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Caprins

Chèvres : soigner la traite pour préserver la mamelle

Des recherches ont fait progresser les connaissances sur les liens entre la traite et la santé mammaire des chèvres. L'Institut de l'élevage a restitué les résultats de ces travaux lors de journées techniques, notamment dans la Loire et la Drôme.
Chèvres : soigner la traite pour préserver la mamelle

Depuis 2015, l'Institut de l'élevage (Idele) et ses partenaires techniques étudient les liens entre la traite et la santé mammaire des chèvres. Cela, dans le cadre d'un programme de recherche financé par l'Anicap (interprofession caprine) qui s'achève fin 2019. Les travaux ont été centrés sur trois éléments clés - la chèvre, la machine à traire et le trayeur - avec une approche méthodologique multiple : observations et mesures en élevages, expérimentations en stations, études en laboratoire et analyse de bases de données.

Informer et sensibiliser

Les participants à la journée sur la traite caprine organisée par l'Institut de l'élevage à Montmeyran.

« Nous sommes dans la partie diffusion des résultats et sensibilisation des acteurs de la filière », précise Marine Minier, de l'Idele. Ses collègues Renée de Crémoux, spécialiste de la santé mammaire, Alice Hubert et elle-même ont d'ailleurs co-animé deux journées de restitution de ces travaux dans la région. L'une le 13 novembre à Saint-Romain-les-Atheux (Loire), l'autre le lendemain à Montmeyran.

 « La santé mammaire va de pair avec la traite, a noté Renée de Crémoux à Montmeyran. La traite est un facteur important dans la transmission des infections... qu'il est néanmoins possible de maîtriser. » Les travaux conduits dans le cadre du programme de recherche ont mis en évidence des relations fortes entre l'aptitude à la traite et les risques d'infection de la mamelle. Mieux connaître les caractéristiques des animaux et leur aptitude à la traite permet de mieux comprendre les facteurs de risque de ces infections.

Des enseignements intéressants

Renée de Crémoux (Institut de l'élevage).

La traite peut agresser le trayon, provoquer des lésions de différents types (kystes, anneaux de compression, pincements, hyperkératose, congestion) qui vont fragiliser ses défenses. L'étude s'est attachée à mieux connaître la conformation de la mamelle pour pouvoir adapter le matériel de traite. Les résultats des travaux mettent en avant plusieurs points importants. L'analyse de 51 700 courbes d'éjection du lait de 5 800 chèvres a montré que les animaux donnant leur lait rapidement avaient des concentrations cellulaires plus élevées (sensibilité aux infections accrue) que les autres. L'Inra, qui a contribué à ce programme, a constaté une forte corrélation génétique entre un débit de traite élevé et une concentration cellulaire dégradée. Et les essais sur mamelle artificielle mettent en évidence que les fluctuations de vide sous le trayon augmentent en cas de débit élevé. Cela accroît les risques de contaminations du trayon à la suite d'engorgements de lait, de glissements ou de flux inversé. A l'opposé, quand la durée de traite augmente, la fréquence de la plupart des lésions du trayon s'accroît aussi.

Six profils de mamelle caractérisés

Les différences de conformation de la mamelle ont été étudiées à partir des données de pointage de 1995 à 2015 de Capgènes (organisme et entreprise de sélection caprine). Avec, ont été déterminés six types de mamelles. Des différences de risques d'infection chroniques (indurations, déséquilibres mammaires...) ont été mises en évidence en fonction de ces profils de mamelles. Il a été constaté 300 000 cellules de plus pour les mamelles ayant les planchers les plus bas, comparés aux planchers les plus hauts. Ces travaux ont d'ailleurs incité Capgènes à prendre en compte d'autres observations, notamment les déséquilibre de mamelles (enregistrés depuis 2015) ainsi que les kystes lactés présents au niveau des trayons (enregistrés depuis 2018). L'objectif est de pouvoir, par la suite, analyser le lien entre ces postes de pointage et les concentrations cellulaires.

Annie Laurie

Matériel et sanitaire / Une installation de traite correctement dimensionnée, réglée et entretenue limite les risques d'infections.

 

Bien entretenir sa machine à traire

 

« L'entretien de la machine à traire est essentiel », a souligné Alice Hubert, le 14 novembre à Montmeyran lors de la journée animée par l'Institut de l'élevage. Une installation mal conçue, mal réglée, mal entretenue peut exposer les animaux à des risques accrus de contamination ou de transmission de bactéries pendant la traite. Pour ce volet, l'étude s'est appuyée sur la base de données Logimat®, qui regroupe les contrôles Opti'Traite® (contrôle des machines à traire). Les données ont été croisées avec celles des concentrations cellulaires des laits de tank du Grand-Ouest. Ont ainsi été observées des différences allant jusqu'à 300 000 cellules par millilitre de lait, selon l'état ou les réglages des installations de traite.

Faisceaux trayeurs, manchons, orifices calibrés...

Alice Hubert (Institut de l'élevage).

Plusieurs grands points sont ressortis. Le premier est l'entretien des faisceaux trayeurs car 55 % des contrôles Opti'Traite® révèlent qu'il est insuffisant. Les manchons trayeurs, eux, doivent être renouvelés dès que nécessaire et suivant les recommandations du fabricant. Les orifices calibrés (petits trous à la base, qui sont des entrées d'air) doivent être régulièrement débouchés. S'ils sont obstrués par de la poussière, des dépôts de calcaire, des mouches..., l'écoulement du lait est difficile et il peut y avoir des engorgements. « L'idéal est de les regarder tous les jours ». Ils doivent être débouchés avec l'aiguille spécifique caprins fournie par le fabricant de la machine à traire. Si elle a deux embouts, se servir du plus petit en diamètre (l'autre, réservé aux installations bovines, agrandirait les trous).

Faire contrôler son installation

Idele met l'accent sur d'autres points importants : assurer un niveau de vide régulier sous le trayon, adapter les réglages de la machine à traire aux caractéristiques de l'installation et des animaux. Par exemple, les réglages du lactoduc ne seront pas les mêmes selon s'il est placé en ligne basse ou en ligne haute. L'accent est mis aussi sur l'importance de faire contrôler annuellement son installation. En outre, à l'issue de l'agrandissement d'une installation (postes de traite ajoutés), Idele recommande un contrôle de conformité (Certi'Traite®) afin de vérifier si le dimensionnement de la machine d'origine est suffisant pour faire fonctionner le système modifié. Il existe aussi des contrôles ponctuels de machines à traire dédiés au nettoyage (Nett'Traite®) et à la dépose automatique des faisceaux trayeurs (Depos'Traite®).

A. L.
Pratiques /
Adopter de bonnes habitudes de traite
Marine Minier (Institut de l'élevage).
Après la chèvre et la machine à traire, le trayeur est le troisième élément clé impliqué dans la santé mammaire. Et les habitudes de traite peuvent être mauvaises. Marine Minier, chef de projet sur la qualité du lait en caprins au sein de l'Institut de l'élevage, a mis en avant l'intérêt des visites proposées aux éleveurs « pour prendre du recul sur leurs pratiques ». Ces visites apportent un regard extérieur à la fois sur le trayeur, les animaux et la machine à traite. Sont ainsi observées les pratiques et l'organisation de la traite. Mais aussi, sur un panel de chèvres, les lésions sur les trayons à l'issue de la traite. C'est un moyen de repérer des situations à risques et des points de vigilance.
A noter aussi, dans le cadre du programme de recherche, l'utilisation de nouveaux outils a été développée pour pouvoir objectiver l'impact des gestes et pratiques de traite. L'un de ces « outils de test », le Vadia®, enregistre les fluctuations du vide dans le manchon trayeur lors de la traite. A titre d'exemple, un vide sous le trayon très fluctuant peut être le signe d'un mauvais écoulement du lait. Une traite humide est favorable au dépôt des bactéries sur la peau et augmente les risques de pénétration dans le canal du trayon. Grâce aux outils de test pendant la traite, le temps de surtraite des animaux peut aussi être objectivé.
A. L.

 

Plus d'informations

A partir des résultats des travaux conduits dans le cadre de ce programme de recherche sur les liens entre la traite et la santé mammaire des chèvres, des documents ont été rédigés. Lors des journées de restitution, ont été remis aux participants le « Mémo du parfait trayeur », un Focus sur les bonnes pratiques de traite en élevage caprin, un autre sur l'impact de la traite sur les manchons trayeurs caoutchouc caprins.
De plus amples informations sur ces sujets sont disponibles sur le site internet de l'Institut de l'élevage (idele.fr), dans un espace dédié à ce sujet.