Changement climatique : comment limiter les coups de chaleur ?
Les risques sanitaires sont bien souvent sources d’inquiétudes au sein des élevages avicoles. Ces dernières années, le changement climatique et les coups de chaleur qui y sont associés viennent mettre à mal les productions. Dans ce contexte, l’Itavi1 travaille sur le développement d’outils de diagnostic. Explications.

«On ne peut pas nier les effets du changement climatique même si très vraisemblablement notre filière est globa-
lement résiliente face à ces problèmes-là », a annoncé Hélène Bompart, présidente d’Afivol Auvergne-Rhône-Alpes, lors de l’introduction de la journée technique volailles de chair, organisée par l’Itavi fin novembre à Valence (Drôme).
Le changement climatique – et plus particulièrement le réchauffement – entraîne un stress thermique dans les bâtiments d’élevage causant de nombreux effets néfastes pour la santé des animaux : de l’inconfort, une diminution de la consommation et/ou du gain de poids, voire un taux de mortalité accru. Au-delà des baisses de performances, c’est le bien-être animal qui est particulièrement concerné.
Au vu des perspectives en matière de changement climatique (+ 4 °C en France en 2100 selon le scénario de la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC), il convient de trouver des adaptations au plus tôt. En ce sens, l’Itavi a développé des outils de diagnostic de vulnérabilité. Basée sur les projections climatiques, la construction d’un modèle thermodynamique s’avère nécessaire pour améliorer l’ambiance des
bâtiments. Ce modèle permet de projeter ce qui entre à l’intérieur du bâtiment en fonction de la densité animale, du taux de brumisation et du taux de renouvellement d’air.
Quid de l’aspect économique des élevages ?
Lors des premiers essais effectués, il apparaît qu’une baisse du taux de densité serait pertinente. « Les volailles apportent de l’extra chaleur. En baissant la densité de 22 à 15 animaux / m², on arrive à réduire le stress de 20 % en moyenne », souligne Yann Guyot, référent modélisation à l’Itavi. Avant de poursuivre. « L’autre levier à actionner est celui de la brumisation. Mettre davantage d’eau dans le bâtiment (de 500 à 800 l d’eau / h) réduit le stress de 22 %. Dans certaines régions, il sera difficile d’atteindre un tel niveau faute d’un taux d’humidité trop conséquent
(> 75 %), notamment dans les zones montagneuses ». Toutefois, ces stratégies d’adaptation doivent être évaluées en fonction des aspects économiques, mais aussi de la rareté éventuelle de la ressource en eau. Dans l’avenir, l’Institut concentrera ses travaux sur les relations entre le stress thermique et les pertes économiques. « Nous avons également des essais en cours sur d’autres leviers d’adaptation, à savoir le refroidissement de l’eau de boisson, la gestion de l’alimentation, etc. », poursuit-il. Une étude sera aussi réalisée sur les différentes solutions de refroidissement disponibles : le pad cooling, le brassage, etc.
Par ailleurs, il convient de modéliser le stress en bâtiment. « La vitesse d’air a une faculté assez importante pour faire baisser la température ressentie, ce qui a donc un impact direct sur le stress thermique des volailles », indique Yann Guyot. Pour cela, l’Itavi a fait le choix d’utiliser la modélisation CFD (Computational Fluid Dynamics) pour essayer de quantifier ce stress à l’intérieur des bâtiments d’élevage. Pour ce faire, les deux indicateurs que sont le THI (indice de température humidité) et le THVI (indice de température humidité vitesse d’air) permettent de mesurer le confort et le niveau de stress des volailles. « Cet outil de modélisation permettrait d’objectiver le confort des bêtes et d’évaluer l’efficacité d’un système de ventilation donné. Aussi, il permettrait d’optimiser l’utilisation de la ressource en eau et d’évaluer le potentiel de refroidissements d’équipements supplémentaires », conclut Yann Guyot.
Amandine Priolet
1. Institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole.
Encourager la biosécurité
Dans les élevages avicoles, les mesures de biosécurité permettent de prévenir ou de limiter l’introduction, la circulation et la persistance d’agents pathogènes responsables de maladies au sein des bâtiments de production. Dans le but d’accompagner différemment les éleveurs et de les motiver dans l’amélioration de leur biosécurité, l’Itavi a mis en place des méthodes participatives et du coaching, dans le cadre du projet européen NetPoulSafe, créé en 2019. « Ce projet européen est réalisé avec six autres pays face à un constat identique : nous avons certes une production de volaille très importante en Europe (avec 13,4 M de tonnes de viande de volaille et 6,8 M de tonnes d’œufs [chiffres 2022, N.D.LR.], mais cela entraine de très nombreux défis sanitaires en matière de santé et bien-être animal, santé publique, économie… La principale défense que nous avons face à ces impacts est la biosécurité », indique Justine Grillet, chargée de mission Prévention de la santé à l’Itavi.
Si le concept de la biosécurité est connu de tous, les méthodes ne sont pas forcément bien appliquées… par manque de temps, d’argent, de connaissance des intérêts de ces mesures, etc. En ce sens, l’Itavi a donc testé de nouvelles méthodes d’accompagnement pour aider différemment les éleveurs. Du coaching individuel a ainsi été mis en place au cœur de six élevages, tandis que dix autres fermes se sont réunies lors de groupes de discussion.
Des partages d’expérience
« Le coaching individuel a permis aux éleveurs d’identifier leurs propres failles et leurs propres voies d’amélioration. A contrario, les groupes de discussion ont permis d’aboutir à la co-construction d’un plan d’action pour améliorer la biosécurité. Ces deux approches sont basées sur la participation de tous : les éleveurs sont moteurs – et non pas simples exécuteurs – des améliorations à apporter », poursuit la chargée de mission. Le projet a été conduit en 2022-2023, en pleine crise d’influenza aviaire et l’accompagnement s’est avéré plutôt efficace. Sur les 16 éleveurs français, 11 ont mis en place des changements, avec relativement peu d’investissements : création d’un nouveau sas, achat de vêtements ou de chaussures, achat de système de désinfection manuelle, etc. Au niveau européen, 130 fermes ont participé à ce projet avec un taux de réussite de 70 % en amélioration des pratiques. « Par la suite, nous avons souhaité diffuser ces méthodes à travers différents outils, dont un Mooc [formation à distance, N.D.L.R.] sur les bonnes pratiques de biosécurité en Europe, à destination des éleveurs ou des étudiants. Un e-learning est également disponible pour former les équipes de ramassage et traduit en quatre langues. Enfin, la formation BioAcc permet de former les conseillers (techniciens et vétérinaires), aux mesures d’accompagnement des éleveurs, à la position de coach et de facilitateur », conclut Justine Grillet.
A.P.