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Alimentation animale

Bien penser la nutrition pour limiter le recours aux soins

Formateur en santé et nutrition animale, Jérôme Crouzoulon intervient dans toute la France. Il a accepté de répondre à quelques questions.
Bien penser la nutrition pour limiter le recours aux soins

Ancien éleveur et technicien en chambre d'agriculture, vous connaissez bien le monde agricole. Vous donnez aussi régulièrement des formations sur la santé animale. Quel est le profil des gens que vous y croisez ?
Jérôme Crouzoulon : « Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la majorité des gens qui viennent dans ces formations sont en agriculture conventionnelle. Les médicaments disparaissent peu à peu et les agriculteurs sont de plus en plus incités à trouver des alternatives, alors, beaucoup d'éleveurs, quel que soit leur type d'élevage, se renseignent pour trouver des alternatives. »

Quels conseils donnez-vous aux agriculteurs lors de vos formations ?
J. C. : « Que ce soit lors des formations ou à côté, ce qui me paraît le plus important en élevage, c'est la prévention. Dans tout ce qui touche à la santé animale, il y a plusieurs étages allant de l'alimentation aux soins à proprement parler. Le dernier de ces étages, c'est la médecine thérapeutique, qu'elle soit conventionnelle ou non. Dans un élevage, il faut réfléchir aux moyens de limiter l'accès à cet étage. Les antibiotiques sont des filets de sécurité et doivent le rester. Il faut donc limiter les soins en faisant en sorte au maximum que l'animal ne soit pas malade. Pour cela on doit travailler sur la globalité de l'élevage. »

Quelles sont les méthodes pour atteindre cette approche globale ?
J. C. : « Il faut revenir aux bases. Pour cela, plusieurs méthodes existent. On pense notamment à la méthode Obsalim qui se développe de plus en plus en élevage. C'est un système assez simple à mettre en place sur les exploitations. À l'aide de plusieurs cartes, l'éleveur peut mettre des mots sur les symptômes de ses animaux. Cela permet d'observer la réponse animale mais aussi de réapprendre à observer pour nourrir correctement ses bêtes. Il permet aussi de voir les autres problèmes liés à l'exploitation. Ils sont alors nombreux et peuvent être liés au comportement de l'éleveur ou des autres animaux ou encore au bâtiment. Ainsi, l'utilisation fréquente des robots repousseurs, la présence d'un chien ou encore l'intervention fréquente des humains peut stresser les animaux. On conseille, par exemple, de laisser les animaux faire la sieste à 14 h pour qu'ils puissent bien digérer. Cela permet de respecter le cycle de l'animal. »

Vous avez parlé de l'alimentation, est-ce une part importante du travail dans une exploitation ?
J. C. : « Oui, évidemment. Les problèmes liés à l'alimentation sont nombreux et représentent environ deux tiers des pathologies animales. C'est donc le premier poste de surveillance dans un élevage. Ainsi, l'heure à laquelle on donne le repas peut avoir une incidence sur la santé de l'animal. Or, avec les ruminants il faut faire particulièrement attention. Il faut éviter au maximum les variations dans l'alimentation pour ne pas abîmer la flore bactérienne indispensable à leur système digestif. L'ordre dans lequel on donne le repas est aussi très important. De nombreux éleveurs ont pris l'habitude de donner le grain avant le foin. C'est un peu comme s'ils commençaient le repas avec le dessert. Que ce soit pour les bovins, les ovins ou les caprins, ce n'est pas bon. Le foin ingéré en premier permet de ralentir la digestion. Il permet donc à l'animal de mieux digérer les aliments riches en protéine comme les céréales. Pour résumer, il faut arriver à gérer au mieux la globalité de l'aspect sanitaire de son élevage avant même de réfléchir à aller plus loin. »

Justement, si la mise en place de ces pratiques ne suffit pas. Vers quoi peut-on se tourner ?
J. C. : « Il est tout à fait normal que cela ne suffise pas à régler tous les problèmes d'un troupeau. On peut alors monter au deuxième étage et se tourner vers ce que j'appelle la "phytonutrition". La phytonutrition ne se veut pas thérapeutique. On utilise la phytothérapie et l'aromathérapie comme des compléments alimentaires pour soutenir le métabolisme de l'animal. Quand les bêtes sont sollicitées ou avant les périodes que l'on sait compliquées, comme la lactation ou la mise bas, on utilise la puissance du végétal pour soutenir les animaux. Pour cela, on va intégrer à la ration des plantes qui vont aider l'animal dans cette période. Ainsi, pour la digestion ou le foie, on utilisera de l'artichaut, de la gentiane ou du pissenlit et pour un soutien à l'immunité, on utilisera des huiles essentielles de thym, de cannelle, d'origan ou de girofle. »

Pour ce qui est des plantes, n'est-ce pas difficile à utiliser en élevage ?
J. C. : « Cela peut paraître un peu difficile au début mais la pratique est en train de se développer et les soutiens aux éleveurs avec. Aujourd'hui, certains fabricants proposent ainsi des plantes déjà moulues pour pouvoir les intégrer plus facilement. Et puis pour ce qui est de la quantité, il ne faut pas s'inquiéter. Il n'y a pas besoin d'en amener beaucoup dans la ration. Un peu comme l'homéopathie, le principe se base sur l'information végétale contenue dans les plantes. Pour les bovins, par exemple, cinquante grammes par vache suffisent à stimuler les récepteurs. »

Si l'utilisation des plantes est facile, peut-on le faire sans se former ?
J. C. : « Je ne le conseille pas. Pas parce que je suis moi-même formateur mais bien pour le confort de l'éleveur. Comme partout, il y a une réglementation en la matière qu'il faut connaître. Et puis en pratique aussi, il faut veiller à ne pas faire d'impairs. En production laitière, par exemple, il ne faut surtout pas utiliser d'huile essentielle d'ail qui donne un goût au lait. Des contre-indications comme celle-là, il y en a quelques-unes qu'il faut connaître pour pouvoir faire au mieux au sein de son élevage. »

Propos recueillis par Aurélie Pasquelin