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Interview de la présidente de la FNSEA

Christiane Lambert : « Redorer la bannière du monde agricole »

Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, sera l'invitée nationale du congrès de la FDSEA de la Drôme, le 9 mars à Claveyson. L'occasion, avant sa venue dans notre département, de faire plus ample connaissance avec elle.
Christiane Lambert : « Redorer la bannière du monde agricole »

Christiane Lambert, vous êtes à la tête du plus grand syndicat agricole français, la FNSEA. Comment concevez-vous l'engagement syndical ?

Christiane Lambert : « L'engagement syndical, c'est donner son temps, son énergie, son enthousiasme pour porter la voix des agriculteurs à tous les échelons (département, canton, commune, intercommunalité...), partout où se prennent des décisions qui touchent de près ou de loin l'agriculture. C'est aussi se former régulièrement à la connaissance des dossiers, entre autres, pour représenter au mieux les agriculteurs. L'engagement syndical consiste à conjuguer l'écoute, la négociation, l'arbitrage et à rendre compte aux agriculteurs des avancées afin de garder le lien ascendant et descendant. C'est engageant mais c'est aussi gratifiant. »


Y'a-t-il selon vous une vocation de l'engagement ?

C. L. : « Qu'est-ce qui fait que des agriculteurs, jeunes ou moins jeunes, s'engagent ? C'est l'envie d'être et de travailler ensemble, de se sentir utile dans les engagements que l'on conduit. Il faut porter une vision commune de l'agriculture pour son territoire, et puis se dire que personne ne peut porter tout seul l'ensemble des dossiers. C'est trouver une satisfaction et un épanouissement dans la représentation des agriculteurs. Il y a un volet travail pour porter les dossiers et un volet convivialité. Je ne pense pas qu'il y ait une crise des vocations car beaucoup de jeunes s'engagent dans plein de domaines. »


Quelle est votre ambition pour l'agriculture française ?

C. L. : « L'agriculture est une très grande chance pour notre pays mais nous avons le sentiment que nos gouvernants, nos décideurs n'en prennent pas suffisamment la mesure. L'agriculture est capable de créer de l'emploi, d'occuper tous les territoires, de produire une alimentation que le monde entier nous envie. L'agriculture, c'est aussi des réponses à des attentes plus qualitatives en matière environnementale, d'entretien des paysages, de savoir-vivre à la campagne. Pour tout cela, il faut que les agriculteurs soient bien dans leur peau, économiquement performants et reconnus dans tout ce qu'ils sont et ce qu'ils font. Il y a un sentiment aujourd'hui de méconnaissance voire "d'agriculture bashing" qui donne le blues aux agriculteurs. Les émissions de télévision négatives envers l'agriculture ont été nombreuses, peut-être un peu moins aujourd'hui. Donc, il faut expliquer toujours plus tous les atouts que représente l'agriculture pour l'économie, l'emploi, l'alimentation, le climat, la biodiversité... Et personne ne peut mieux le faire que les agriculteurs. Mon ambition, c'est vraiment de redorer la bannière du monde agricole et, aussi, celle de la FNSEA. C'est également agir pour que le revenu des agriculteurs s'améliore avec plus de prix et moins de charges, moins de normes. C'est un chantier permanent, à la fois au plan local et au plan national. »


Cette ambition passe-t-elle par une pluralité de modèles d'exploitation comme c'est le cas dans la Drôme ?

C. L. : « La France est le pays des mille fromages et des mille vins. C'est aussi le pays des mille modèles agricoles. Affirmer qu'"il faut changer le modèle", comme on l'entend à Paris intra-muros, est agaçant car c'est mal connaître la très grande diversité de l'agriculture française. Même s'il n'y a pas toujours de similitudes entre les agricultures départementales, il y a un dénominateur commun. A savoir, les agriculteurs sont tous des chefs d'entreprise travaillant sur des territoires et dans des productions aujourd'hui très concurrencées. »

 

Entre les effets des sinistres climatiques et sanitaires, les dégâts du loup, les prix trop bas dans différentes filières... le moral des agriculteurs n'est pas toujours au beau fixe. Quel message d'espoir leur adressez-vous ?

C. L. : « L'agriculture est soumise à de multiples difficultés - climatiques, économiques, sanitaires -, des difficultés externes aussi avec la présence du loup qui est imposée aux agriculteurs. Il faut gérer ces difficultés avec pragmatisme, les unes après les autres, et parfois toutes en même temps. Et il faut aussi parler de ce qui va bien et représente les solutions pour demain. L'alimentation et la perception de celle-ci change aujourd'hui. Les consommateurs veulent des produits avec plus de sens, d'histoire, d'origine, d'ancrage régional. Il faut se saisir de cette nouvelle curiosité des consommateurs pour que les producteurs en tirent bénéfice et pas seulement l'industriel ou le distributeur. Ce ne peut donc pas être plus de cahier des charges à l'amont et plus de valeur ajoutée à l'aval sans retour jusqu'aux producteurs. Les efforts de ces derniers doivent être récompensés à leur juste valeur. C'est tout l'enjeu de la suite des Etats généraux de l'alimentation. »

 

La FDSEA a choisi pour thème de son congrès « La Drôme, une agriculture au féminin ». Diriez-vous que les femmes sont de plus en plus présentes dans le monde agricole ?

C. L. : « A l'installation des jeunes agriculteurs et agricultrices, on observe un taux de féminisation plus important ces derniers temps, notamment dans les domaines de la viticulture, du maraîchage et des fruits. Les textes imposent la parité y compris en agriculture avec, par exemple, 30 % de femmes sur les listes électorales des chambres d'agriculture. C'est donc très important que des femmes trouvent leur place et prennent des responsabilités. La Drôme est d'ailleurs en pointe sur ce sujet avec une présidente de chambre d'agriculture, quatre députées et une présidente du conseil départementale. Cela est souvent perçu comme un signe de modernité. On l'a vu lorsque j'ai été élue présidente, beaucoup ont dit que l'agriculture avait cette modernité d'élire une femme à la tête de la FNSEA. J'ajoute qu'il y a chez les femmes une manière d'incarner les responsabilités avec plus d'émotion et de sincérité effectives et perçues, et c'est très important. Encore faut-il qu'elles puissent avoir accès au service de remplacement et les moyens de s'organiser. »

 

La Drôme, qu'en dites-vous ?

C. L. :« La Drôme est un département très diversifié, qui sait générer des responsables de talents et engagés. Je perçois une vraie dynamique et un esprit offensif tourné vers l'avenir, que ce soit en matière de modernisation de l'agriculture, d'installation, le salon Tech&Bio.... La Drôme est un département avec une vraie énergie collective que le syndicalisme agricole anime et renouvelle. »

Propos recueillis par Christophe Ledoux

Christiane Lambert /
Son parcours en quelques dates

Christiane Lambert est née le 25 juin 1961 dans une famille d'éleveurs installée à Massiac (Cantal).
À 19 ans, elle s'installe à son compte après avoir décroché un BTS agricole.
En 1981, elle s'engage au sein des Jeunes Agriculteurs.
En 1986, elle se marie avec Thierry Lambert et, avec lui, exploite une ferme à Bouillé-Ménard dans le Maine-et-Loire (élevage porcin et une centaine d'hectares de cultures). Le couple a trois enfants.
En 1994, elle devient présidente du Centre national des Jeunes Agriculteurs (CNJA) et effectuera deux mandats successifs (1994-1996 et 1996-1998).
De 1999 à 2005, elle préside le Forum de l'agriculture raisonnée respectueuse de l'environnement (Farre).
De 2001 à 2011, elle est élue présidente de la FDSEA du Maine-et-Loire.
En 2005, elle devient membre du bureau de la FNSEA puis première vice-présidente en 2010. Elle sera également présidente de Vivea de 2005 à 2017.
En février 2017, elle assure l'intérim de la présidence de la FNSEA après le décès brutal de Xavier Beulin.
Le 13 avril 2017, elle est élue présidente la FNSEA.
Le 29 novembre 2017, elle obtient le « Prix 2017 de la femme d'influence politique » décerné par le club Génération femmes d'influence.