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Confinement

Ces mères agricultrices qui font l’école à la maison…

Alors que les écoles ont fermé leurs portes depuis le 17 mars, les parents d’élèves ont dû s’armer de patience pour mettre en place une organisation efficace pour concilier activité professionnelle et devoirs à la maison. Pour les mamans agricultrices de la Drôme, la situation n’est pas toujours de tout repos. Comment s’organisent-elles ? Récit.
Ces mères agricultrices  qui font l’école à la maison…

Elodie Merlin (Bourg-lès-Valence),  mère de 2 enfants
« Cela commence à peser  sur notre moral »

«La situation est très compliquée », avoue Elodie Merlin, arboricultrice à Bourg-lès-Valence, qui vient de perdre pour la quatrième année les trois quarts de sa production suite aux épisodes de gel. En plus de gérer son exploitation, Elodie Merlin doit garder un œil bienveillant sur l'école à la maison de ses enfants âgés de neuf et onze ans, respectivement en classes de CE2 et de CM2. « J'ai justement envoyé un mail à la maîtresse de mon fils, qui m'a senti un petit peu énervée et fatiguée... Elle a doublé le nombre de leçons, d'exercices, d'évaluations et de devoirs du soir, sans compter les corrections. Mon fils, qui est haut potentiel, a des troubles de l'attention et une hypersensibilité. Il a du mal à suivre ce rythme imposé, loin des habitudes qu'il a en classe », avoue-t-elle. La mère de famille doit d'autant plus gérer ce quotidien infernal seule puisque son mari est partagé entre son travail à l'Inrae et les travaux de l'exploitation, située à une trentaine de kilomètres de la maison. « Il ne rentre que deux fois par semaine. Cela commence à peser sur notre moral à tous », regrette Elodie Merlin, qui s'occupe, quant à elle, des commandes de paniers alimentaires qu'elle vend tous les samedis sous forme de drive.
D'autre part, la famille doit faire face à des problèmes de réseau internet. « Nous n'avons pas d'internet haut débit et n'arrivons pas à récupérer les documents déposés par la maîtresse sur le logiciel Ecole Directe. Il a fallu quelques jours d'adaptation pour que nous recevions enfin les devoirs par mail... ». S'ajoute à cela des dizaines et des dizaines de feuilles à imprimer, pour un suivi compliqué : « Les enfants doivent lire et comprendre une leçon, sans explication particulière. Ils sont autonomes de A à Z. J'aimerais être une maman poule, pouvoir m'en occuper et les aider au quotidien mais je n'ai pas le temps. L'école à la maison occupe trois quarts de la journée et ce n'est pas mon métier. On essaie de faire comme on peut mais cette situation est frustrante et difficile à vivre... », conclut-elle. 

 

Fanny Boutarin (Crest), mère de 3 enfants
« Tout s’est mis en place naturellement »

Productrice d’ail noir à Crest, Fanny Boutarin est à la tête d’une famille de trois enfants, de seize, quatorze et huit ans. « S’occuper des enfants quand nous sommes au travail, cela fait partie de notre quotidien, assure-t-elle. Ils ont l’habitude de s’autogérer lors des périodes de vacances scolaires, quand nous sommes dans les champs. Ce n’est donc pas l’inconnu complet pour nous. » Pour autant, il n’est pas question de laisser les enfants vaquer à leurs occupations. « J’ai pris du temps avec eux lors de la première semaine de confinement afin de s’organiser. La priorité était de lancer les devoirs à la maison et de bien leur rappeler que ce n’était pas les vacances ! Ainsi, à 9 h, tout le monde est d’attaque pour se plonger dans les cours », souligne Fanny Boutarin. Si les deux adolescents travaillent en parfaite autonomie, la petite dernière, Rose, a un planning type chaque matin avec des objectifs à remplir. « Pendant ce temps-là, je peux me consacrer à mon activité professionnelle, au suivi cultural, aux préparations d’ail noir... L’après-midi, je suis à la maison avec les enfants pour les guider et répondre à leurs questions s’ils ont besoin ».
Le rythme d’école est donc maintenu, à raison de 5 h 30 par jour, soit de 9 h à 12 h et de 14 h à 16 h 30. « Ils prennent quand même une pause de vingt minutes dans la matinée, comme si c’était la récréation », précise la mère de famille, qui assure que « tout s’est mis en place naturellement ». Le deuxième de la famille, Yann, a même été sollicité pour des exercices physiques, en guise d’éducation physique et sportive (EPS) : « Il nous a notamment aidé pour installer les tuyaux d’irrigation dans les champs ». Quant à Angèle, l’aînée et de retour d’Angleterre où elle poursuit ses études, elle s’adonne avec plaisir à la confection des repas, en dehors de l’apprentissage de matières telles que le business, la communication graphique, les nouvelles technologies et l’allemand. « Nous avons la chance que nos enfants aient l’habitude d’être ensemble et de gérer les tâches de la maison quand nous sommes occupés », conclut Fanny Boutarin.

 

Céline Chevalier, (Romans-sur-Isère), mère de 3 enfants
« La chance d’avoir deux adolescents…et la nourrice ! »

Productrice de plants potagers en agriculture biologique à Romans-sur-Isère, Céline Chevalier a subi de plein fouet le début du confinement, et pas seulement par le fait que ses trois enfants ne puissent plus se rendre à l’école ou chez la nourrice. « Nous, horticulteurs, avons été très touchés par la fermeture administrative de nos serres et de nos points de vente. Je n’ai donc pas pu accueillir du public jusqu’au 1er avril, date de réouverture. Sachant que les mois d’avril et mai représentent près de 80 % de notre chiffre d’affaires, je suis contente d’avoir pu retourner travailler. Quant aux enfants, il a suffi de s’organiser », avoue-t-elle.
Maman d’Agathe, seize ans, d’Amaury, treize ans, et d’Etienne âgé d’un an, Céline Chevalier a pu compter sur la reprise d’activité de sa nourrice pour garder le petit dernier. « Au début du confinement, je restais à la maison tous les matins pour garder le bébé, et mes grands s’en occupaient les après-midis lorsque j’allais dans les serres. Au bout de trois semaines, la nounou a accepté de me reprendre le petit. C’est donc un grand soulagement », poursuit-elle. Ainsi, Agathe et Amaury travaillent leurs leçons le matin. « L’après-midi, c’est temps libre. Ils s’occupent aussi de la maison. Pour cela, j’ai la chance d’avoir deux adolescents qui ont assez de maturité pour se gérer et aider aux tâches quotidiennes, et la nourrice pour s’occuper de mon dernier », apprécie la mère de famille. 

Céline Pourchaille (Loriol-sur-Drôme), mère de 2 enfants
« Difficile de faire comprendre que ce ne sont pas les vacances ! »

Arboricultrice à Loriol-sur-Drôme, Céline Pourchaille doit concilier son activité au sein de l’exploitation avec la garde de ses enfants, d’un an et demi et de six ans et demi. « Heureusement que j’ai mes parents sur le siège de l’exploitation », avoue-t-elle. Chaque matin, l’agricultrice imprime les devoirs fournis par l’école. « Ma mère est nourrice agréée et s’occupait déjà du petit dernier. Elle garde donc également la plus grande et nous nous relayons pour les devoirs. Généralement, le travail à la maison dure environ deux heures par jour, par petites tranches au fil de la journée », explique la maman. Si des devoirs obligatoires sont communiqués chaque jour aux parents, des exercices sont également disponibles en ligne pour ceux qui le souhaitent. « Par la maîtresse, nous recevons des exercices obligatoires, avec la chanson à écouter, l’histoire du jour contée en vidéo, des fiches interactives avec les différents sons à prononcer. Ce n’est pas toujours évident puisque ma fille est en classe de CP, elle apprend à lire et à écrire. Mais ça se passe assez bien ». Céline Pourchaille, qui n’a pas encore véritablement démarré sa forte période d’activité - la récolte des cerises débutera au 15 mai - mesure la chance « d’être dans un moment un peu plus calme dans la saison ». Malgré tout, il convient de « faire comprendre aux enfants que ce ne sont pas les vacances et qu’il faut continuer d’aller se coucher tôt, etc. C’est parfois compliqué », admet-t-elle. Dans ce contexte, Lisa redouble d’activités extérieures en suivant sa maman sur le terrain, comme ce jour où elle a étudié la biodiversité en installant des nichoirs à chauve-souris et mésanges. « Elle aime bien venir dans les champs avec moi », conclut Céline Pourchaille. L’adaptation est donc de mise ! 

Au-delà des devoirs fournis par l’école, Lisa, en classe de CP, fait des activités pratiques avec sa maman, arboricultrice.

Propos recueillis par Amandine Priolet