Comment la continuité pédagogique de l'enseignement agricole est-elle assurée ?
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L'annonce du confinement a entraîné moult rebondissements dans le monde éducatif. Dès le vendredi 13 mars, la direction régionale de l'agriculture, de l'alimentation et la forêt (Draaf) a contacté les établissements de la région pour les inciter à prendre des mesures immédiates, alors que les élèves étaient encore présents : « L'objectif était d'anticiper le travail à fournir aux étudiants, s'assurer qu'ils aient tous accès à internet et à un ordinateur, etc. », signale Sonia Rougier, en charge de la politique éducative à la Draaf. Afin de lutter contre l'exclusion sociale, certains établissements ont même prêté des outils numériques pour pouvoir suivre les cours à distance. « Nous avons mis à disposition tous les ordinateurs portables de l'établissement aux jeunes qui n'en avaient pas », indique Pierre Chavand, directeur du LEGT de Combloux en Haute-Savoie. Pour soutenir et accompagner les établissements, la Draaf leur envoie chaque semaine des conseils pour faire face à cette situation inédite. Des conseils axés sur les liens à conserver avec les élèves, sur l'état des lieux des étudiants situés en zone blanche ou n'ayant pas accès au numérique, sur la pédagogie à avoir pour essayer de maintenir le moral des troupes, etc. « Il n'est pas possible de suivre un programme classique, ce qui demanderait de faire une classe virtuelle de 6 à 7 h par jour. Nous avons plutôt conseillé la mise en place de plages horaires de cours, d'échanges, de travail personnel, etc. Je tiens d'ailleurs à féliciter l'ensemble des équipes pédagogiques pour leurs efforts réalisés en cette période », souligne Sonia Rougier.
Des cours sur YouTube
Au LEGT de Combloux, les enseignants assurent 3 h de cours dans la journée, le reste étant consacré à un suivi individualisé : oraux, soutien pour les rapports de stage, aide à Parcoursup, etc. Les échanges se font par le biais de divers logiciels, Ecole directe ou Classroom. A l'EPLEFPA Contamine-sur-Arve (Haute-Savoie), les différents supports ont été testés par les enseignants et formateurs les quinze premiers jours : cours en visioconférence, création d'un groupe WhatsApp, etc. « Certains enseignants ont même créé une chaîne YouTube », se satisfait Matthieu Prévost, chef d'établissement. Des vidéos qui pourraient s'avérer indispensables, notamment pour les cours d'agroéquipement. Le lycée a envoyé une enquête de satisfaction aux apprenants : « 36 % des élèves nous ont avoué être plus à l'aise avec l'enseignement à distance », poursuit-il. Chacun s'adapte à sa façon. A la MFR de Montbrison Allard (Loire), les journées de cours en visioconférence durent 5 h. « Pour autant, les professeurs sont sollicités de 8 h à 19 h, avec un suivi très individualisé. Nous avons des contacts réguliers avec l'ensemble des familles. Certaines sont confrontées à des problèmes techniques. Il nous arrive donc d'envoyer les cours par courrier postal », explique David Goiffon, le chef d'établissement.
Un mal pour un bien ?
La politique régionale, visant à proposer à tous les établissements scolaires l'accès à l'ENT (environnement numérique de travail), prend ainsi tout son sens. Ce portail internet permet aux élèves, parents et enseignants, de consulter le cahier de texte et les notes, de télécharger les devoirs et les supports de cours, etc. D'autre part, « l'enseignement agricole fonctionne depuis toujours avec des spécificités permettant de donner du sens à la communauté étudiante : concours photos, actions citoyennes, etc. Nous encourageons les établissements à conserver ces initiatives », explique Sonia Rougier. « C'est un chamboulement mais il faudra retirer de cette crise tout ce qui a pu être positif, notamment en termes d'utilisation du numérique. On s'interroge d'ailleurs sur la possibilité de faire un lycée numérique », avoue Pierre Chavand. « Nous pensons vraiment que cette crise va nous être favorable pour l'innovation pédagogique, en dehors de ce contexte déplorable », ajoute Matthieu Prévost. Et David Goifon de conclure : « Globalement, cette situation est positive puisqu'elle permet de remettre en question nos principes pédagogiques. Cela nous permet de trouver des nouveautés pour motiver les élèves et rendre les cours plus dynamiques ».
Amandine Priolet
Les connections à “ Ma classe en Auvergne-Rhône-Alpes ” explosent
Depuis la rentrée 2019, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a mis en place un environnement numérique de travail (ENT) dont disposent tous les lycéens sur ordinateur, tablette ou smartphone. La fermeture des lycées le 13 mars dernier puis le confinement ont entraîné un nombre record de connections à l’environnement numérique de travail mis en place par la Région. En effet, « l’ENT ‘‘Ma classe en Auvergne-Rhône-Alpes’’ a dû répondre à un nombre de sollicitations informatiques inédit pour permettre aux lycéens des 308 établissements publics de la région de rester en lien avec leurs enseignants et de pouvoir continuer leur scolarité depuis chez eux. Le nombre de requêtes à l’ENT a ainsi augmenté de 230 % entre une journée normale et le lundi 23 mars », indique la Région dans un communiqué du 7 avril. Cet espace numérique de travail recense 356 000 comptes d’élèves, 35 000 comptes d’enseignants et 621 000 comptes de parents ou responsables.Maintenir le lien Par rapport à une semaine normale : le nombre de pages consultées a été multiplié par 5 (+ de 26 millions de pages vues à l’issue de la première semaine de confinement) ; le nombre de visites des élèves a été multiplié par 3 (+ de 1,6 million de visites connectées à l’issue de la première semaine de confinement). Le temps de travail en ligne a été multiplié par 3 (+ de 12 minutes en moyenne par visite). Depuis plus de trois semaines, la Région anime quotidiennement un comité de gestion de crise qui lui a permis d’ajuster son outil numérique de travail à l’augmentation des connections et aux nouvelles pratiques. « Si des difficultés ont été rencontrées dans les tous premiers jours du confinement, la Région a financé en urgence le renforcement de l’infrastructure technique de l’éditeur de l’ENT », indique la Région dans son communiqué. A cela, s’ajoute un code de bonnes pratiques, constitué de quatre points essentiels, permettant une fluidification des connections. « Plus que jamais dans cette période de confinement, la Région s’est mobilisée avec l’éditeur de l’ENT et les autorités académiques non seulement pour que le lien ne soit pas rompu entre enseignants, élèves et parents, mais qu’il soit performant. Face à l’explosion du nombre des connections et un usage inédit de ‘‘ Ma classe en Auvergne-Rhône-Alpes ’’, la priorité de la Région est la continuité et l’amélioration de ce service au quotidien », précise Béatrice Berthoux, vice-présidente de la Région déléguée aux lycées..jpg)
A savoir
FAQ, apprentissage et examens…
Sur le site agriculture.gouv.fr, le gouvernement a publié une foire aux questions sur la poursuite de l’enseignement technique agricole. L’occasion d’y voir plus clair sur le maintien du calendrier de Parcoursup et du suivi pédagogique, ainsi que les questions relatives aux examens, suite aux annonces du gouvernement en date du 3 avril 2020.
Jérôme Laurent, en charge de la partie examens à la Draaf, annonçait quant à lui la possibilité, pour les équipes pédagogiques, de proposer aux candidats de passer leurs oraux de contrôles en cours de formation (CCF) en visioconférence. Du côté de l’apprentissage, « c’est le code du travail qui s’applique », prévient Claire-Lise Oudin, en charge du dossier à la Draaf. « La présence des élèves sur leur lieu d’apprentissage dépend du maintien, ou non, de l’activité de leurs employeurs. En cas de baisse ou d’arrêt de l’activité, ils ont recours au chômage partiel », conclut-elle. Matthieu Prévost, directeur de l’EPLEFPA Contamine-sur-Arve, « sera très attentif aux besoins de la profession, notamment en paysage et en maréchalerie, à la reprise de l’activité ».
Un statut « soutien d’entreprise »
L’école d’ingénieurs de Purpan, située à Toulouse, forme des étudiants en sciences du vivant, agriculture, agroalimentaire, marketing et management. Le 2 avril dernier, elle a créé un nouveau statut étudiant « soutien d’entreprise », destiné à valoriser et encourager la mobilisation de ses élèves auprès du monde professionnel. « Ces derniers sont censés suivre des cours et réaliser les devoirs divers que leur transmettent leurs enseignants dans le cadre de notre dispositif de continuité pédagogique », constate Éric Latgé, directeur général de l’école. « Nos échanges avec quelques-uns d’entre eux ont confirmé leur mobilisation auprès de leurs proches. Celle-ci, qui peut interférer sur le temps disponible pour leurs études, se devait d’être prise en considération dans notre accompagnement pédagogique. » Le nouveau statut, adopté jusqu’à la fin de l’année scolaire, permet ainsi de donner un cadre plus formel à une implication qui est la preuve d’un esprit solidaire que l’école souhaite encourager. « Nous avons construit ce dispositif pour structurer leur action et rappeler toutes les protections légales actuelles », détaille Didier Kleiber, directeur de l’enseignement. « C’est une manière d’encourager le soutien à une filière à laquelle nous appartenons et à laquelle nous sommes particulièrement attachés », poursuit Éric Latgé
Le CSE vote contre la suppression du Bepa
Le Conseil supérieur de l’éducation nationale (CSE) s’est prononcé le 7 avril contre la suppression des BEP (brevets d’études professionnelles), dont fait partie le Bepa, le brevet d’études professionnelles agricoles, indique-t-on au Snetap-FSU, syndicat de l’enseignement agricole public. Le CSE est une instance consultative composée de représentants du personnel (enseignants et autres professions), des parents d’élèves, des syndicats d’élèves et d’étudiants. L’Éducation nationale a prévu de supprimer les BEP dès la rentrée 2020 et le Bepa à la rentrée de 2021, ajoute le Snetap. Ce délai d’un an laissera le temps de réfléchir plus posément à une réforme du Bepa, selon le syndicat.
La DGER (Direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’Agriculture) propose que le Bepa soit transformé en une « attestation certificative », qui reste à construire, apprend-on par ailleurs à la FNSEA, qui a évoqué ce dossier lors d’un bureau national, le 8 avril. Pour avoir une vraie valeur, cette certification devra être intégrée à la future convention collective de l’agriculture, précise la FNSEA