Cave La Suzienne : une alerte nonagénaire !

Nous sommes en 1926. La crise viticole fait alors rage en France et le vignoble de la région n'est pas épargné. Les viticulteurs, dépendants du négoce pour la vente de leur raisin et de leur vin, sont dans une impasse. Une poignée de vignerons du village de Suze-la-Rousse - dont Louis Boyer et Léon Boudon, alors maire de la commune - décide de s'unir et de créer la cave coopérative La Suzienne. Elle prospère si bien qu'elle comptera jusqu'à 880 membres répartis sur les communes du Sud-Drôme et du Nord-Vaucluse.
En 1960, une extension porte le volume de la cuverie à 80 000 hectolitres (hl). On est loin des cinquante premiers vignerons et des 5 000 hl de capacité du début. En 1971, de nouveaux investissements sont réalisés avec la construction d'un bâtiment abritant un caveau de vente, des quais de réception de la vendange et une toute nouvelle cuverie portant le potentiel de vinification à près de 200 000 hl. Au fil des ans, La Suzienne devient une des plus grande cave des côtes-du-rhône, sa capacité de stockage et de vinification atteignant 285 000 hl.
Des années difficiles avant la reprise
Jusqu'à la fin du siècle dernier, l'activité vitivinicole se porte bien. Cela permet aux membres de la coopérative d'assurer la pérennité de leur exploitation. Malheureusement, la forte crise des années 2000 entraîne une démobilisation des vignerons. Nombre d'entre eux décident alors d'arrêter leur activité (arrachage définitif des vignes, vente à des investisseurs privés...). Les volumes produits baissent drastiquement, ce qui provoque une perte de rentabilité pour la coopérative.
La reprise aidant, depuis trois ans le nombre de vignerons et les hectares se sont stabilisés. Aujourd'hui, autour de 90 000 hl sont vinifiés grâce aux apports de quelque 300 vignerons répartis sur 22 communes. Membre du Cellier des Dauphins depuis sa création, la Suzienne vend 35 % de ses volumes par le biais de cette union de coopératives.
Une cave tournée vers la qualité
La capacité de La Suzienne lui permet de produire à 80 % des appellations contrôlées (côtes-du-rhône, côtes-du-rhône villages et grignan-les-adhémar). Le reste est commercialisé en vin de pays de la Drôme et vin sans origine géographique. Depuis 2004, le règlement de la vendange ne se fait plus au degré hectolitre mais à la qualité. Depuis longtemps, la cave pratique des sélections parcellaires. A la réception, les raisins sont analysés puis triés pour des vinifications séparées. La Suzienne est équipée de techniques récentes : flash détente, cuves autorégulées en température. De plus, son chai de vieillissement de 800 m² est entièrement climatisé et à hygrométrie constante.
En 2010, la cave coopérative décide de mener une réflexion pour réorganiser ses outils de vinification. Cela aboutit à la réalisation de gros travaux. L'outil de vinification est alors totalement repensé et reconstruit pour être opérationnel lors des vendanges de 2015. Les derniers investissements ont permis de regrouper la vente et toute la vinification sur la cave du haut, le stockage restant sur la cave du bas.
Visualiser le film réalisé réalisé à l'occasion du 90ème anniversaire de la cave.
Samedi 9 juillet /
Portes ouvertes et soirée vigneronne
Afin de fêter dignement ses 90 ans, La Suzienne organise ce samedi 9 juillet, à partir de 9 h, une journée portes ouvertes. Dégustations, accords mets et vins, jeux concours, projection du film retraçant l'histoire de la cave et grande soirée vigneronne sont au programme. La Suzienne édite également une cuvée spéciale 1926-2016. Il s'agit d'un côtes-du-rhône rouge grenache et syrah millésime 2015. Une cuvée de collection en vente au caveau.
Information et inscription au repas de la soirée (30 euros pour les adultes, 10 pour les enfants) auprès du caveau (04 75 04 48 38)
Les hommes de la Suzienne 3
Depuis sa fondation, la Suzienne a connu neuf présidents. Le premier était Louis Boyer (de 1926 à 1933) et l'actuel est Jean-Louis Labaume (président depuis 2005). A ce jour, elle n’a connu que six directeurs dont l’emblématique Henri Michel (de 1945 à 1974) qui fut maire de Suze-la-Rousse et député du vin pendant longtemps. Michel Bourdarel a dirigé la cave pendant 25 ans (1981-2005). Alain Bayonne est l'actuel directeur.
La Suzienne en quelques chiffres
300 coopérateurs.
1 600 hectares.
90 000 hectolitres (moyenne annuelle).
AOP grignan-les-adhémar : 425 ha soit 40 % de l'appellation.
AOP côtes-du-rhône et côtes-du-rhône : 1 025 ha.
Vin rouge : 90 % (grenache, syrah, carignan, merlot).
Vin rosé : 6 % (grenache noir, cinsault).
Vin blanc : 4 % (grenache, viognier, chardonnay, marsanne, roussane, bourboulenc).
Interview / Jean-Louis Labaume, président de La Suzienne, évoque le présent de la cave coopérative.
« La priorité est d’assurer la pérennité de nos apports »
Jean-Louis Labaume : « Pour une nonagénaire, on peut dire qu’elle va bien. Comme je l’ai dit il y quatre mois à l’assemblée générale, si la récolte 2014 avait été de qualité, en 2015 les rendements viticoles ont de nouveau baissé avec une production à 70 600 hectolitres (contre 84 000 en 2014). Les frais fixes de fonctionnement sont là et le seuil d’équilibre de 85 000 à 90 000 hl minimum doit être atteint chaque année pour notre cave. Or notre vignoble a vieilli et souffert des dernières années. La priorité est d’assurer la pérennité de nos apports. Je compte arrêter la présidence d’ici trois ans maximum et je veux que les jeunes puissent prendre la succession avec un avenir assuré. Donc, il faut qu’ils entretiennent et agrandissent le vignoble, qu’ils soient encore plus compétitifs pour prouver que la coopération a de beaux jours à vivre ici à Suze-la-Rousse. »
Et la commercialisation ?
J-L.L : « Là aussi, ça s’améliore. En fin d’exercice, tout sera vendu et, je l’espère, enlevé par nos clients afin de faire baisser le stock, ce qui nous permettra d'attaquer la vendange l’esprit serein. Les prix, eux, se sont bien maintenus et l’on retrouve un peu de sérénité, bien que la quantité ne soit pas au rendez-vous. »
Avez-vous des projets ?
J-L.L : « On en a toujours mais de là à les réaliser... Nous sortons d’un plan de cinq ans avec des investissements d'un montant total de 3,2 millions d’euros pour réorganiser entièrement nos services techniques. Nous allons donc faire une pause. A court terme, le projet le plus important est de prévoir l'implantation du nouveau caveau lorsque la nouvelle déviation sera en place et que les visiteurs ne passeront plus devant la cave. La réflexion est engagée.
Par ailleurs, après trente ans de démarche, la bonne nouvelle du passage en côtes-du-rhône villages Suze-la Rousse est tombée le 8 juin. Cela nous permettra de vinifier le premier millésime en 2016. Il faut nous y préparer pour le réussir en vinification puis en commercialisation.
Enfin, à très court terme, il s’agira de fêter dignement notre nonagénaire et j’invite nos amis et clients à venir le 9 juillet. La journée des 90 ans sera aussi l’occasion de visiter nos nouvelles installations et déguster la cuvée anniversaire ainsi que nos autres vins. »