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INTERVIEW

“ Ce n’est pas aux producteurs de payer les conséquences de ce qu’il se passe aujourd’hui ”

Depuis le début du confinement, Jeunes agriculteurs (JA) met tout en œuvre pour poursuivre les installations. Si cette période rend la tâche plus difficile, des délais exceptionnels sont accordés pour finaliser les dossiers. Nicolas Merle, président de JA Aura, revient les actualités du syndicat et les impacts de l’épidémie de Covid-19.
“ Ce n’est pas aux producteurs de payer les conséquences de ce qu’il se passe aujourd’hui ”

Comment les installations se passent-elles depuis le début du confinement ?
Nicolas Merle : « Aujourd'hui nous faisons de notre mieux pour que les installations ne soient pas bloquées. On a eu quelques problèmes au départ mais globalement tout se passe bien. Nous avons négocié avec le ministère de l'Agriculture un dispositif particulier pour permettre aux jeunes de concrétiser leur projet d'installation. Les jeunes agriculteurs sont malgré tout confrontés à des lenteurs administratives justifiées par le ralentissement des services. Face à un décalage d'un mois sur les dossiers, l'administration reste assez souple sur la restitution des pièces administratives obligatoires pour pouvoir s'installer en laissant un délai supplémentaire. Les installations se font malgré tout au fur et à mesure dans les départements. Il n'y a pas de dossiers bloqués à ma connaissance. Malgré la crise sanitaire, il y a quand même une dynamique qui suit la courbe de l'année dernière. Le seul problème réel auquel nous sommes confrontés en ce moment, c'est le blocage de toutes les autorisations d'exploiter qui empêchent certaines installations ».

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce cas de figure particulier ?
N. M. : « Depuis le 3 mars, toutes les demandes d'autorisation d'exploiter sont bloquées en raison de leur obligation de mise en concurrence, ce qui n'est pas possible actuellement. Les opérations soumises à autorisation d'exploiter font systématiquement l'objet d'une publicité mensuelle afin de permettre à d'éventuelles candidatures de se manifester par le biais de demandes d'exploiter concurrentes. Or, aujourd'hui il y a un décalage de deux mois entre la publication de l'avis et la réponse du délai d'instruction. La procédure pourrait donc être attaquée en justice par une personne tiers pour ne pas avoir respecté l'obligation de mise en concurrence. Ces dossiers d'installation particuliers ne pourront pas être instruits car ils n'auront pas leur autorisation d'exploiter. A ce jour, nous ne connaissons pas le nombre de projets qui pourraient être impactés. Je ne sais pas s'il y aura des mesures exceptionnelles. Nous sommes actuellement en discussion avec la Draaf et le ministère de l'Agriculture pour trouver une solution. »

Quelles sont les priorités de Jeunes agriculteurs en ces temps de crise et de confinement extraordinaires ?
N. M. : « Nous travaillons toujours sur la mise en place des EGA : la prise en compte des coûts de production et une meilleure rémunération pour nos agriculteurs. Depuis le début du confinement le 17 mars, la vente directe s'est énormément développée. Il y a malgré tout des problématiques très variées selon les filières et les départements, concernant notamment la viande bovine. Autre exemple : la filière AOP, une production à haute valeur ajoutée qui vit essentiellement de tourisme et de restauration et où les stocks ne font qu'augmenter. En Haute-Loire, les fromages de chèvres sont aussi en surproduction.
En filière ovine, il y a eu une perte de 0,50 euro le kilo sur les agneaux la semaine dernière. On nous a fait baisser le prix en prévoyant une demande décroissante qui ne s'est pas avérée. Au final, il y eu de la demande et nous avons même manqué d'animaux ! On ne peut pas dire qu'il y a des filières qui se portent bien, il y a certains départements qui se portent mieux que d'autres, sauvés en partie par la vente directe. Nous faisons aussi très attention au jeu des industriels pour faire baisser les prix. Ce n'est pas au producteur de payer les conséquences de ce qu'il se passe aujourd'hui ».

Qu'en est-il du congrès JA et des finales de labours qui ont habituellement lieu pendant l'été dans les départements de la région ?
N. M. : « Le congrès de Jeunes agriculteurs a été décalé en raison de l'épidémie de Covid-19. Il aura finalement lieu du 27 au 29 octobre 2020, toujours au Palais des congrès de La Baule-Escoublac (ndlr Loire-Atlantique). Nous avons accepté les seules dates restantes disponibles. En ce qui concerne nos finales de labours départementales et régionale, nous n'avons à ce jour aucun mot d'ordre pour annuler ces évènements. Nous ne connaissons pas les modalités selon lesquelles elles vont se dérouler, personne ne sait comment ça va se passer mais ça devrait se passer. Peut-être à huit clos, peut-être pas, aujourd'hui je suis incapable de le confirmer. Nous le ferons savoir dès que nous aurons ces informations. On avance au fur et à mesure. Personne n'aurait pu prévoir ce qu'il se passe aujourd'hui ». 
Propos recueillis par Alison Pelotier