Changement climatique : l'agriculture devra s'adapter

Le 15 novembre à Valence, les rencontres économiques agricoles du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes étaient consacrées aux aléas et changement climatiques. « Aujourd'hui, se protéger est indispensable ! Demain, s'adapter sera nécessaire », a commenté le président, Jean-Pierre Gaillard en ouverture, avant une table ronde sur les techniques de protection des cultures et leurs financements Puis une conférence a été donnée par Frédéric Levrault(*), docteur en agronomie et expert en changement climatique pour les chambres d'agriculture de France.
Le climat se réchauffe
Sur notre planète, la température de l'air a augmenté de près d'un degré en un peu plus d'un siècle. Et « ce qui se voit au niveau mondial se voit aussi au niveau local, par exemple à Montélimar », a dit le conférencier. Les masses glacières se rétractent (Groenland, Antarctique, Alpes...). La température des océans s'est aussi accrue d'un degré. Le Lac Léman a pris deux degrés depuis 1970. L'agriculture est impactée. Depuis 1990, le rendement du blé tendre plafonne à cause d'échaudages thermiques pendant la période de remplissage des grains. Dans les vignobles français, sont observés un avancement de la date des vendanges (une vingtaine de jours en une trentaine d'années) et une montée du degré alcoolique des vins. Un ensemble d'indicateurs converge pour dire que le climat se réchauffe.
Le temps d'adaptation...
Côté précipitations, sont constatées des variations entre années mais pas de tendances. Les cumuls de pluie ne changent pas, jusqu'à présent. Concernant le débit des cours d'eau, les étiages sont de plus en plus sévères et précoces. Pour la grêle, aujourd'hui, on ne sait dire si les évènements sont plus fréquents et plus intenses qu'autrefois. Par contre, on sait que l'accroissement de la concentration en CO2 de l'atmosphère de la Terre s'accélère.
Tous les exercices avec des modèles de simulation montrent qu'il se passe de 30 à 40 ans entre le moment où l'on change de chemin énergétique et celui où le climat réagit, a expliqué l'intervenant. « C'est le temps d'adaptation. C'est pourquoi on dit qu'il faut faire de l'atténuation pour éviter de se retrouver dans un climat ingérable. »
Des observatoires en régions
Le réseau des chambres d'agriculture a mis en place des observatoires renseignant sur le climat dans huit régions « et bientôt neuf ». Sont utilisées des projections produites par les modèles climatiques, qui donnent la possibilité d'analyse fines. Frédéric Levreault a présenté l'analyse de cas, comme la somme de températures base 10°C du 1er avril au 30 septembre, qui permet de caractériser thermiquement les grandes zones viticoles. Dans l'hypothèse d'une émission de gaz à effet de serre intermédiaire, de 1 600°C à la fin du XXe siècle à Montélimar, cette somme de températures serait de 1 900 au milieu du siècle présent et dépasserait les 2 300°C à la fin de celui-ci. « C'est-à-dire l'équivalent du Sud de l'Espagne aujourd'hui. Donc, cela permet d'être dans l'anticipation. On peut regarder les besoins en eau futurs de cette espèce ou d'autres, caractériser les cumuls d'évapotranspiration potentielle dans l'avenir pour savoir si l'on pourra irriguer ou s'il n'y aura pas moyen de minorer les besoins. »
Des indicateurs pertinents
Autre analyse de cas, en arboriculture à Valence : le nombre d'heures où la température est inférieure à 6°C entre mi-novembre et fin février. Il était de 1 600 heures à la fin du XXe siècle, serait de 1 200 au milieu du XXIe et en-dessous de 1 000 à la fin de celui-ci en moyenne, pour un scenario gaz à effet de serre « assez raisonnable ». Des éléments utiles pour voir si ce nombre d'heures correspond aux besoins en froid d'espèces fruitières actuellement cultivées. Et, si ce n'est pas le cas, pour savoir si les créateurs de variétés sont en capacité de minorer ces besoins. Sinon pour dire : « Il reste 30 ans pour passer à d'autres espèces ». En élevage, « on peut calculer le moment où la croissance de l'herbe est suffisante pour la mise à l'herbe. Cela permet de voir à quelle vitesse il va falloir décaler la conduite des troupeaux, les modes d'exploitation de l'herbe, la sortie des animaux. »
Un sacré challenge
« Aller interroger des indicateurs pertinents donne de la lisibilité sur le changement climatique, pour analyser des évolutions, opportunités et risques », a conclu Frédéric Levrault. Et ce, « de façon à aider les agriculteurs à identifier si leurs systèmes seront encore possibles dans un certain horizon de temps, moyennant des aménagements. Les chambres d'agriculture n'ont pas, aujourd'hui, de conseillers en "adaptation" au changement climatique. On est en train d'y travailler. Faire du conseil en adaptation est un sacré challenge, un défi considérable à relever. »
Annie Laurie
(*) Frédéric Levrault a créé le concept d'Oracle (observatoire régional sur l'agriculture et le changement climatique). Un dispositif dédié au monitoring des évolutions climatiques et agricoles en cours, actuellement déployé dans huit régions. Il a en outre mis en place et pilote la dynamique ClimA-XXI (climat et agriculture au XXIe siècle) pour permettre aux conseillers des chambres d'agriculture d'analyser les conséquences futures du changement climatique sur les productions agricoles.
Climat et protection des cultures /Initiative, expérimentation et aides

