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Christophe Geoffroy, une vie à nourrir autrui

Gastronomie / Depuis plus de quarante ans, le chef Christophe Geoffroy défend une cuisine authentique, cohérente, ancrée dans les territoires. Président des chefs cuisiniers du monde, vice-président international des Disciples d’Escoffier, il a passé sa vie à défendre une gastronomie exigeante, enracinée, mais surtout profondément humaine.

Par C. B.
Christophe Geoffroy, une vie à nourrir autrui
©Charlotte Bayon
Le chef Christophe Geoffroy, parrain de l'association Solaal Auvergne-Rhône-Alpes.

Je préfère manger un bon produit local, qu’un très bon produit importé », assure Christophe Geoffroy. Une ligne directrice claire et assumée, qui fait du soutien local le socle de sa cuisine, rythmée par la mise en valeur de produits bruts, locaux, achetés aux producteurs les plus proches, qui composent 95 % de sa cuisine. À 65 ans, Christophe Geoffroy est propriétaire de plusieurs établissements en France et à l’étranger, notamment à Châtillon-sur-Chalaronne (Ain), mais également à Madagascar, au Congo et en Algérie. Pour lui, la cuisine n’a jamais été une histoire de frontières, mais bien de cohérence entre un territoire, ses produits et ceux qui le font vivre. « J’ai toujours soutenu les agriculteurs à mon échelle, avec ma cuisine. Ce que je veux, c’est un poulet qui vient d’à côté de chez moi. De la vache locale, des légumes qui poussent à côté. C’est à la fois meilleur, moins onéreux et ça fait vivre l’économie locale. C’est ma manière de nourrir le corps, le cœur et la société ». Une logique poursuivie dans ses restaurants à l’étranger. « Je cuisine toujours français, mais avec des produits locaux. Pas de bœuf à Madagascar ? Prenons du zébu ! Le pays produit du foie gras, alors proposons un tournedos Rossini avec du filet de zébu, du foie gras local et du caviar de Madagascar. Si vous savez cuisiner, c’est délicieux. Aucun besoin d’importer quoi que ce soit et faire vivre des heures d’avion à des produits qui, finalement, arriveront moins bons que ceux que nous avons sur place », assure-t-il.

Tous les chemins mènent à la cuisine

Derrière ces choix culinaires assumés et cette force de caractère, se dessine un itinéraire singulier, où la cuisine s’est imposée très tôt. Christophe Geoffroy commence la restauration à 14 ans, en apprentissage, les jeudis, pendant les vacances et les week-ends. Mais ses parents, en désaccord avec ses choix professionnels, le poussent à faire du droit. « Il faut dire qu’à l’époque, les cuisiniers n’avaient pas bonne presse. Ils étaient méprisés, en quelque sorte, on mangeait, mais on ne voulait pas les voir. C’étaient ceux qui nourrissaient les cochons derrière la cuisine après avoir fait la vaisselle ». Le futur chef deviendra conseiller juridique, tiendra un cabinet de conseil juridique, deviendra avocat et même consul. Malgré cette carrière juridique brillante, la cuisine ne le quitte jamais. « J’ai acheté mon premier restaurant à 19 ans. J’étais en deuxième année d’études. » À 54 ans, il abandonne définitivement le juridique pour se consacrer pleinement à la restauration. Une restauration gastronomique, haut de gamme, exigeante, mais jamais déconnectée du réel. « Piment de Bresse, safran de la Dombes, mes seuls produits importés sont le poivre et la vanille ». Le chef a toujours sillonné les fermes à la rencontre des producteurs et pour récupérer les produits déclassés. « Trop gros, trop petits, de forme originale… ceux que d’autres jetaient avant, j’ai toujours travaillé avec. » Cet attachement aux territoires et leurs richesses sont d’autant plus forts que pour Christophe Geoffroy, un produit ne peut pas vraiment exister hors de son sol, de son contexte. « Prenez un punch à la Martinique, au bord de la plage, vous allez le trouver grandiose. Maintenant prenez exactement les mêmes produits et faites la même recette chez vous en novembre, cela n’a rien à voir. C’est aussi pour cela que vous ne verrez jamais un bavarois aux fruits de la passion à l’une de mes cartes. Importer des mangues du Pérou ? Certainement pas. » Parmi ses « plats signatures » figurent les quenelles, qu’elles soient cuisinées à la carpe de la Dombes, au brochet ou encore à la truite sauvage de Haute-Savoie, « de vraies bonnes quenelles à la cuillère », accompagnées de sa sauce Geoffroy, créée en 1996 (jus de veau, crème fraîche et véritables graines de moutarde de Dijon). Autre plat aindinois emblématique de sa carrière : la volaille de Bresse revisitée façon pot-au-feu, cuite doucement dans un bouillon et servie avec des légumes de saison.

Du cuisiner juste à l’engagement solidaire

De toute sa carrière, le chef a misé sur la cohérence en toutes circonstances. Respect des terres, des produits, des traditions, de ses employés. Et cette cohérence l’a mené rapidement vers l’autre versant de l’alimentation : la solidarité. Voir des tonnes de nourriture jetées pendant que d’autres manquent de tout devenant insupportable, l’engagement humanitaire s’impose alors comme une continuité logique de son parcours. « Toute la nourriture qu’on jette, c’est de la nourriture qu’on vole aux pauvres. » Cette célèbre citation, le chef Christophe Geoffroy en a fait son leitmotiv. Depuis treize ans, à Lyon comme ailleurs, il participe à des distributions alimentaires plusieurs fois par semaine, toute l’année, y compris pendant les fêtes et fédère autour de lui producteurs, entreprises et associations. « Tout le monde a envie de donner, mais on ne sait pas toujours comment faire », explique-t-il. Avec des partenaires comme Lustucru, Taureau Ailé ou Garofalo, des millions de portions ont été redistribuées. Parce qu’au fond, au-delà de sa passion, pour Christophe Geoffroy, cuisiner n’a jamais été qu’un moyen de nourrir, respecter et recréer du lien.

C. B.

Solaal Auvergne-Rhône-Alpes /  Quand la solidarité prend corps

Mercredi 17 décembre, l’association Rencontres fraternelles et entraide de Christophe Geoffroy, l’association Solaal Auvergne-Rhône-Alpes, des partenaires agricoles, salariés de Lustucru et bénévoles se sont réunis derrière la gare de la Part-Dieu (Lyon) autour des mêmes objectifs : apporter à manger, mais aussi du lien, de la considération et un moment humain à ceux qui n’ont pas de quoi se nourrir. Gérard Gallot, vice-président de Solaal, insiste sur l’importance de la présence sur un événement tel qu’une maraude, évènement inédit pour l’association : « En tant que donateurs, nous nous devions d’être présents physiquement, afin de rencontrer les bénéficiaires et comprendre comment fonctionne une distribution ».

Les distributions ont lieu tout au long de la semaine lundi, mercredi à la gare de la Part-Dieu, vendredi soir, samedi et dimanche matin à la gare de Perrache. Mercredi 17 décembre, fruits, légumes, mandarines, papillotes de Noël circulaient, mais également des pâtes et autres produits secs. Ces distributions, qui existent depuis treize ans, nécessitent une organisation complexe et une mobilisation massive de bénévoles. « 85 bénévoles s’engagent à nos côtés, pour pouvoir rendre ces distributions possibles », explique Christophe Geoffroy, qui est également parrain de Solaal Aura. « Il y a les bénévoles qui font à manger, les bénévoles qui servent, et la manutention, parce qu’il faut aller charger le camion, puis le décharger. » L’action repose aussi sur la collecte des produits, souvent en grande quantité. « Faire 1 200 repas par semaine demande beaucoup de matière première. Les donateurs via l’association Solaal, mais aussi Lustucru, Garofalo, Taureau ailé, entre autres, nous sont très précieux. »

L’organisation s’efforce également de créer un lien social entre les bénéficiaires. « Nous avons réussi à recréer du lien entre les personnes, à leur redonner une dignité et l’amour de l’autre », raconte-t-il. Dans un espace sécurisé, les personnes peuvent manger ensemble, échanger et, parfois, même partager leurs provisions. Les distributions ne sont pas seulement matérielles, elles deviennent un moment de rencontre et de partage, permettant de tisser des liens entre des publics très divers : sans-abri, retraités en difficulté, travailleurs précaires et étudiants. Cette approche humaine et inclusive fait la singularité de la maraude et illustre l’engagement concret des associations et partenaires sur le terrain.