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Apiculture

BeeTRIP pour favoriser les productions de colonies d'abeilles

L'association pour le développement de l'apiculture en Auvergne-Rhône-Alpes (ADA Aura) avait invité, dernièrement à Valence, les professionnels de la filière pour une journée technique autour de la santé de l'abeille, la production de miel et la qualité environnementale.
BeeTRIP pour favoriser les productions de colonies d'abeilles

«Les parcours de transhumance au printemps : quelle influence sur la production de miels d'acacia et de châtaignier ? », tel était le thème abordé par l'ADA Aura le 29 novembre dernier à Valence, lors d'une grande journée technique dédiée à la présentation des résultats du projet BeeTRIP (Bee, transhumance, ressources, intoxications, performance). Ce projet, initié par l'ADA Aura en partenariat avec l'Itsap* et l'Inra et soutenu par le Feader et la Région Auvergne-Rhône-Alpes, avait pour objectif, sur une durée de quatre ans, d'évaluer l'influence de trois environnements au printemps (la moyenne montagne, les grandes cultures et l'arboriculture) sur la production des colonies d'abeilles. « Les connaissances produites et les éléments de réflexion que ce projet fait émerger touchent un large public : apiculteurs, agriculteurs, techniciens, chercheurs, pouvoirs publics, évaluateurs du risque, etc. », souligne Nicolas Guintini, apiculteur référent de la commission environnement à l'ADA Aura.

L’équipe en charge du projet BeeTrip était composée de Marion Guinemer (ADA Aura), Élodie Rumiano (ADA Aura), Victor Denervaud (ADA Aura), Thomas Quintaine (Anses), Maryline Pioz (Inra), Nicolas Guintini (apiculteur ADA Aura), Cyril Vidau (Itsap).

Une production régionale en baisse

La production française de miel, très fluctuante, oscille entre 11 000 et 27 000 tonnes depuis une quinzaine d'années, ce qui est loin de répondre aux demandes des Français qui en consomment environ 40 000 tonnes par an. En région Aura, le revenu des apiculteurs est fortement dépendant des miellées d'acacia et de châtaigner, qui représentent environ 40 à 50 % de la production régionale issue de plantes non cultivées. Cependant, leur production s'est effondrée ces dernières années, diminuant de moitié. Très inquiets pour la viabilité économique de leur exploitation et pour la santé de leurs colonies, les apiculteurs professionnels de la région ont souhaité lancer une étude sur l'impact du parcours de transhumance sur la production. C'est dans ce contexte qu'est né le projet BeeTRIP, mis en œuvre dès 2016, pour un budget global de 350 000 €.

Trois ruchers et trois parcours analysés

Les trois parcours de transhumance particulièrement utilisés par les apiculteurs professionnels de la région ont été étudiés, à savoir « pissenlit-acacia-châtaignier », « colza-acacia-châtaignier » et « fruitiers-acacia-châtaignier ». L'état sanitaire, la dynamique populationnelle ainsi que les récoltes de trois ruchers transhumants, installés à Saint-Laurent-du-Pont, Pommier-de-Beaurepaire (Isère) et à Moras-en-Valloire (Drôme), ont été analysés au cours de trois années successives : 2016, 2017 et 2018, et ce, afin de faciliter les comparaisons entre les différents parcours de transhumance. Au cours de ces derniers, les colonies ont eu la possibilité d'exploiter trois miellées : une de printemps (pissenlit, colza ou fruitier) puis une d'acacia suivie d'une de châtaignier. Après récolte, il s'est avéré que les productions moyennes de miel de châtaignier sont équivalentes quel que soit le parcours de transhumance effectué par les colonies. Il en va de même pour les productions de miel d'acacia entre 2016 et 2018 : les données statistiques n'ont révélé aucune différence significative.

L'exposition aux résidus de pesticides, un problème majeur

Des recherches sur l'exposition des colonies aux résidus de pesticides ont également été réalisées au cours des différents environnements traversés au printemps. Les pelotes de pollen collectées par les abeilles ont été échantillonnées et analysées à l'aide de méthodes multirésidus. Ces analyses ont permis de montrer que les pollens collectés dans les agrosystèmes céréalier et arboricole sont beaucoup plus contaminés par des résidus de produits phyto (75 à 100 % des pollens collectés) que ceux collectés dans un environnement de moyenne montagne (inférieur à 17 %). Les analyses chimiques réalisées pendant les miellées d'acacia et de châtaignier au cours des trois années donnent un taux d'échantillons de pollen contaminés de 40 à 64 %. L'exposition des colonies aux résidus de pesticides est donc fortement influencée par le parcours de transhumance.
Malgré tout, il semblerait que le parcours de printemps « grandes cultures » (colza-acacia-châtaignier) soit le plus approprié pour bénéficier d'une production de miel d'acacia intéressante. L'abondance des ressources disponibles grâce au colza, au printemps, permet aux colonies de se développer rapidement et d'assurer une bonne récolte. Pour preuve, les groupes de colonies qui ont réalisé ce parcours ont produit respectivement 140 et 69 kg de miel d'acacia de plus que les groupes ayant débuté leur parcours par les miellées de pissenlit et d'arbres fruitiers. Mais ce parcours « grandes cultures » n'est évidemment pas sans risque car les traitements appliqués sur ces parcelles ne sont pas sans effet sur la santé des colonies (mortalité, problème sur les reines, dépopulation, etc.) ainsi que sur la qualité des produits de la ruche (miel, pollen et cire). Cela demande donc davantage d'exigences d'un point de vue technique. En revanche, aucun parcours ne semble avoir favorisé de manière significative la production de miel de châtaigner. Au terme de trois années d'étude, les profils d'évolution démographique des colonies empruntant, d'avril à juillet, trois parcours de transhumance différents ont pu être analysés. « Ces données nous permettent d'appréhender un peu mieux les facteurs qui modulent la performance et la santé des colonies d'abeilles, notamment à l'exposition des produits phytosanitaires », conclut Maryline Pioz, chercheur en épidémiologie à l'Inra. L'ensemble des résultats, des modalités techniques et du dispositif expérimental seront à retrouver en ligne sur le site www.ada-aura.org

Amandine Priolet

 

Le projet BeeTRIP
• 15 000 kms parcourus ;
• 900 jours de travail ;
• 3 000 comptages d’abeilles ;
• 990 comptages de varroas ;
• 990 évaluations de colonies ;
• 200 analyses de cire ;
• 720 analyses de pollen ;
• 590 pesées de récolte ;
• 350 000 € de budget. 
* Itsap : institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation.