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Télévision

Un Ardéchois dans L'Amour est dans le pré

Ce n’est pas le triangle des Bermudes, mais au croisement de l’Ardèche, la Lozère et de la Haute-Loire, Laurent Chaze n’est pas un disparu. Il serait même plutôt connu. Depuis la rentrée, on suit sur le petit écran les pérégrinations amoureuses de l’Ardéchois, l’un des candidats de la 20e saison de l’émission de téléréalité L’Amour est dans le pré. Rencontre.

Un Ardéchois dans L'Amour est dans le pré
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L’aventure de Laurent Chaze, cinquantenaire aux yeux aussi bleus que le ciel dégagé d’Ardèche en ce jour de novembre où tournoient les milans royaux, est de celles qui se vivent avec le cœur. Sous ses airs de star de cinéma en noir et blanc, façon Bruno Cremer, se dévoile un homme où les mots choisis soigneusement expriment une cascade d’émotions.

Attablé devant un café fumant, Laurent Chaze trône au milieu de la cuisine, devenue le décor emblématique de l’arrivée de ses deux prétendantes, Laurence et Françoise, lors d’un épisode de L’Amour est dans le pré. Le principe de l’émission est de permettre à des agriculteurs en quête d’amour de rencontrer l’élu de leur cœur, au détour d’un tracteur. L’agriculteur de 59 ans, rodé à l’exercice depuis la diffusion au compte-goutte des épisodes, déroule le fil de sa vie teintée de grands moments d’émotions, de souffrance mais aussi de joie. Fils de restaurateurs de la commune de Lanarce, depuis l’enfance, Laurent Chaze entend parler de la ferme de son oncle maternel, peu à peu tombée en désuétude au fil des années. Et ça tombe bien, car le futur agriculteur ne se voit pas travailler ailleurs qu’à l’extérieur, au contact des animaux. « Je voulais travailler de mes mains », confie-t-il. Une idée fixe qui le conduit à s’installer sur la ferme de son oncle, non loin de Lanarce, en 1989, où il débute avec un atelier ovin avec la volonté de ramener à la vie cette ferme aux bâtisses imposantes, propriété de la famille depuis 1730, qui domine la vallée et dont l’horizon dégagé, invite à la contemplation. Pourtant, la ferme devient vite animée avec l’arrivée de Françoise, une Meyssoise, rencontrée non loin des rives du Rhône, lorsque Laurent était ouvrier agricole. Par amour, elle le suit sur sa montagne, et ensemble ils se bâtissent un présent et un futur. « Dès que le statut de conjoint collaborateur a été mis en place, nous l’avons adopté immédiatement, pour la reconnaissance de son travail », souligne Laurent. Désormais en Gaec, au fil des années, leur fils Guillaume les rejoint, avec un atelier bovin allaitant. Une harmonie à trois, où chacun se dédie à ses tâches. « Françoise aimait bien les ovins, on est monté jusqu’à 500 mères », se remémore-t-il.

« Si la vie devait nous séparer, refais ta vie »

Mais après un cancer il y a treize ans, et « dix ans de trêve », la maladie revient et emporte Françoise en 2023. « Cela a été très violent et rapide », se remémore avec émotion Laurent. Avec son épouse, ils s’étaient fait une promesse : « Si la vie devait nous séparer, refais ta vie », lui avait-elle enjoint. Une phrase libératrice de toute culpabilité pour Laurent, qui du jour au lendemain se retrouve « plongé en enfer. Nous avions tout fait ensemble, avec 36 ans de vie commune et deux enfants ». Déboussolé et en colère, face à cette injustice, Laurent se jette dans le travail comme on entre dans les ordres et s’y dédie, pour étouffer le chagrin. « Nous étions tournés vers le monde, vers les amis. » Épicurien dans l’âme et investi dans le syndicalisme, la solitude le saisit parfois là où il ne l’attend pas, même si les amis, la famille, sont présents. Une petite voix finit pourtant par émerger. À l’heure du bilan de cette année de deuil, « je me suis dit : "Laurent, ne t’enferme pas, sinon, tu ne vas jamais rencontrer quelqu’un" ». Au moment où Laurent, fait son introspection, l’émission L’Amour est dans le pré clôture son casting. « C’est une émission que je regardais de temps en temps. Il s’y était fait de belles rencontres. » Ni une ni deux, il laisse un message sur le serveur téléphonique, sans trop se faire d’illusions. « Ce jour-là, je suis allé puiser dans mes forces pour verbaliser mon histoire. Il faut beaucoup de courage. Je ne savais pas si j’allais être sélectionné parmi 600 candidats. » 

Une aventure entre catharsis et renaissance

Parfois le hasard fait bien les choses. Véritable catharsis pour Laurent, « le déclic a eu lieu passé les premières sélections. Rien que poser des mots sur la douleur, il se passe quelque chose », et peu à peu au détour d’un repas partagé en famille ou entre amis, « l’envie de faire rire les gens » revient. Première étincelle d’un deuil, où Françoise est partout, mais surtout dans son cœur, comme l’amour de sa vie, sans empêcher la place pour une nouvelle histoire. « J’étais dans un chapitre noir, mais j’avais envie d’écrire une fin heureuse. La femme qui viendra prendra tout le package », sourit-il. Alors, Laurent se lance pleinement dans l’aventure. Un véritable tourbillon d’émotions l’emporte, et tout s’enchaîne : des rendez-vous à répétition où sa vie entière est passée au peigne fin, sa sélection, où sa personnalité a fait mouche, puis la diffusion de son portrait, les premiers doutes. « J’ai l’impression de ne dégager que de la tristesse », mais aussi les premières reconnaissances, « toujours courtoises » dans la rue, et les premiers retours de ses proches qui le rassurent : « C’est vraiment toi ». Et puis, vient le temps de faire des choix, via les lettres reçues. Il passe au crible les moindres mots, signes qui pourraient révéler la personnalité de sa (peut-être) future dulcinée, également sensible aux détails qu’ont relevés ses prétendantes chez lui. Il arrive au speed dating organisé sur une péniche à Paris, concentré : « J’avais déjà deux ou trois personnes en tête ».

Les coulisses  de l’émission

Après le choix de Françoise (nommée comme sa défunte épouse) et de Laurence, pour un séjour à la ferme, il découvre les coulisses de l’émission avec toute une équipe de tournage. « C’était éprouvant physiquement : nos micros sont ouverts de 7 heures du matin à minuit. On revient aussi sur les actions de la journée, ce qui nous permet de mettre des mots sur nos émotions et de les comprendre plus rapidement. L’aventure n’est pas scénarisée » révèle-t-il. « Au bout d’un moment, on oublie les caméras. Et ce qu’on voit à la télé, c’est en adéquation avec ce qu’il s’est passé », ajoute l’agriculteur. En plus de la fatigue physique s’ajoute la fatigue émotionnelle, et le rôle d’équilibriste que Laurent endosse pour qu’aucune de ses deux prétendantes ne se sentent lésées. L’agriculteur a choisi de poursuivre son histoire d’amour naissante avec Laurence. Pour Laurent, quoi qu’il arrive, « cette aventure, c’est tout ce qui m’a permis d’avancer. J’ai pu aller de l’avant, et même si cela devait s’arrêter là, pour moi, c’est déjà une victoire. » Depuis le tournage, la ferme a retrouvé son calme apparent, veillée par les majestueux peupliers et ses deux saint-bernard, Tagada et Harmonie. Pour Laurent, derrière cette tranquillité immuable, un chapitre sombre de sa vie se referme et au détour d’une page, s’esquissent les premiers mots de la suite du récit, empreint de joie et d’harmonie, désormais conjugués au présent.  

Marine Martin