Clairette de Die : à la recherche de nouveaux cépages résistants

Il n'est plus à démontrer que les maladies cryptogamiques de la vigne - comme le mildiou, l'oïdium ou encore le black-rot - peuvent faire des dégâts (importants) dans les vignobles. C'est dans ce contexte que le syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois vient d'engager un vaste programme de sélection de cépages muscatés résistants. «Cela fait désormais plus d'un an que nous travaillons sur ce dossier. Il commence à prendre forme, les premiers travaux ont débuté », précise d'ailleurs Fabien Lombard, son président.
Protocole établi
Les objectifs sont sanitaires et économiques. Mais l'enjeu est également environnemental, comme ne manque pas de le rappeler le vigneron. « L'introduction d'un matériel végétal moins sensible permettra de limiter le recours aux intrants phytosanitaires. Nous visons principalement la lutte contre le mildiou et l'oïdium. Le black-rot reste cependant problématique sur des parcelles en agriculture biologique. De quinze IFT (indice de fréquence de traitement), on passerait à deux en un seul passage. Si on ne fait rien, il y a des pertes de récoltes », indique-t-il notamment.
Afin de mener à bien ce programme de création variétale, un protocole a été établi. Les étapes sont nombreuses. Il faut tout d'abord sélectionner deux parents, en fontion des critères que l'on souhaite transmettre à la descendance (arôme muscaté, résistance à l'oïdium et au mildiou). Vient ensuite la castration des fleurs puis la pollinisation. Les grappes doivent par la suite être récoltées, avant l'extraction des pépins (2 000). Une fois semés, c'est l'heure de sélectioner des plantules : 100 individus sont alors retenus. Il faudra encore repiquer, multiplier par greffage et sur-greffage avant de lancer les expérimentations en plein champs. Tout au long du processus, les observations seront nombreuses, tout comme les données qui seront collectées. Le syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois en est au stade de récupération des pépins issus du croisement. «Les pépins sont à l'étuve au domaine de l’Espiguette, au Grau-du-Roi dans le Gard, au siège de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). On va avoir les premières parcelles de comportements. Nous sommes également à la recherche d'une parcelle pour faire du greffage. Une étape qui pourrait se dérouler en 2018 ou 2019 », explique-t-il aussi.
Un programme à 150 000 euros, au moins
Tout au long de ses travaux, le syndicat drômois pourra également s'appuyer sur des recherches antérieures menées par l'IFV et l'Inra, ainsi que sur leur expertise. Une convention sera d'ailleurs signée en ce sens courant 2018.
Force est de constater que cette démarche de création variétale n'est en tout cas point unique dans l'Hexagone. Inter-Rhône travaille par exemple, depuis 2016, sur les cépages grenache et syrah. Le budget avoisinerait les 500 000 euros et le programme pourrait durer près de quinze ans. Il y a quelques années, l'interprofession avait déjà créé des métisses grenache-syrah, dont les résultats sont déjà vinifiés. Des informations qui seront d'ailleurs intégrées dans le nouveau programme de création variétale.
Mais selon le syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois, personne n'avait encore lancé cette expérimentation sur le muscat. Un cépage pourtant utilisé dans d'autres territoires à travers l'Hexagone, dans le Vaucluse (muscat de Beaumes-de-Venise) ou encore en Languedoc-Roussillon. C'est même le cas de l'autre côté des Alpes. Le syndicat drômois lance ainsi un appel aux autres vignobles, interprofession ou organisme de gestion (ODG) pour boucler son plan de financement. L'enveloppe financière qui y sera consacrée s'élèvera entre 150 000 et 170 000 euros ; le programme de recherche durera quant à lui une décennie.
«Pendant dix ans, nous pourrons utiliser le cépage créé. Après, il tombera dans le domaine public. Nous sommes donc prêts à ouvrir nos données à d'autres partenaires, qui seraient prêts à participer financièrement », insiste Fabien Lombard. Un cépage auquel il faudra aussi trouver un nom. Il devra également être accepté dans le cahier des charges de l'appellation. Mais cela, ce n'est pas pour tout de suite.