Céréales : monter en gamme et conquérir des marchés

Le 3 décembre à Marsanne, les exploitants agricoles étaient conviés à une réunion publique autour du thème « Entre changement climatique et demandes sociétales, produire pour quels marchés demain ? ». Un sujet phare dans une actualité bien chargée au niveau national, a indiqué Anne-Claire Vial, administratrice de la FDSEA et présidente d'Arvalis-Institut du végétal.
« Faire du standard n'est plus possible »
Avec une production de céréales équivalente à 110 000 tonnes, la Drôme se classe à la trente-septième place au niveau de la production nationale. Troisième exportateur de la région Auvergne-Rhône-Alpes avec quarante millions d'euros par an, le département sert principalement des clients vers l'Espagne ou l'Italie. Cependant, cette année, avec une mauvaise production de blé dur, il se pourrait bien que la Drôme perde son marché en Italie. « Aujourd'hui, nous n'avons pas dans les zones d'origine le blé qu'il nous faut pour satisfaire la qualité recherchée par nos clients, a expliqué Anne-Claire Vial. Nous ne pouvons pas nous battre contre les prix du marché. Le plan de transformation de la filière inscrit, comme solution première, la montée en gamme ». Une meilleure qualité pour répondre aux besoins des consommateurs, qui, à notre époque, réclament le goût, le vrai, la traçabilité et le sens, c'est-à-dire l'éthique. « Aujourd'hui, on fait le pari que cette demande va sauver nos agriculteurs. Faire du standard n'est plus possible. Il est indispensable d'améliorer la qualité de nos céréales », a-t-elle ajouté.
« Ne pas se couper de l'Europe »
L'intervention de Margaux Verdier, analyste de marché à France Export Céréales, a permis de faire un état des lieux sur l'exportation de céréales françaises à l'étranger. Par exemple, 20 millions de tonnes de blé tendre français sont exportées, partagées entre les pays tiers (60 %) et l'Union européenne (40 %). « Se couper de l'Europe et fermer les frontières comme on le préconise ? Nous, agriculteurs, sommes morts si cela devait arriver », a fait remarquer Anne-Claire Vial. Aujourd'hui, si la France est le premier exportateur intracommunautaire en Union européenne pour le blé, l'objectif est de conquérir de nouvelles parts de marché à l'international. D'autant plus que la Russie ou l'Ukraine commencent à grappiller nos parts de marché depuis une mauvaise production française en 2016-2017. Des pays méditerranéens se sont alors tournés vers le blé russe. « La concurrence est de plus en plus présente et il faut trouver d'autres solutions pour maintenir le bon niveau de la filière française », a expliqué Margaux Verdier.
Amandine Priolet
Dix ans d’agriculture drômoise / Analyse et enjeux
Devant les céréaliers de la plaine de Marsanne, Anne-Claire Vial et Pierre Combat, administrateurs à la FDSEA de la Drôme, ont dressé un bilan des dix dernières années. Les petites exploitations (moins de 25 000 euros de chiffre d’affaires) ont tendance à disparaître. 25 % des exploitants sont double-actifs et les emplois salariés continuent leur progression. Sur les récentes installations, un exploitant sur deux est une femme. Le problème du foncier est récurrent et inquiète nombre de responsables agricoles. « Les terres agricoles de la Drôme sont les plus chères de France, avec la Savoie. Aujourd’hui, un hectare vaut 7 500 € alors que la moyenne nationale est de 6 030 € », a affirmé Pierre Combat. Alors certes, les chiffres sont moindres que ceux des pays étrangers (55 200 €ha aux Pays-Bas, 28 400 €ha en Angleterre ou encore 19 900 €ha en Italie) mais la tendance s’est généralisée en Europe avec la hausse du prix du foncier.Cependant, ce qui inquiète encore plus, c’est le retrait de terres agricoles du fait de la dynamique d’urbanisation. De 160 hectares en 2015, il est passé à 258 hectares en 2016, soit en moyenne la disparation de huit exploitations par an. « Les chiffres font peur, a confié Pierre Combat. Pour moi, aujourd’hui, il serait urgent de travailler sur le réaménagement et la réurbanisation des villes comme Montélimar, Valence, Romans. »
D’autre part, la question de l’irrigation fait débat. Indispensable sur la plupart des productions actuelles, notamment en raison du changement climatique, l’irrigation coûte de plus en plus cher (+ 45 % en quinze ans). Aujourd’hui, il s’agit de la principale charge en grandes cultures et semences. Enfin, et c’est ici une richesse pour l’avenir, plus de 60 % des exploitants ont au moins un produit sous signe de qualité (IGP, AOC, agriculture biologique, etc.). D’ailleurs, la Drôme a enregistré un fort développement en agriculture biologique, avec + 142 % depuis 2005.