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Interview

Bruno Darnaud : « des baisses de 25 à 50 % en fruits d’été »

Président de l'AOP pêches et abricots de France, Bruno Darnaud affiche ses inquiétudes, notamment au niveau des nectarines. La faute à un mois de mars particulièrement difficile.
Bruno Darnaud :  « des baisses de 25 à 50 % en fruits d’été »

Quelles sont les prévisions de production ?
Bruno Darnaud : « On annonce une production d'abricots à moins 26 % au niveau national. Aucune prévision au niveau des pêches et nectarines n'a été faite par les Espagnols, les Italiens ou les Français à cause des incertitudes, même si on attend une baisse.
Au niveau régional, il semblerait qu'on soit plus impacté, notamment en abricots où on parle de baisses de l'ordre de - 50 %. Pour ce qui est des pêches et nectarines, les producteurs sont inquiets et craignent à une baisse de 40 à 50 % de la production. »

Pourquoi de tels chiffres ?
B. D. : « On a beaucoup parlé des heures de froid durant l'hiver qui n'ont pas été suffisantes. Néanmoins, nous sommes dans une région qui a eu un peu plus de froid que les autres, ce qui nous a rendus optimistes. Le problème est que les arbres ont fleuri avant les autres régions, la météo s'est ensuite refroidie, ce qui fait que nous avons eu plusieurs épisodes de gel puis un mois de mars désastreux avec du vent, de la pluie et des températures très basses. Conséquence, la nouaison a été très très compliquée. Il semble donc que notre région soit un peu plus handicapée en pêches et nectarines. Concernant les abricots, des variétés ont plus ou moins résisté. Malheureusement ce sont les plus plantées de Rhône-Alpes qui ont le moins résisté, comme le bergeron. En plus, on a eu des épisodes de grêle précoces... »

Ces mauvais chiffres risquent-ils d'impacter des exploitations qui sont déjà fragiles ?
B. D. : « C'est difficile à dire mais il est clair qu'une exploitation axée sur le bergeron va avoir de gros soucis. Pour cette variété, on parle de seulement 20 à 25 % de récolte. »

Êtes-vous inquiet ?
B. D. : « On est encore un peu dans l'incertitude. On n'est pas très inquiet concernant le mois de juin en abricots, mais on l'est beaucoup plus pour le mois de juillet car on sait qu'on aura du mal à fournir. La campagne abricots va être très déséquilibrée. Commercialement, certains opérateurs vont être tentés d'aller s'approvisionner vers d'autres pays qui ne sont pas forcément l'Espagne ou l'Italie mais plutôt la Turquie ou la Grèce. Concernant les nectarines, je suis un peu moins inquiet car je sais que nos collègues du Sud sont moins impactés, ce qui va nous permettre de fournir toute la saison. »

Bruno Darnaud annonce une campagne abricots très déséquilibrée.

Peut-on s'attendre à une hausse des prix ?
B. D. : « Quand vous perdez 20 à 30 % de la production, vous pouvez espérer que les prix vous rattrapent. Mais quand on est à ces niveaux-là, c'est impossible. On sait que les cours seront plus élevés mais ils ne compenseront jamais les pertes. »

On vient de parler de la douceur de l'hiver. La production d'abricots et de nectarines subit-elle le réchauffement climatique ?
B. D. : « L'année dernière nous étions très en avance, cette fois nous sommes un peu en retard, même si la floraison avait quatre semaines d'avance cette année. Les différentes variétés réagissent différemment. Cette année, les variétés qui n'ont pas de besoins en froid ont bien fleuri mais n'ont pas de fruits à cause d'un mauvais mois de mars. Par contre, d'autres variétés à floraison plus tardive sont passées à côté du froid de mars, ce qui les a avantagées. Par rapport au problème du réchauffement climatique, on sait qu'il faut adapter nos variétés, et peut-être les diversifier. »

Pour ce qui est des traitements phytosanitaires, il existe une certaine pression de l'opinion publique. Comment y répondez-vous ?
B. D. : « On y est particulièrement attentifs. Au niveau de l'AOP, nous avons lancé il y a plusieurs années les vergers éco-responsables. La difficulté est qu'il y a parfois des demandes irrationnelles, notamment aveccelle du zéro phyto. La réduction des traitements, nous sommes tous d'accord, nous y sommes favorables et nous nous y sommes engagés depuis plusieurs années. »

Qu'en est-il de vos relations avec les distributeurs ?
B. D. : « Les contacts avec les distributeurs se passent plutôt bien, notamment à travers leur volonté de mettre en avant les produits français avec le logo éco-reponsable. Le dialogue avec eux est plutôt intéressant. 

 

Carte de visite
Bruno Darnaud, 53 ans, président de l'AOP pêches et abricots de France.
Arboriculteur à La-Roche-de-Glun : 25 hectares en arboriculture (essentiellement en pêches et abricots, plus des poires et des cerises) et 7 hectares de vignes.