Aviculture et réglementation : les autorités interpellées

Philipe Juven, rappelez-nous ce qu'est Filavi 26 et quel est son rôle.
Philippe Juven : « Filavi rassemble des éleveurs de volailles (de ponte et de chair) en groupements ou indépendants ainsi que des partenaires de l'amont et de l'aval de la filière. Elle les accompagne dans la mobilisation de soutiens financiers pour des investissements de modernisation et de construction de bâtiments. Filavi assure aussi une mission sanitaire en apportant des informations, directement aux aviculteurs ou via les organisations de producteurs, sur des pathologies susceptibles de présenter des risques, comme les salmonelles. Concernant la problématique salmonelles, elle travaille au sein du comité de pilotage (profession et administration) en place dans le département. »
A l'assemblée générale de Filavi, le 14 novembre à Bourg-lès-Valence, a été évoquée l'actualité sanitaire. Les salmonelles sont-elles toujours la préoccupation majeure, dans la Drôme ?
P. J. : « Ces dernières années, le taux de contamination dans les élevages drômois était élevé, autour de 25 cas par an, et supérieur à la moyenne nationale. De janvier à fin octobre derniers, 11 cas de salmonelles ont été recensés dans le département. C'est moins que les années précédentes mais 2018 n'est pas encore finie. Il faut espérer que la situation continue à s'améliorer. Par contre, au niveau de la France, l'inverse est observé : le taux de prévalence augmente.
En Drôme, nous faisons tout pour qu'il baisse. Une étude est en cours en vue de compléter les enquêtes épidémiologiques réalisées précédemment pour essayer de bien cerner les origines de ces contaminations. Elles sont souvent de plusieurs ordres. Mais la première règle est le respect des mesures de biosécurité dans les élevages. C'est aussi la surveillance des intrants : poussins, poulettes, aliment... Au sein du comité de pilotage départemental, se sont mis en place des groupes de travail composés de vétérinaires, techniciens et représentants d'entreprises (équipes d'attrapage des volailles, de nettoyage des bâtiments...) intervenant dans les élevages. L'objectif est de s'assurer que tous appliquent correctement les mesures de biosécurité. »
Autre chose à signaler à propos des salmonelles ?
P. J. : « Oui, le 1er août 2018 est sorti un arrêté relatif à la surveillance et à la lutte contre les infections à salmonelles en filière ponte (y compris de reproduction). Avant cet arrêté, en cas de prélèvement positif, l'élevage était mis sous surveillance et des prélèvements de confirmation étaient réalisés. Globalement, entre 20 et 30 % des cas n'étaient pas confirmés. A présent, on passe directement en APDI (arrêté préfectoral de déclaration d'infection) : l'éleveur ne peut plus commercialiser d'œufs frais et doit faire abattre ses poules. Cet arrêté, qui a été pris sans concertation avec la profession, pose problème. Il est incomplet puisque la note d'instruction n'est pas encore sortie, ce qui rend son application difficile. Un éleveur ayant un doute sur un prélèvement ne peut faire valoir ses droits en l'absence de cette note. C'est pourquoi, au niveau de l'interprofession, nous avons interpellé le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume. Nous sommes en attente de sa réponse. »
Quelques mots sur la conjoncture avicole et l'évolution des systèmes d'élevage.
P. J. : « En volailles de chair, de la production est recherchée dans la Drôme tant en standard qu'en label. En volailles de ponte, la tendance est la même pour les productions autres qu'en cages, c'est-à-dire en élevages alternatifs (au sol, en plein air, en bio).
Pour réduire le nombre d'élevages en cages, nous cherchons des solutions, notamment par la transformation des bâtiments existants en systèmes alternatifs lorsque c'est possible. Au niveau national, le plan de filière va dans ce sens. Les aides passeront par des financements régionaux via les PCAE*. Nous travaillons actuellement avec la Région. Jusqu'à présent, il n'y avait qu'une enveloppe avicole. Nous lui en demandons deux : une pour les volailles de chair, l'autre pour les volailles de ponte. Mais aussi de mettre un peu plus de soutien financier, compte tenu des enjeux de ces filières. Au niveau national, le grand plan d'investissement (GPI) 2018-2022 sera aussi mobilisé. Le Département de la Drôme, lui, accompagne financièrement les rénovations sanitaires et les petits élevages (94 000 euros en 2017). Il soutient également les éleveurs qui investissent dans une activité de transformation, de conditionnement de leurs produits pour les vendre en direct. C'est-à-dire les ateliers de viande de volaille et les centres de conditionnement des œufs. »
La plantation d'arbres fruitiers sur les parcours des volailles était aussi à l'ordre du jour de cette assemblée générale, notamment sur les aspects réglementaires. Y a-t-il un problème ?
P. J. : « La plantation d'arbres, de haies vise à inciter les volailles à bien explorer les parcours, à ne pas rester juste devant leur bâtiment d'élevage. Dans certains départements, des vergers peuvent être plantés sur les parcours. En Isère, par exemple, les noyers sont autorisés. La réglementation européenne ne l'interdit pas. En Drôme, ce n'est pas possible car la DDPP** considère que l'entretien d'un verger sur un parcours pose un problème de barrières sanitaires. Or, les élevages avec parcours se développent. Davantage d'hectares vont donc être gelés. Il serait dommage de ne pas pouvoir les valoriser, par exemple avec des vergers. C'est pourquoi, au niveau national, nous avons interpellé la DGAL***. Nous demandons à l'autorité nationale d'harmoniser la réglementation. A cette assemblée générale de Filavi, une information a aussi été apportée sur l'aide financière octroyée par la Région pour l'aménagement de ces parcours. »
Propos recueillis par Annie Laurie
* PCAE : plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles.
** DDPP : direction départementale de la protection des populations.
*** DGAL : direction générale de l'alimentation.