Chambre d'agriculture : une micro-distillerie unique en France

A la chambre d'agriculture de la Drôme, la filière technique des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Ppam) voit le jour en 1961 avec l'embauche d'un ingénieur, Angelino Perottino (basé à Nyons). Très vite, sont mis en place un laboratoire d'analyses physico-chimiques des huiles essentielles (pouvoir rotatoire, indice de réfraction, densité, acidité, solubilité, teneur en esters...) et une distillerie expérimentale. Le premier est installé dans la maison de l'ingénieur. Des micro-distillations y sont aussi faites avec deux alambics en verre (d'un et deux litres). La distillerie (deux vases en inox de 40 litres avec générateur solidaire automatisé alimenté en gaz), elle, est accueillie durant 20 ans sur l'exploitation de Maurice Romieu, à Saint-Pantaléon-les-Vignes. C'est ce que rappelle Jacques Lamy, qui devient responsable de la filière technique et du laboratoire en 1981, au départ en retraite d'Angelino Perottino. Cette année-là, tout le matériel est regroupé au CFPPA de Nyons, qui héberge des bureaux de la chambre d'agriculture. En 1987, est recruté un opérateur, François Rolland, chargé entre autres de faire fonctionner l'unité d'extraction d'huiles essentielles.
Pour les essais mais pas seulement
« La micro-distillerie est principalement utilisée par la chambre d'agriculture, explique Pierre-Yves Mathonnet, l'un de ses conseillers (spécialisé dans les Ppam). Elle a été conçue grâce à la technologie développée par la société Eysséric, chaudronnerie aujourd'hui disparue qui fabriquait des alambics. » Elle et le laboratoire servent à vérifier les résultats des essais conduits à la ferme expérimentale de Mévouillon et ailleurs. Ils sont utilisés pour apprécier l'intérêt de techniques culturales (fertilisation, enherbement entre les rangs...) ou de plantes nouvelles (non cultivées sur le secteur ou issues de cueillettes dans la nature), travailler sur des temps d'extraction... La distillerie répond en outre à des demandes d'extraction d'huiles essentielles en petites quantités émanant d'agriculteurs ou d'entreprises.
Près de 90 plantes testées
Avec la micro-distillerie et le laboratoire, « de nombreuses références ont pu être obtenues sur des espèces classiques (lavandes, lavandin, tilleul...) et d'autres peu étudiées en France (thyms, romarin, sarriette, sauges...) », souligne Jacques Lamy. Et François Arnaud-Miramont, qui lui a succédé lorsqu'il a pris sa retraite (en 1999), ajoute : « Près de 90 espèces ont déjà été testées (dont des plantes tropicales comme le géranium et l'ambrette*). » Des références ont aussi été acquises sur le stade de coupe et le rendement optimal, l'évolution de la qualité en fonction du stade de la plante. Autres activités : des micro-distillations pour des producteurs avant décision de récolte. Et des envois d'échantillons au négoce de la parfumerie, l'aromathérapie, l'herboristerie se traduisant par des contrats les années suivantes pour les producteurs drômois. Comme le signale Jacques Lamy, l'équipement a permis de proposer aux producteurs drômois des clones typés de qualité constante. Mais aussi de déposer des brevets sur la protection du matériel végétal et, ainsi, prendre une avance sur les autres régions de production. Il a encore, par des micro-distillations, contribué à la mise en place de l'AOC lavande de Haute-Provence et de l'IGP thym de Provence. « Tout ce travail a représenté autour de 400 distillations et plus par an », précise Jacques Lamy.
Une opportunité saisie
En 2000, la micro-distillerie et le laboratoire d'analyses déménagent encore. Cette fois-ci dans les nouveaux locaux de l'antenne sud de la chambre d'agriculture, toujours au CFPPA de Nyons. « Nous avons saisi cette opportunité, se souvient André Aubanel, ancien responsable professionnel. C'est peut-être grâce à cette initiative que la filière a pu arriver là où elle en est aujourd'hui. Cela coïncidait aussi avec le développement des essais sur les Ppam à la ferme expérimentale de Mévouillon. »
A ce moment-là, des vases d'alambic supplémentaires sont acquis. Et, grâce à l'ensemble des vases disponibles (de 5, 20, 40 et 100 litres), l'outil a pu être transformé en pilote industriel de distillation. Depuis, peuvent être testés différents volumes et conditions de distillation (durée, température, pression dans les vases et température de refroidissement). Ceci, pour optimiser le rendement de la distillation.
Un outil performant
« La micro-distillerie de la chambre d'agriculture de la Drôme est unique en France, observe François Arnaud-Miramont. Elle a l'avantage d'offrir des conditions de production et une qualité d'huiles essentielles proches de celles d'une distillerie industrielle. Cela n'est pas le cas du système avec vase dit « norme Codex » (hydrodistillation), utilisé en expérimentation de sélection variétale pour la teneur en huiles essentielles. Ce dernier ne permet pas d'obtenir des huiles essentielles de la même composition qu'avec les distilleries industrielles. Il n'est donc pas possible de réaliser les profils chromatographiques à partir des huiles essentielles extraites. A noter encore, cette unité pilote a participé à des programmes nationaux de comparaison de techniques d'extraction.
Depuis deux ans, Laurent Quadrio a pris la responsabilité de la filière à la chambre d'agriculture. Sous son impulsion, l'équipe Ppam travaille de manière étroite avec des entreprises de ce secteur pour développer un approvisionnement local. La micro-distillerie est utilisée dans le cadre de cette collaboration.
Annie Laurie
* Ambrette : plante cultivée pour l'huile essentielle à odeur musquée contenue dans ses graines.
Distillation / L'extraction d'huiles essentielles avec le micro-alambic de la chambre d'agriculture, étape par étape...La vapeur capture l'huile essentielle



Huiles essentielles
La chambre d'agriculture propose de la micro-extraction

- déterminer des rendements et teneurs en huiles essentielles sur toutes les Ppam ;
- réaliser des essais d'extraction sur de nouvelles espèces ;
- produire les huiles essentielles de petites parcelles.
Cette distillerie est ouverte de mai à novembre. Pour plus de renseignements, contacter Cédric Yvin, conseiller en Ppam (06 27 61 31 55).