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Expérimentation

Cerise : le point sur les suivis et essais de la Sefra à Etoile

Le comportement, dans les conditions de l’année, des variétés de cerise étudiées par la Sefra sur son site d’Etoile-sur-Rhône.
Cerise : le point sur les suivis et essais de la Sefra à Etoile

Chaque année, la station d'expérimentation fruitière (Sefra) de la région Auvergne Rhône-Alpes réalise des suivis de variétés et porte-greffe de cerisiers, ainsi que des essais phytosanitaires sur les maladies de conservation et Drosophila Suzuki principalement. Voici un premier bilan de la saison 2020.
L'exposition variétale habituellement tenue fin juin sur le site d'Etoile a dû être annulée cette année en raison des restrictions de rassemblement maintenues jusqu'à maintenant. Le PDF complet des suivis variétaux peut être consulté sur le site internet de la Sefra (www.pep.chambagri.fr). Un service complémentaire via un groupe facebook Sefra a également été mis en place ce printemps pour les producteurs cotisant à l'expérimentation via l'AOP abricot pêche, l'Afrel, SFS ou Fruit Plus et leur propose ainsi des vidéos au verger sur les nouvelles variétés.
Un lien vers une enquête en ligne a été transmis début mai à de nombreux arboriculteurs via leurs OP et conseillers chambres afin d'évaluer les demandes récentes des producteurs concernant l'expérimentation nécessaire à la Sefra sur la cerise. Un maximum de réponses est primordial afin d'orienter au mieux les prochains projets de recherche.

Conditions météorologiques

L'hiver 2019-2020 s'est avéré assez doux. Cependant, les besoins en froid ont été satisfaisants sur une grande majorité des variétés. L'époque de floraison a été plutôt classique cette année, s'étalant de fin mars à mi-avril. Il n'y a presque pas eu d'épisodes pluvieux sur cette période mais tout de même du gel le 25 mars. Ce jour-là, les températures sont descendues jusqu'à -1,5 °C mais sont vite remontées, ne causant pas de dégâts à la Sefra.
Les températures presque estivales du mois d'avril ont ensuite accéléré la maturation des fruits, faisant de 2020 une année précoce avec 10 jours d'avance. Particularité peut-être due au climat, l'avance est plus importante sur certaines variétés que d'autres. Ainsi, des variétés semi-tardives telles que Kordia ont été ramassées presque en même temps que des variétés de saison comme Summit.

Gestion des bioagresseurs

L'année 2020 a été laborieuse pour les cerises, après le répit de 2019. D'une part, à partir de fin avril, des épisodes pluvieux conséquents et quasi journaliers ont provoqué un taux d'éclatement très important sur les variétés précoces, accompagné d'une pression monilia élevée. D'autre part, l'hiver doux et le mois d'avril chaud ont permis à Drosophila suzuki d'être très rapidement présente sur les variétés précoces. Elle a donc causé quelques surprises avec un nombre de piqûres notable sur ces variétés où le nombre de traitements est moindre que sur les tardives. La saison commençait mal mais les pluies se sont taries et la pression en Drosophila suzuki est restée modérée et soutenable. Le site de la Sefra est cependant particulièrement propice à son développement, avec les nombreuses haies et le ruisseau. Des pertes de l'ordre de 10 à 20 % ont été enregistrées dès les variétés de saison. Ainsi, pour récolter les variétés semi-tardives et tardives, il fallait rester très vigilant sur les cadences de traitements. A noter aussi, cette année, Ragholetis Cerasi (mouche de la cerise) s'est également très bien épanouie avec des premiers vols tout début mai à la Sefra. Et des proportions retrouvées dans les cerises de l'ordre de 20 % à partir des variétés semi-tardives, soit aux alentours du 8 juin, malgré les traitements habituels visant ces deux mouches. La Sefra réalise donc différents types d'essais. L'un d'eux concerne l'argile en tant que barrière mécanique. Des tests commencé en 2016 montrent un réel intérêt de l'argile comparée à d'autres barrières mécaniques. 2020 conclut une série de trois années d'essais de stratégies incluant l'argile. L'efficacité semble définitivement avérée, et confortée avec des tests menés à la station d'expérimentations de La Tapy. Elle serait de l'ordre des références chimiques. L'argile n'aurait par contre pas la même action sur Ragholetis Cerasi : elle prend sa place sur ces modalités, probablement grâce à l'absence de concurrence avec Drosophila suzuki. Par ailleurs, des tests de nettoyage sur diverses calibreuses hydrauliques donnent un résultat intéressant mais encore imparfait. Davantage d'informations seront transmises dans le courant de cet automne. 

Claire Gorski, responsable du programme cerise Sefra

 

Synthèse des nouvelles variétés 

Sur le créneau précoce / Burlat 
Il y a toujours peu de variétés en cours d’évaluation sur le créneau des précoces. Pour l’instant, Frisco cov semble intéressante avec une fermeté (60) supérieure aux autres variétés de ce créneau et un bon potentiel de calibre (26). Elle reste cependant sensible à l’éclatement avec 20 % de dégâts. Son autre point limitant est sa charge, qui s’est stabilisée depuis trois ans à 10 t/ha maximum.
Rocket cov est une autre variété du même créneau mais n’a jamais produit plus de 3 t/ha en raison d’une très mauvaise nouaison. Il n’y a toujours pas de variétés plus précoces et aussi intéressantes que Burlat sur ce marché.

Frisco cov.
Sur le créneau semi-précoce / Folfer
Folfer cov est toujours une bonne référence puisqu’elle combine calibre très intéressant, bonne fermeté et qualité gustative appréciée mais a pour défaut une forte sensibilité à l’éclatement.
Parmi les dernières variétés à l’étude, les précoces de la gamme Royal, à savoir Royal Hazel® et Royal Bailey®, se situent également dans ce créneau. Les arbres sont cependant suspectés d’être virosés. Royal Hazel® a une floraison très précoce et n’est pas autofertile, les arbres à la Sefra n’ont donc produit qu’une année sur trois. Rubilam cov semble être une variété prometteuse produisant pour l’instant entre 10 et 15 t/ha de cerises de calibre 26-28. Elle a une bonne fermeté (65-70), une très bonne qualité gustative mais reste sensible à l’éclatement (20 à 30 %). Sur ce créneau, d’anciennes variétés comme Ferdouce cov gardent totalement leur place.

Penny
Sur le créneau de saison / Summit 
De nombreuses bonnes variétés sont déjà disponibles sur ce créneau : Summit, Fertille cov, Black Star cov, Grace Star cov… Quelques nouveautés sont tout de même à l’étude dont une variété très prometteuse sous numéro : V3842 de Cep Innovation. Sa charge est stabilisée à 13 t/ha à la Sefra (sur une partie du verger peu poussant), avec un calibre de 26-28, une bonne fermeté (70), peu sensible à l’éclatement et de très bonne qualité gustative.
La variété Babelle est également entrée dans ce créneau cette année, même si elle était d’habitude un peu plus tardive. Les arbres sont plantés au même endroit et peinent un peu à pousser, le rendement est donc stabilisé à 13 t/ha avec du calibre 26-28 mais son potentiel peut être supérieur. Elle a une bonne fermeté, une bonne qualité gustative et une sensibilité plutôt faible à l’éclatement.

V3842.
Sur le créneau semi-tardive / Belge 
La variété Belge de référence possède quand même quelques défauts importants comme sa production irrégulière et sa fermeté limite. La variété Kordia est très bonne au niveau gustatif mais sensible à l’éclatement.
Très peu de variétés sont à l’étude sur ce créneau mis à part Penny qui, cette année, s’est récoltée plus tardivement. Le fruit se caractérise par un pédoncule très court, rond, ferme et se récolte rouge. L’arbre a une forte charge (15-25 t/ha) pour un calibre de 28. Sa sensibilité à l’éclatement reste importante (25 %).

V3842.
Sur le créneau tardif / Régina  

Royal Helen® et Royal Edie®, d’International Fruit Selection, sont des variétés autofertiles très productives et d’un fort potentiel de calibre (28). Mais ces variétés sont particulièrement sensibles à Drosophila suzuki au point qu’il est impossible, à la Sefra chaque année, de commercialiser leurs fruits malgré la cadence de traitements des tardives. Elles sont, en plus, sensibles aux monilioses. Le port de leurs arbres est cependant intéressant pour un mode de conduite en palissé. Ces variétés doivent impérativement être conduites sous bâche et filet anti-drosophile. Balrine est également récoltée sur ce créneau mais a été plantée en 2015 à la Sefra et n’est qu’en première année de production significative. Son potentiel est intéressant, avec une forte charge et un bon calibre.

 

Synthèse des porte-greffes :

La Sefra travaille en réseau sur l’étude de porte-greffes de type nanisant ou semi-nanisant. Pour chaque porte-greffe, au minimum 2 associations avec des variétés différentes sont réalisées. Une gamme de vigueur des différents porte-greffes est établie pour le contexte pédoclimatique du site d’Etoile et certaines caractéristiques en ressortent.

Etudié depuis 2012, Piku 1 est un très bon porte-greffe, conservant une vigueur correcte même en gobelet et une charge qui se maîtrise bien pour garder un certain calibre. Il peut être un très bon porte-greffe pour des vergers en axe dans notre type de sol. Gisela 6 se comporte bien en axe à la Sefra mais a tout de même tendance à se dégarnir (bien plus limité qu’en gobelet) et, selon la variété, sa charge doit absolument être maîtrisée. Krymsk 6 a été planté en gobelet et s’est très mal ancré, les arbres ont été tuteurés par la suite mais trop tard. Il faudrait valider son comportement en verger palissé. Gisela 11 et 12 sont plutôt intermédiaires en termes de vigueur. Gisela 12 possède les désavantages de la gamme des Gisela, à savoir un dégarnissement des charpentières et un dépérissement à la Sefra à partir de la septième feuille. Enfin, les Krymsk 5 et 7 sont assez similaires à Maxma 14 mais seraient moins sensibles à l’asphyxie racinaire et pourraient donc être à privilégier dans certains types de sol. A noter, Krymsk 5 drageonne beaucoup.

Claire Gorski, responsable du programme cerise Sefra

 

Cerises / En 2020, plusieurs variétés ont été observées pour la première fois au verger expérimental de Saint-Laurent-d’Agny, dans le Rhône. Elles se positionnent dans les créneaux Burlat, Folfer et Summit.

Variétés en première année d’observation à Saint-Laurent-d’Agny

Créneau Burlat
Les premiers résultats de la variété Sweet Aryana montrent une fermeté assez bonne (Durofel : 70), une faible sensibilité à l’éclatement (2 %), un bon taux de sucre (19,5) et une bonne qualité gustative. Au niveau du calibre, le 28 mm domine avec 43 % des fruits. « Il est encore trop tôt pour noter sa productivité, l’arbre étant en troisième feuille », souligne Cédric Chevalier, conseiller arboriculture à la chambre d’agriculture du Rhône.
La variété Nimba a une fermeté moyenne (Durofel : 60). Elle présente une bonne qualité gustative et un taux de sucre à 20. Son potentiel calibre semble important avec une majorité de 28 mm (43 %). Comme Sweet Aryana, les arbres sont en troisième feuille.
Créneau Folfer
Sweet Lorenz présente une fermeté moyenne (Durofel : 68). Le fruit est de bonne qualité gustative avec un taux de sucre de 20. Les techniciens ont enregistré une production de 0,106 t/ha pour cette première année d’observation (troisième feuille). Au niveau des calibres, la majorité des fruits sont de 28 mm (45 %).
Pacific Red a une fermeté moyenne (Durofel : 68), une bonne qualité gustative et un taux de sucre à 19,5. Une petite faiblesse du côté du calibre avec une majorité de 26 mm (35 %). Et Merchant a une qualité gustative satisfaisante avec un taux de sucre à 20. Comme Pacific Red, la majorité des fruits présente un calibre de 26 mm (40 %).
Créneau Summit
Royal Lafayette a une bonne fermeté (Durofel : 76), une sensibilité à l’éclatement faible (6 %). En revanche, sa qualité gustative est moyenne. Son taux de sucre se situe à 18,2. Elle a un bon potentiel calibre : 67 % de 28 mm.
Et Vanda, déjà étudiée par le passé, a été remise en place en 2020 pour étudier son potentiel en circuit court. Elle a une fermeté assez bonne (Durofel : 71) et une faible sensibilité à l’éclatement (7 %). Elle présente une bonne qualité gustative et un taux de sucre à 20. Son pédoncule est de taille moyenne. Côté calibre, son potentiel est intéressant : 47 % de 30 mm.
« Pour beaucoup de variétés, 2020 a été la première année d’observation. Il faut compter deux à trois ans pour qu’elles confirment leur qualité et leur potentiel. Rendez-vous l’année prochaine », conclut Cédric Chevalier.
Marie-Cécile Seigle-Buyat
Zoom sur…Fertard
Très tardive, Fertard est l’une des meilleures variétés du verger depuis 2010. Avec une bonne qualité gustative, une belle productivité (45,7 t/ha en 2020) et un potentiel calibre important (57 % de 28 mm et 20 % de 30 mm en 2020), elle satisfait les producteurs. Toutefois, cette variété est très technique à conduire. « Tout doit être mis en œuvre pour assurer une production suffisante. Il faut notamment soigner la pollinisation (2 pollinisateurs, ruches…), gérer la vigueur sans excès, maîtriser la vigueur, tailler modérément en conservant les rameaux frêles et de petit calibre. Par ailleurs, les cerises sont très sensibles à la chaleur (fruits mous, couleur interne brune ainsi qu›un goût de pruneau cuit) », constate Cédric Chevalier.
Éric Gaudin, arboriculteur à Thurins (Rhône), a fait le choix de cette variété. « Elle est facile à récolter. La conduite se fait sur des pandouillards, ce qui n’est pas habituel pour la cerise. Elle a de la tenue même à maturité et un important potentiel calibre », explique l’agriculteur. En revanche, l’arboriculteur qui livre toute sa production de cerises à Sicoly reconnaît que la pollinisation de Fertard peut être délicate et que, lorsque la récolte est trop légère, la qualité gustative est impactée. « Il faut également être vigilant car Fertard a tendance à être trop végétative. Il faut faire attention de ne pas mettre un porte-greffe trop poussant, pour limiter ce facteur. » n