Concilier aménagement du territoire et foncier agricole

La France a une tradition de réalisation de grands projets d'infrastructures. Cependant, l'argent public s'est fait plus rare et certains grands projets sont menacés car leur financement n'est pas assuré. C'est, selon la Cour des comptes, le cas de la ligne ferroviaire Lyon-Turin qui est « hors de portée budgétaire » d'après les termes utilisés dans un rapport publié le 29 août. Selon la haute juridiction financière, les comptes de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) sont largement dans le rouge. La différence entre les autorisations de paiement et les crédits se monte à 11,86 milliards d'euros. Même en gelant les engagements déjà pris par l'AFITF, celle-ci sera en déficit d'environ 600 millions d'euros en 2019, sauf si l'État lui trouve de nouvelles sources de financement. En plus, si le gouvernement décide de lancer de nouveaux projets, en particulier le tunnel ferroviaire Lyon-Turin et le canal Seine-Nord, ce découvert pourra se creuser jusqu'à 4,7 milliards avant 2020.
Aussi, la ligne ferroviaire Lyon-Turin fait partie de ces grands projets devenus serpent de mer. Imaginé il y a plus de 20 ans, ce projet a été soutenu par les différents gouvernements et exécutifs de la Région sans que soient apportées des solutions globales pour le financement de la totalité des 24 à 30 milliards d'euros que va coûter cette ligne de transport et de fret et à répartir entre l'Italie, la France et l'Union européenne. Avec un montant deux fois supérieur au tunnel sous la Manche, le Lyon-Turin apparaît comme difficilement finançable. Pourtant, certains travaux préparatoires ont déjà commencé pour permettre le percement du tunnel de 57 km de long dont la seule réalisation devrait coûter 9 milliards d'euros.
Des travaux perturbants
Pour l'agriculture de la région et notamment les départements du Rhône, de l'Isère et de la Savoie, l'impact du Lyon-Turin sera réel avec une superficie totale prélevée de 320 hectares qui concerne 178 exploitations selon l'étude d'impact du Lyon-Turin. Au-delà de la surface qui va changer de destination, la construction d'une ligne de chemin de fer va créer différentes situations telles que les effets de coupures : siège d'exploitation isolé d'une partie de ses terres, modification du drainage ou du réseau d'irrigation, apparition de délaissés de moins d'un hectare... Par exemple, dans les secteurs de l'Est lyonnais, de la Bourbre-Catelan et la commune de Belmont-Tramonet (Savoie) dans l'avant-pays Savoyard, l'impact de la future voie sera particulièrement fort sur les réseaux d'irrigation. D'autres communes seront très concernées par les parcelles coupées. C'est le cas de Romagnieu par exemple en Isère où 80 % des parcelles à enjeu majeur seraient coupées par le tracé. Sans compter que pendant la durée des travaux, certaines perturbations seront bien réelles pour les agriculteurs du voisinage avec la coupure de certaines voies rurales et autres chemins d'accès, rallongeant les trajets.
Le CFAL à l'horizon 2030
Autre projet d'envergure pour le trafic ferroviaire français, le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise (CFAL). Il impacte directement quatre départements : l'Ain, le Rhône, l'Isère et la Drôme. Cette ligne de chemin de fer dédiée au fret doit relier Ambérieu-en-Bugey (Ain) et Saint-Rambert-d'Albon (Drôme). Le projet du CFAL vise à éviter le nœud ferroviaire lyonnais engorgé (Part-Dieu) et permettre de diminuer le nombre de camions sur la route en connectant l'axe Paris-Lyon à l'aéroport Saint-Exupéry, au Lyon-Turin à l'est, et aux lignes du sud. Il permettra également de renforcer la desserte en train de l'aéroport. Si le tracé du CFAL nord (d'Ambérieu à Saint-Exupéry) est acté, le tracé sud (de Saint-Exupéry à Saint-Rambert-d'Albon) est toujours très contesté. D'ailleurs, au printemps 2016, le ministre des Transports a annoncé que des études complémentaires allaient être menées pour le tracé sud et seraient rendues publiques à l'été 2017. C'est le fruit de la mobilisation d'un collectif d'associations opposé au tracé actuel qui passe par le pays d'Ozon et des communes très urbanisées au sud de Lyon telles que Toussieu, Chaponnay, Corbas, Saint-Symphorien-d'Ozon. Pour l'agriculture, ce projet aura également un impact fort, sur 420 ha de terres agricoles dont 10 % à 30 % sont des délaissés. Avec ces deux grands projets d'infrastructure, Lyon deviendra un centre névralgique pour le ferroviaire et notamment le TGV. La SCNF y a d'ailleurs construit un nouveau technicentre pour la bagatelle de 247 millions d'euros. Opérationnel depuis le 6 avril, il permet d'entretenir la flotte TGV qui compte 450 rames et ne cesse de croître, pour atteindre le cap des 600 rames d'ici 2020. Environ 230 d'entre elles transitent chaque jour par Lyon.
Camille Peyrache
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