Alors que le colza est la première culture oléagineuse cultivée en France et qu'elle contribue à notre indépendance en protéines végétales, le colza est en danger dans certaines régions. En cause, notamment, les attaques de ravageurs d'automne devenus incontrôlables et des moyens de lutte classiques qui ne sont plus efficaces. Sur les plateaux de Bourgogne, produire des grandes cultures devient extrêmement difficile: seuls 25 % des agriculteurs ont un revenu dépassant 2000 €/mois (période 2013- 2015), à comparer à 40 % dans des secteurs voisins aux sols plus favorables. En cause, des ravageurs et mauvaises herbes des cultures devenus incontrôlables, et, en particulier, les attaques régulières d'insectes ravageurs du colza : l'altise d'hiver et le charançon du bourgeon terminal. Dans la région, ces ravageurs ne sont plus contrôlables par les méthodes de lutte classiques. Ces insectes ravageurs, devenus résistants aux insecticides de la famille des pyréthrinoïdes, prolifèrent et occasionnent des dégâts considérables aux cultures. Cette impasse technique récente vient s'ajouter aux difficultés connues de ce territoire : des sols caillouteux et superficiels, auxquels peu de cultures s'adaptent.
Par conséquent, la culture de colza, qui offre une des rares solutions pour diversifier les monocultures céréalières, est en danger. L'Yonne, longtemps premier département producteur français, a perdu plus de 15 000 hectares de production de colza en 2018 par rapport aux années 2000. Face à cette impasse technique, sept agriculteurs de l'Yonne accompagnés par Terres Inovia et ses partenaires1 ont lancé le projet R2D2 (Restauration de la régulation naturelle et amélioration de la robustesse des cultures sur les plateaux de Bourgogne pour réduire durablement la dépendance aux insecticides). L'objectif de ce projet de territoire conduit en conditions réelles sur plus de 1 000 hectares est de concevoir, avec les agriculteurs, des solutions alternatives s'appuyant sur la biodiversité et l'agroécologie pour protéger les cultures et réduire, voire supprimer, l'utilisation d'insecticides.

S'appuyer sur la biodiversité pour protéger les cultures

Si certains insectes sont les ennemis des cultures, d'autres sont aussi de précieux alliés des agriculteurs pour protéger les cultures. Les insectes dits auxiliaires consomment ou parasitent les insectes ravageurs des cultures et peuvent être extrêmement efficaces dans la réduction des populations de ravageurs comme l'altise d'hiver ou le méligèthe. Dans des situations d'équilibre écologique, ils présentent parfois un taux d'efficacité de régulation de plus de 90 %. Cependant, sur les plateaux de Bourgogne, le premier constat est préoccupant : les taux de régulation mesurés ne dépassent pas 5 % pour les deux ravageurs considérés. Avec le projet R2D2, l'objectif est de favoriser la présence et le développement de ces insectes auxiliaires pour limiter les dégâts occasionnés par les ravageurs et permettre aux agriculteurs de retrouver des niveaux de production stables et satisfaisants. Pour garantir des ressources alimentaires suffisantes à ces insectes et leur permettre de se développer et de coloniser le territoire, 15 hectares de bandes fleuries seront implantés de manière concertée en 2019. Le projet R2D2 vise aussi à réduire, voire supprimer, l'utilisation d'insecticides pour protéger ces insectes régulateurs.

Cultiver l'agronomie pour des systèmes de cultures plus robustes

Pour accompagner le changement des pratiques agricoles et répondre aux attentes sociétales et environnementales, il est essentiel de repenser globalement les systèmes de production pour disposer de cultures plus robustes. Ainsi, le projet R2D2 accompagne les agriculteurs pour mettre en œuvre un ensemble de leviers agronomiques destinés à améliorer la robustesse de leurs cultures et à réduire la nuisibilité des attaques d'insectes : diversification des rotations, associations d'espèces, utilisation de variétés résistantes, dates des semis décalées... Cette initiative menée sur les plateaux de Bourgogne vise à concevoir et à éprouver en conditions réelles des solutions qui pourront à terme être généralisées à d'autres régions qui rencontrent les mêmes difficultés. Si les agriculteurs sont mobilisés, ils sont aussi inquiets. Cette évolution « ne se fait pas sans risques » : des pertes de rendements sont susceptibles d'intervenir lors de cette expérimentation. « L'engagement de tous les acteurs, et notamment des pouvoirs publics, est donc indispensable », tient à préciser l'institut technique. 

Terres Inovia

1 R2D2 : Les 9 partenaires de Terres Inovia sont Arvalis-Institut du végétal, Soufflet Agriculture, Dijon Céréales, l'union des coopératives Seine-Yonne, la chambre d'agriculture de l'Yonne et l'Inra, la Fop, l'entreprise semencière Nungesser Semences et le laboratoire d'éco-entomologie d'Orléans.