse à Saint-Martin-en Vercors), Laurent Bancel, dirigeant de Romans salaisons (à Mours-Saint-Eusèbe), et Marie-Christine Barjat, directrice « éducation » au Département.
90 % du lait du Gaec Roche rousse est transformé en bleu du Vercors-Sassenage et 10 % collecté par Vercors Lait. « Ce qui fait vivre notre petite exploitation, c'est la transformation à la ferme et la vente directe en circuits courts. Notre modèle fonctionne car nous gérons tous les maillons », a confié Daniel Vignon. Inquiet du problème de la transmission des exploitations laitières du Vercors, il suggère d'inventer des partenariats avec des collectivités territoriales, qui investiraient dans l'agriculture ou garantiraient des prêts. Il a par ailleurs constaté que le magasin de producteurs de La Laupie (l'un des débouchés du Gaec) est « un modèle économique qui marche ». La commune a aidé sa mise en place (mise à disposition d'un local...). C'est un exemple de ce que peuvent faire les EPCI pour faciliter la vie des agriculteurs, a observé Anne-Claire Vial.
Le Gaec Roche rousse fournit aussi le collège de La Chapelle-en-Vercors via Agrilocal. Cette plateforme a été créée par le Département pour rapprocher acheteurs publics de la restauration collective et producteurs locaux. « 20 % de nos achats sont aujourd'hui réalisés grâce à cet outil, a indiqué Marie-Christine Barjat. Il a tout son intérêt, même s'il peut encore être amélioré. On a notamment à réfléchir à une organisation logistique pour faciliter le travail des producteurs. » Anne-Claire Vial a ajouté : « Au niveau de la Région, on essaie de pousser Agrilocal. Il peut être complémentaire à d'autres modèles fournissant la restauration collective. »
Laurent Bancel, lui, dirige la charcuterie artisanale Romans Salaisons. Une entreprise familiale commercialisant via son magasin de vente directe et d'autres circuits. En 2014, le tourisme industriel est venu diversifier son activité : visites avec projection d'un film sur cette charcuterie, démonstrations (fabrication de saucisson, caillette ou pâté en croûte). A aussi été ouvert un restaurant (où sont servies viandes et charcuteries de l'entreprise). Le prochain challenge de Laurent Bancel est d'ouvrir un petit hôtel. Le suivant un atelier à Montréal, au Canada.
Annie Laurie
Baromètre / Dans ses enquêtes, le Crédoc(*) observe des changements de comportements alimentaires chez les Français et un besoin de « rassurance ».Les tendances alimentaires
Autre constat, les jeunes sont aujourd'hui sensibles au lien entre nutrition et santé, à l'alimentation durable (nutritionnellement saine, culturellement acceptable, équitable, abordable et à faible impact environnemental). Du fait des crises alimentaires (vache folle, fraude à la viande de cheval...), les Français se tournent de plus en plus vers le bio, le « made in France », les circuits courts. L'origine locale, la fabrication régionale, le « fait maison » les rassurent. Défense de l'emploi, goût et fabrication artisanale sont aussi des motivations.
Les enjeux de demain, indiqués par l'intervenante, c'est la transition économique vers des circuits locaux (vente à la ferme, transformation sur le lieu de production, peu d'intrants, système écologiquement vertueux). C'est aussi intégrer les attentes sociétales (conditions d'élevage, intrants, fortification et nutrition), hiérarchiser les risques réels et marges de progrès...(*) Crédoc : centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie.
EGA / Les chambres consulaires de la Drôme affichent leur volonté de conjuguer leurs expertises en faveur du développement de l'économie alimentaire.Le plan d'action des chambres consulaires

« Pour accompagner ce plan, nous comptons sur l'engagement de l'État et des collectivités territoriales », a dit la présidente de la chambre d'agriculture. Le président de la CMA, Frédéric Régnier, a « espéré que les esprits sont mûrs pour ce genre d'approche, d'autant plus qu'il s'agit d'organiser ces circuits courts qui ont tout leur sens ». Et, pour le président de la CCI, Alain Guibert, « l'objectif est de travailler ensemble. Si l'on veut développer les filières, il faut les analyser depuis la production jusqu'à la commercialisation ».