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Elections municipales

Ces agriculteurs qui s’engagent en politique… (1/3)

Elections municipales / Alors que les élections municipales auront lieu les 15 et 22 mars prochains, la profession la plus représentée en France parmi les maires est celle d’agriculteur. Dans la Drôme, ils sont un peu plus de cinquante (sur les 364 communes existantes) à exercer cette double fonction. Nous en avons rencontré quelques-uns, agriculteurs en activité ou à la retraite, qui ont décidé de s’investir dans la vie de leur municipalité. Pourquoi se sont-ils engagés ? Comment réussir à concilier un mandat d’élu avec sa vie professionnelle ? En quoi est-ce important que des agriculteurs siègent dans les équipes municipales ? Récits.
Ces agriculteurs qui s’engagent en politique…	(1/3)

Serge Roux, 57 ans, maire de Piégon : « Ce n'est pas une corvée mais un plaisir »

Serge Roux

A Piégon, Serge Roux, 57 ans, boucle prochainement son deuxième mandat en tant que maire. Pour autant, sa volonté de participer à la vie municipale ne date pas d'hier puisqu'il s'est présenté pour la première fois aux élections municipales à l'âge de 19 ans.
S'intéresser à son village, prendre des décisions, répondre aux sollicitations, tout en gérant une exploitation agricole et diverses fonctions, Serge Roux en a pris l'habitude. Aujourd'hui, il jongle même avec de nombreuses autres casquettes : outre ses fonctions de maire et son statut d'agriculteur, Serge Roux est également vice-président du syndicat de l'olive de Nyons et des Baronnies, vice-président du syndicat général des vignerons des Côtes-du-Rhône et administrateur de France Olive. « En tant que maire, c'est moi qui lance les convocations pour les différentes réunions. Il est alors plus facile de boucher les trous dans l'agenda certes bien rempli. Pour moi, ce n'est pas une corvée mais un plaisir. Il y a tellement de moments passionnants ».
Peu à peu, son fils, lui aussi gérant d'une exploitation agricole depuis trois ans, prend la relève. Et si, pour l'heure, Serge Roux poursuit son activité, il peut s'appuyer sur une équipe de confiance à ses côtés : « C'est important d'avoir un bon entourage, que ce soit à la mairie ou dans sa profession. Ma grande force est que je ne travaille jamais seul et je fais en sorte que les travaux soient le moins pénible possible », poursuit-il. Une organisation qui lui convient et le pousse à repartir pour un nouveau mandat : « Je n'ai jamais voulu me présenter en tant qu'élu pour avoir une étiquette. Mais plus on est engagé, plus c'est intéressant du fait qu'on peut maîtriser la situation. » Une force de caractère qui le pousse à poursuivre l'aventure municipale. « La quasi-totalité de mon conseil municipal sortant m'a donné le feu vert pour que je me représente en mars 2020. J'ai toujours des projets en tête : j'aime créer, organiser, construire, développer. C'est une passion. »

 

Yves Courbis, 63 ans, maire d’Allan : « La passion l’emporte sur la raison »

Yves Courbis

En 2008, alors qu’il était âgé de 51 ans, Yves Courbis a pris la suite d’Edmond Blanc à la mairie d’Allan, après avoir été son adjoint deux mandats durant. « Mon prédécesseur a souhaité se retirer et m’a proposé de me présenter dans la continuité du travail effectué par l’équipe municipale de l’époque. Cela m’a demandé une longue phase de réflexion et une organisation sans faille », explique Yves Courbis. Car, dans le même temps, il a dû mener de front son exploitation agricole à dominante semences et aviculture (volailles de chair certifiées) « J’avais embauché, quelques mois avant les élections municipales, un saisonnier. Les circonstances ont fait que j’ai pu lui proposer un CDI et, ainsi, me libérer un peu de temps pour ma fonction de maire. » Ainsi, depuis douze ans, Yves Courbis cumule la double fonction de maire-agriculteur. Sa recette pour un bon fonctionnement ? L’entourage.
« D’une part, je suis très exigeant avec moi-même avant de l’être avec les autres. C’est une grande force. De plus, grâce à mes salariés, très impliqués et responsables, nous avons réussi à bien nous organiser. J’étais finalement peu présent sur l’exploitation, en dehors des périodes de castration qui me tenaient à cœur. Mais j’ai pu également m’appuyer sur une équipe administrative et un conseil municipal très compétents : je viens de réaliser deux mandats successifs sur du velours », plaisante Yves Courbis. Grâce à une équipe unie, sans aucune difficulté de délégation et de partage des tâches, le maire-agriculteur a géré de main de maître son agenda bien rempli. « J’aime bien dire que je suis le chef d’orchestre et que j’ai derrière moi de bons musiciens ! »
Le 31 décembre dernier, Yves Courbis a pris sa retraite d’agriculteur et cédé son exploitation à l’un de ses salariés. « J’étais passionné par mon métier et mon souhait désormais est de l’accompagner durant quelques années », confie-t-il. S’il a désormais un peu plus de temps libre, Yves Courbis a accepté de se représenter pour un troisième mandat, malgré l’arrêt de treize membres de son équipe. « La passion l’emporte sur la raison », souligne-t-il. Une passion à tous les niveaux, qu’il ne cesse de mettre au service des citoyens. « Pour recevoir, il faut donner. Mes fonctions de maire m’ont permis, ces douze dernières années, de m’enrichir au gré des rencontres diverses et variées. »
Également élu à Montélimar Agglomération en tant que vice-président en charge de l’agriculture, Yves Courbis a su mettre toutes ses compétences à profit pour soutenir la filière agricole. Il a notamment été à l’origine de la création de la Maison de l’agriculture à Cléon-d’Andran, de l’installation d’une base de correction du signal GPS (signal RTK) pour permettre aux agriculteurs du territoire de s’inscrire dans une démarche d’innovation et d’optimisation pour les travaux aux champs, d’un projet d’abattoir mobile… « Le rôle de maire m’a permis d’ouvrir certaines portes. Avoir des agriculteurs qui siègent dans un conseil municipal est donc essentiel à mes yeux. Il est primordial que toutes les catégories socioprofessionnelles y soient représentées. Pour autant, je regrette qu’il n’y ait pas davantage d’agriculteurs sur les listes électorales », avoue Yves Courbis, qui est également président de Top Semence depuis trois ans.

Éric Chareyre, 56 ans, maire de Vaunaveys-la-Rochette : « C’est important que les agriculteurs soient entendus »

Eric Chareyre

Elu depuis 2001 à la mairie de Vaunaveys-la-Rochette, Éric Chareyre ne sera pas candidat à sa propre succession en mars 2020. Pour autant, depuis 31 ans, il a mené de front ses mandats de conseiller municipal puis de maire et ses activités agricoles. « J’ai pris des heures sur mon temps de travail pour gérer la mairie, ce qui m’a conduit à travailler les soirs et week-ends, au détriment de ma vie de famille », explique-t-il. Pour gérer au mieux son emploi du temps, l’agriculteur a également privilégié les réunions indispensables de sa vie d’élu. « Pour ma part, il fallait aller à l’essentiel. J’ai pu me délester de 75 à 85 % de “réunionites” », plaisante-t-il. Si la charge de travail est conséquente en mêlant les deux activités de front, Éric Chareyre ne regrette pas son choix. « C’est primordial dans une commune rurale comme la nôtre d’avoir des représentants du monde agricole au sein du conseil municipal. C’est important que les agriculteurs soient entendus et puissent vivre de leur métier. Après, il faut quand même une mixité pour représenter les habitants au sens large », souligne-t-il. Aujourd’hui, le maire assure une permanence en mairie tous les lundis après-midi et peut recevoir ses concitoyens le jeudi ou le vendredi, sur rendez-vous. « Je ne compte pas mes heures. D’autant plus qu’il faut savoir gérer l’urgence… », prévient-il. Après avoir passé plus de trente ans au service de la mairie, Éric Chareyre a donc annoncé sa volonté de tourner la page pour se concentrer sur son exploitation en polyculture et son entreprise de travaux agricoles. « Mon associé est parti depuis 2015. Si cela s’est avéré plus simple pour les prises de décisions, la gestion a été plus délicate. Auparavant, j’étais capable de travailler jusqu’à minuit s’il le fallait. Désormais, avec la vieillesse qui arrive (rires), j’ai du mal à repartir après 20 heures en plein hiver », avoue-t-il. Avec l’installation agricole de son fils et le développement de son exploitation et de son entreprise, Éric Chareyre sera toujours bien occupé. « La mairie a été ma priorité pendant plus de trente ans, non pas pour la gloire mais par amour de mon village. En me retirant de mes fonctions, je vais pouvoir diminuer les contraintes psychologiques que cela pouvait entraîner et me recentrer sur le monde agricole. »

 

Propos recueillis par Amandine Priolet

 

D’autres témoignages de maires agriculteurs dans notre prochaine édition

 

A lire notre dossier spécial élections municipales des 15 et 22 mars prochains