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Manif

Cerises : avec la fin du Phosmet, une catastrophe annoncée

 Lundi 16 janvier, des producteurs de cerises ont manifesté afin d'interpeller le ministre de l'Agriculture et obtenir une solution efficace face au principal ravageur de ce fruit.

Cerises : avec la fin du Phosmet, une catastrophe annoncée
Le 16 janvier à Tournon-sur-Rhône, à l'appel de la FDSEA et de JA 07, des producteurs de cerises ont dénoncé l'impasse dans laquelle ils se trouvent après le retrait du Phosmet.

« SOS Cerises », « N'importons pas l'agriculture dont nous ne voulons pas ! », « Papy a planté, papa aussi et moi je dois arracher »... Lundi 16 janvier, une trentaine de tracteurs accompagnés de slogans ont défilé à Tournon-sur-Rhône (07) pour dénoncer l'impasse dans laquelle se trouvent les producteurs de cerises. Laissés sans solution face à la Drosophila suzukii, nombre d'entre eux craignent de devoir arracher leurs vergers faute de rentabilité. Symbole de cette inquiétude grandissante, les arboriculteurs ont déposé des cerisiers déracinés devant la sous-préfecture. 

Les arboriculteurs ont déposé des cerisiers déracinés devant la sous-préfecture de Tournon-sur-Rhône.

Depuis deux ans, FDSEA et JA 07 alertent sur le risque que fait courir aux producteurs le retrait du Phosmet... En vain. Entrée en vigueur en France au mois de novembre, cette interdiction risque d'avoir de graves conséquences pour la production française de cerises, dès cette année. « C'est un fruit emblématique du territoire mais surtout une production structurante en terme d'économie et d'emploi », a souligné Benoît Claret, président de la chambre d'agriculture de l'Ardèche, lors de la mobilisation.

Réaction en chaîne pour la filière

« Comme le gouvernement l'a déjà fait, sur les betteraves, il faut des dérogations d'accompagnement de la filière cerises jusqu'à ce qu'il y ait une solution alternative », a clamé Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA. Face à lui, les manifestants acquiescent. « S'il y a de la recherche, pourquoi ne pas maintenir les vergers le temps de trouver les solutions ? », s'interroge un arboriculteur. « S'ils ont disparu d'ici là, ça ne servira à rien ! », ajoute un autre.

Comme le rappelle Christel Cesana, présidente de la FDSEA de l'Ardèche, un contrat de solutions a été signé entre exploitants et ministère, lequel stipule « qu'il n'y aura pas d'interdiction sans solution !, martèle la présidente. Lorsque l'on signe un contrat, les deux parties doivent respecter leur engagement... Rendez-vous au ministère », conclut-elle sous les applaudissements. Un rendez-vous que les manifestants ont effectivement obtenu dans l'après-midi, sans qu'une date précise ne soit pour l'instant fixée. « C'est un pas dans la bonne direction », réagit Nathalie Soboul, présidente des JA de l'Ardèche. « Mais il ne va pas falloir attendre que les cerisiers soient en fleurs... Le temps presse ! »

Pauline De Deus

Lutte contre Drosophila suzukii : qelles alternatives pour les producteurs de cerises ? 

Dans la Drôme, à Étoile-sur-Rhône, la station d'expérimentation fruits Auvergne Rhône-Alpes (Sefra) expérimente des solutions depuis plusieurs années. Si les filets restent la solution la plus efficace contre Drosophila suzukii, l'argile semble aussi tirer son épingle du jeu, d'après Claire Gorski, chargée d'expérimentation. Si cette technique n'est pas comparable au Phosmet (90 % d'efficacité), elle permettrait de sauver au moins les deux tiers de la récolte. Problème : l'argile laisse des tâches sur les fruits. La solution semble avoir été trouvée avec un nettoyage à base d'eau brassée avec de l'acide citrique. « Il y a toujours de petites traces mais globalement c'est assez acceptable », assure Claire Gorski.

Côté traitement, plusieurs produits moins puissant que l'Imidan existent encore (l'Exirel dont l'homologation devrait être renouvelée prochainement, le Karate Zeon ou encore le Success 4 utilisé en agriculture biologique). En complément de cette stratégie chimique, le piégeage massif peut être utilisé pour un gain d'efficacité de 50 %, d'après la Sefra. Concernant les nouveaux produits disponibles sur le marché, certains « n'ont pas montré une grande efficacité » et d'autres « ont été relativement peu évalués », explique Claire Gorski.

Des variétés sont aussi testées pour renforcer la résistance des fruits à la Drosophila suzukii mais là encore, les résultats ne sont pas probants. « On voit que certaines variétés sont plus attractives que d'autres mais aucune ne l'est nettement moins, souligne Claire Gorsky. En revanche, on déconseille quelques variétés tardives telles que la gamme des royal helen, edie, etc. Elles ont un bon potentiel agronomique mais plantées sous filet ! » Si les variétés précoces ont tendance à être davantage protégées de la Drosophila, tout va dépendre de la météo. En 2021, par exemple, dès le mois de mai l'humidité et le vent ont fait augmenter la pression de la mouche asiatique.

Dans les laboratoires des méthodes de lutte biologique sont aussi à l'étude, telles que le lâcher de mâles stériles ou encore l'introduction d'un prédateur qui pourrait limiter l'évolution des populations de Drosophila suzukii.

L'arsenal phytosanitaire se réduit

Sous l'impulsion de la France, le Diméthoate a été interdit en 2016. Malgré une efficacité moindre, c'est le Phosmet qui l'a remplacé pour lutter contre la Drosophila suzukii (une mouche qui pond dans les fruits mûrs, les rendants immangeables). En janvier 2022, la Commission européenne a refusé le renouvellement d'homologation pour cette matière active dont les risques sont jugés « inacceptables pour les opérateurs, travailleurs, passants et résidents » par l'autorité européenne de sécurité des aliments. La Commission a toutefois précisé que cette décision « ne fait pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle demande d’approbation du Phosmet » par les fabricants de produits phytosanitaires. Après un délai de grâce de dix mois, le Phosmet a finalement été interdit en France en novembre dernier laissant, entre autres, les producteurs de cerises sans solution face à la Drosophila. En Europe, d'autres pays sont concernés par cette problématique, notamment l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne ou encore la Grande-Bretagne.