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Cultures végétales

Ces nouvelles filières agricoles qui émergent

L’agriculture française n’est pas figée. La preuve, de nouvelles filières se structurent. Nous avons choisi de nous concentrer sur trois d’entre elles : le soja qui reprend de la vitesse après deux décennies de calme plat, la graine de chia et la baie de goji qui émergent avec de grandes ambitions.
Ces nouvelles filières agricoles qui émergent

Le soja est une légumineuse à petites gousses qui connaît un véritable renouveau en France depuis quelques années. Cuisiné à toutes les sauces, transformé en dessert, en boisson ou en tofu, le soja pour l'alimentation humaine entre progressivement dans les foyers français. Un Français sur quatre indique en avoir déjà acheté en 2016. Cependant, la consommation de soja par les Français ne représente que 20 % du soja cultivé en France en 2015, selon les données de FranceAgriMer. La grande majorité des 360 000 tonnes de soja français est transformée en tourteau à destination des filières d'élevage. La demande est là aussi très forte avec la multiplication des filières d'élevage par exemple sous certification de qualité sans OGM ou bio. Extrait de l'huile de soja, la lécithine est également fortement utilisée par l'industrie agroalimentaire notamment pour son pouvoir émulsifiant.

Les surfaces de soja ont presque triplé

Antoine Henrion, président de l’interprofession Terres Univia.

Preuve du dynamisme de la filière, depuis 2012, les surfaces cultivées dans l'Hexagone ont plus que triplé, passant de 37 000 ha à 142 000 ha en 2017. « On a l'impression que, cette fois, tout est réuni pour réussir à relancer la filière soja française », lançait Cyril Melin, directeur des investissements de Sofiprotéol, filiale d'Avril à l'occasion d'une table ronde sur le sujet en juin 2017. Les différents acteurs de la filière soja de France visent un objectif de 250 000 ha en 2025, ce qui doit permettre de dépasser les importations de soja non transgénique qui représentent aujourd'hui plus de 300 000 tonnes en provenance principalement du Brésil et de l'Inde. Pour les promoteurs de cette nouvelle filière, il sera possible de remplacer le soja ainsi importé, voire de créer de nouveaux débouchés en Europe, également à la recherche de soja certifié sans OGM. À titre d'exemple, le distributeur Carrefour achète près de 170 000 tonnes de soja non OGM par an, seulement 8 000 tonnes proviennent de France faute de production selon les chiffres du directeur général délégué Jérôme Bédier. La filière soja de France souhaite se construire autour de quatre engagements : l'origine, la qualité non OGM, la traçabilité et la durabilité. « On investit dans le soja alimentaire pour répondre à un déficit en protéines végétales pour l'alimentation humaine », explique Antoine Henrion, président de l'interprofession Terres Univia. Historiquement, la culture du soja en France a connu des hauts et des bas, « fluctuations qui ont souvent désorienté les producteurs et collecteurs », a-t-il indiqué. Plusieurs acteurs coopératifs ou privés du Sud-Est développent eux aussi leur volume de soja, que ce soit Terre d'Alliance ou le Groupe Dauphinoise qui ont dynamisé la culture de soja auprès de leurs adhérents.

Le soja, une production intéressante

Les acteurs de la filière soja visent un objectif de 250 000 hectares en 2025.

Le soja représente une bonne alternative au tournesol, souligne-t-on du côté des producteurs. Il ne craint pas de la même façon les dégâts d'oiseaux ou les problèmes de désherbage. L'interprofession des huiles et protéines végétales, Terres Univia met aussi en avant les atouts multiples de la culture, qui capte l'azote de l'air, consomme peu d'eau et de phytosanitaires. L'intégration de soja dans une rotation permet de l'allonger et diminuer les apports d'azote de la culture suivante. Ainsi, une culture de soja offre une économie de 30 à 50 unités d'azote sur un maïs en culture suivante. « On devrait arriver à poursuivre le développement du soja », estime Michel Duvernois, directeur de la coopérative Bourgogne du Sud et d'Extrusel, une entreprise de trituration de graines de soja à Chalon-sur-Saône. La France compte aujourd'hui deux outils de trituration, l'autre est dans les Pyrénées. Un troisième va bientôt voir le jour dans le Grand Ouest. Ces outils assurent un avenir à cette filière puisqu'ils permettent de valoriser le soja sous différentes formes. Les tourteaux de soja sont très consommés dans les zones d'élevage. Les élevages hors sol sont les principaux consommateurs. L'aviculture par exemple utilise chaque année près de 1,25 million de tonnes de tourteau de soja à 97 % importé du Brésil, des États-Unis et d'Argentine. C'est 40 % du soja destiné à l'élevage en France. Côté débouchés, les perspectives du soja français sont bonnes, notamment en alimentation humaine. Le leader des pâtes à tartiner St Hubert anticipe « un marché qui sera multiplié par trois ou quatre dans les dix ans à venir », selon le président Patrick Cahuzac. La filière soja de France espère en tirer parti, avec l'utilisation d'un label comme gage de qualité pour le consommateur. Gageons que les agriculteurs sauront en profiter.

CP avec Agra et Actuagri

Essais / La filière chia de France a été lancée en juin dernier. Des producteurs français expérimentent la culture de cette sauge, dont les petites graines ont des qualités nutritionnelles intéressantes. Des premiers essais dans le Sud-Est ont démarré.

Des graines de chia cultivées dans le Sud-Est

Le chia est une sauge originaire d’Amérique du Sud. Une variété adaptée au climat tempéré est cultivée en France.
C’est Panam, société semencière franco-chilienne, leader sur le marché sud-américain, qui porte la mise en place de cette filière chia de France. Une organisation qui veut promouvoir la culture mais aussi la transformation et la commercialisation de ces graines en France et en Europe. Panam diffuse la variété oruro de cette Salvia hispanica, mise au point par sélection généalogique. Elle est la première adaptée au climat tempéré, avec une floraison précoce en avril, une récolte en automne, avant le gel. « Quelque 100 agriculteurs français produisent des graines de chia, sur près de 300 ha depuis le bassin parisien et plus au Sud, explique Frédéric Poujaud, directeur général de Panam. Les premiers ont commencé dans la région de Châteauroux. Depuis 2016, une moitié expérimente la culture dans le Sud-Ouest. Panam a conclu des contrats de multiplication avec des coopératives et négociants et chacun d’eux encadre des producteurs. Nous centralisons la production et la redistribution. Nous sommes en phase de démarrage sur de petites surfaces et nous estimons que le rendement moyen peut être d’une tonne par hectare. Il faudra 3 ou 4 ans pour maîtriser la production. » La plupart des producteurs sont en bio, et les conventionnels doivent fournir des graines de chia sans résidus de pesticides.
Plus qu’un produit de niche
« Nous devons d’abord assurer les débouchés en France et ne pas faire s’écrouler les prix. Avant tout, il nous faut convaincre les consommateurs de l’intérêt de ces graines qui peuvent aider à prévenir les maladies neurologiques », affirme Frédéric Poujaud. Il mise sur l’engouement des consommateurs pour cette plante originaire du Mexique, riche en oméga 3. Les promoteurs de la filière affirment également que l’origine France a un bel avenir. Ils estiment que l’Hexagone peut s’imposer comme producteur de chia sur notre continent. Pour l’heure, le chia, dont la production mondiale de 114 000 tonnes en 2017* localisée essentiellement en Amérique latine, est importée en Europe à raison de 19 000 tonnes de graines en 2016 (contre 5 000 t en 2014). La France importe seulement près de 500 tonnes de graines, à la 9e place derrière d’autres pays de l’Union européenne.
Des difficultés à surmonter
Intéressés par une nouvelle culture en bio, les exploitants du Rhône comme Jean-Charles Jocteur et Michael Flandin liés aux établissements Bernard (Ain) tentent l’expérience sur moins d’un ha chacun, non irrigué. C’est le semis en mai qui leur a posé problème. Pour semer en lignes, ils ont découvert la nécessité d’adapter un micro-granulateur sur un semoir mono-graine. « Le semis en ligne est indispensable pour réaliser un binage ultérieur. Au départ, c’est le chénopode qui dominait, puis l’ambroisie à la même hauteur que la Salvia s’est imposée dans une parcelle. La plante pousse bien, la chaleur est son élément. » Même verdict global pour les 3,45 ha irrigués en production chez deux producteurs bio des Alpes-de-Haute-Provence en lien avec Top Semence (Drôme). Les semis ont bien été réalisés en ligne, toutefois les mauvaises herbes sur le rang prennent le dessus. La récolte est espérée pour septembre. Aucune prévision n’est donnée pour le rendement. À noter que l’exigence de pureté spécifique pour la livraison est élevée : 99,9 %. Dans la vallée du Tarn, Patrick Doumerc produit en conventionnel cette année 8 ha de chia oruro (sols argilo-limoneux irrigués) avec pour objectif un rendement d’au moins 10 quintaux. Sa culture se développe bien après l’apport d’un herbicide sous dosé lors du semis. « C’est une opportunité économique pour nous avec des graines qui se vendent 150 euros le quintal. Nous acceptons les risques d’une telle expérience. L’an dernier, on y était presque, mais nous avons perdu la récolte déclenchée trop tard, la petite graine d’un millimètre ne supporte pas le mauvais temps ».
Louisette Gouverne
* Données économiques établies par Diego Garcia – Agence bio et P.-D.G. de la société Bonabio SAS.

 

Nouveauté /

De la baie de goji, made in France !

Des baies de goji made in France, c’est possible ! Connu pour ses nombreuses vertus comme son fort taux antioxydant et sa teneur en acides gras essentiels, le petit fruit bourré de vitamine D s’est implanté dans les Pyrénées-Orientales. C’est en 2013 qu’Éric Marcer, producteur et gérant de l’entreprise 3A Bio de France, décide de se lancer dans la baie de goji. Habituellement exportée dans sa forme séchée en provenance principalement de Chine et des États-Unis, c’est une première sur le sol français. Plusieurs raisons ont poussé le producteur dans ce choix. La principale, pour lutter contre les maladies comme la sharka ou la flavescence dorée qui infectent les sols et font pourrir les fruits. « Nous avons beaucoup de problème avec ces maladies. Il fallait trouver quelque chose de résistant », souligne Éric Marcer.
Résistance aux maladies
Baie de goji.
Originaire du pourtour méditerranéen sous forme sauvage, la baie de goji s’adapte parfaitement aux Pyrénées-Orientales. Les conditions climatiques n’ont pas été un problème pour ce fruit qui répondait aux critères de la région, comme le souligne Éric Marcer. « Nous nous dirigeons vers des périodes de plus en plus sèches. La baie de goji, en plus d’être résistantes aux maladies, n’a pas besoin de beaucoup d’eau ». Mais produire en quantité n’est pas un objectif pour Éric Marcier, conscient des limites du marché, dominé par la Chine qui exporte depuis des années. « J’ai cherché une nouvelle culture pour pallier différents problèmes  mais cela ne doit rester qu’en complément ». En effet, la production reste limitée puisqu’il consacre à ses baies qu’un hectare sur les quatre qu’il exploite avec d’autres fruits.
Selon lui, il serait inutile de développer plus d’espace de production, pour ne pas conduire au gaspillage mais aussi par rapport à la masse de travail que cela demande. « La baie de goji est un fruit de saison avec un faible taux de conservation. La récolte s’étale sur quatre mois. Une saison dure de fin juin et peut aller jusqu’à début novembre. La cueillette étant manuelle, la capacité de récolte varie entre 450 et 480 grammes par heure. » Difficile donc de concurrencer des pays comme la Chine. Vendues ensuite 75 €/kg, les baies d’Éric sont fraîches, le principal atout qu’il possède par rapport aux baies chinoises qui sont sèches. Le producteur les redistribue en France à des magasins biologique (La vie claire, Bioocop…). Mais la baie fraîche est encore mal connue du grand public, plus habitué à la voir dans sa forme séchée : « Je vends mes baies par barquette de 100 grammes et je reçois de nombreux appels de gens me demandant comment les manger ou les cuisiner. Elles servent également à la fabrication d’une gamme de jus fruits et de confiture ». Encore seul producteur reconnu de baie de goji bio en France, Éric Marcer préconise aux agriculteurs qui souhaitent se lancer de « se regrouper pour fixer des prix de vente »
A. G.