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Viticulture

Connaître son sol pour une meilleure conduite de culture

Mieux connaître son sol - type, structure, interaction avec la vigne - permet d’optimiser ses pratiques. C’est dans ce sens que les chambres d’agriculture de l’Ardèche et de la Drôme ont organisé une formation à l’analyse globale des sols, le 8 novembre au Domaine Laurent Habrard à Tain-l’Hermitage.
Connaître son sol pour une meilleure conduite de culture

«Analyser son sol est fortement recommandé pour orienter la conduite de culture, les enjeux de travail du sol, de fertilisation... », affirme Olivier Garcia, conseiller en viticulture à la chambre d'agriculture de la Drôme. Une fois faite, nul besoin de réitérer l'expérience pour au moins deux décennies, les sols évoluant peu sur le court terme.
Comment procéder ? Le premier réflexe est de faire analyser des prélèvements en laboratoire. « Idéalement, l'échantillonnage doit s'appuyer sur une quinzaine de carottages répartis sur toute la parcelle, explique Olivier Garcia. Il peut être intéressant de graduer la tarière afin de reconstituer la structure du sol. » Les analyses en laboratoire apportent de précieuses informations sur l'état des sols. Premier indicateur à observer : la granulométrie. Ce 8 novembre, « nous sommes sur un sol sableux (43 % de sable), donc avec une tendance à drainer l'eau facilement, mais également riche en limons (25 % ) et en argile (32 %) ; un bon équilibre », souligne Fabien Leduc, conseiller en viticulture à la chambre d'agriculture de l'Ardèche. Il ajoute : « L'analyse de terre n'est réalisée que sur les vingt premiers centimètres de sol, ce qui donne un aperçu tronqué et limite les conclusions à la surface ».

Vigilance sur l'excès de matière organique

Avec un pH eau supérieur à 7, nous sommes en sol calcaire. Le taux de matière organique (MO) est à 3,5 %, très confortable pour la région. Le rapport carbone/azote (C/N) s'élève à 8, indiquant que la MO se minéralise correctement. « Cela laisse présager une minéralisation de la matière organique du sol boostée en début de saison mais également de possibles problèmes de coulure, ou de mise à fruits massive n'allant pas jusqu'au bout du processus de maturation », indique Fabien Leduc. Généralement, un rapport C/N entre 10 et 14 est satisfaisant pour ce type de sol en terroir de crus.
Ici, on observe un taux de CEC(1) à 137 méq/kg, très correct pour un sol sableux, avec un bon équilibre entre phosphore et magnésium. Le taux de saturation s'élève quant à lui à 100 %, phénomène normal en sol calcaire.
Fabien Leduc résume : « Ce que nous apprend cette analyse ? Nous sommes sur sol calcaire, ce qui est courant dans le périmètre de l'Hermitage avec un contexte de loess(2). On choisira ainsi préférentiellement des cépages de type marsanne ou roussanne, plutôt que la syrah qui convient aux sols plus acides. Nous observons aussi un léger excès de MO sol, qui invite à réajuster les apports de MO (de 2 tonnes/ha lors des années précédant l'analyse), en visant des C/N autour de 20. 

Fosse pédologique : le meilleur moyen de disséquer son sol

Lorsque l'on veut étudier son sol en détail, il convient de réaliser une fosse pédologique à proximité des vignes, dans le sens du rang. « Une profondeur d'1,20 m suffit, signale Olivier Garcia. Dès que l'on creuse, il convient d'être attentif à d'éventuelles traces de tassement au niveau perpendiculaire, donnant des indices sur la vie microbienne et lombricienne. Par ailleurs, la perception d'odeurs de réduction doit alerter sur un mauvais fonctionnement du sol. »
Dès la fosse réalisée, trois grands horizons se dessinent : pour chacun, il convient d'analyser la texture, la structure, la présence de galeries de vers de terre et de racines. Le premier (15 à 25 cm), avec une couleur plus sombre (liée à la teneur en MO) est appelé horizon organique ou horizon de surface. Ici, il est riche en ramifications racinaires et présente de nombreux cailloutis ainsi que des galeries de vers, signe que le sol est aéré et drainant. « La terre est assez collante mais a du mal à garder une forme structurée, analyse Fabien Leduc. Elle est formée d'un assemblage de particules minérales et organiques et se travaille facilement : on est bien là face à un sol sableux et argileux. »
En descendant (de 25 à 30 cm), la terre présente une couleur orangée, témoignant de la présence de fer oxydé : c'est le deuxième horizon, dit sous-sol. Moins organique, il présente une structure plus prismatique. On y observe quelques galeries ainsi que le passage de racines, qui libèrent des acides organiques et amènent de la vie microbienne à la verticale. La présence de galets roulés issus de transport alluvial et sans doute colluvionnaire ensuite participe par ailleurs à l'aération du sol.
Le troisième horizon ou « substrat » (plus de 30 cm), est le plus proche de la roche-mère et celui qui a subi le moins d'altération. Tirant vers le beige, la terre présente ici une matrice plus sableuse et limoneuse. Un test à l'acide chlorhydrique permet de confirmer une présence importante de calcaire. « Cela nous indique que des porte-greffe résistants au calcaire sont d'usage sur cette parcelle, souligne Fabien Leduc. La teneur en calcaire va croissant de l'horizon supérieur vers l'horizon inférieur. » On y trouve en effet de nombreux petits cailloutis, une terre plus compactée et quasiment aucune racine. Enfin, de la recristallisation calcaire en bancs indique un contexte chimique problématique pour la vigne et renforce l'argument de l'ouverture d'une fosse avant plantation ; l'analyse de terre superficielle seule aurait négligé le fonctionnement du sous-sol. 
Mylène Coste
(1) Capacité d'échange cationique, soit la quantité de charge cationique retenue par la charge négative du système absorbant et susceptible d'être échangée de façon irréversible.
(2) Roche sédimentaire détritique meuble formée par l'accumulation de limons issus de l'érosion éolienne.

 

Une trentaine de professionnels ont participé à la formation « Mieux connaître son sol » à Tain-l’Hermitage, organisée par les chambres d’agriculture de l’Ardèche et de la Drôme.

 

Sols viticoles / Observer la flore !

L’observation des plantes en surface peut également apporter des indications précieuses au sujet de l’état des sols. Sur la parcelle témoin de ce 8 novembre, on trouve de nombreuses plantes bio-indicatrices, notamment des cirsium. Sa présence peut signifier une saturation du complexe argilo-humique (CAH) par un pH trop élevé, ou encore un excès de matière organique, d’engrais azotés ou d’épandage de fumiers non compostés. On trouve également du poireau sauvage, dans une certaine cohérence puisqu’il peut indiquer un manque ou un lessivage de la potasse dans le sol. On observe aussi du calendula, hors paillage, ainsi que du liseron, capable de pénétrer dans le mulch, manifestant un excès d’azote dans le sol. De même, la présence de mauve indique un engorgement en azote et qui peut être imputé à un excès de matière organique. 

Paillage et apport en matière organique : quel équilibre ?

Conjuguer paillage et apport en matière organique n’est pas toujours facile, comme ont pu l’observer les participants à la formation « Mieux connaître son sol en viticulture » du 8 novembre à Tain-l’Hermitage. Une trentaine de personnes étaient réunies, le 8 novembre dernier, sur une parcelle du Domaine Laurent Habrard pour la formation « Mieux connaître son sol » organisée par les chambres d’agriculture de l’Ardèche et de la Drôme. Plantées dans les années 1970, les vignes sont conduites en bio depuis 2008. La parcelle est travaillée au cheval, hormis la terrasse du haut, paillée au miscanthus sur plus de 500 m2 depuis 2018 (environ 45 m3 de paillage). « Il s’agit d’un test, sur cette parcelle en haut de coteau qui a du mal à produire, indique le chef de culture. L’objectif est d’éviter le travail des sols en étouffant l’herbe mais aussi d’éviter les problèmes de stress hydrique en contenant l’évaporation. » Cependant, avec le léger déséquilibre C/N révélé par l’analyse du sol (à 8, avec un taux de MO à 3,5 %), une question s’impose : faut-il apporter davantage d’engrais, avec le risque qu’il ne soit absorbé par le miscanthus sans alimenter le sol ? « Il faut essayer d’amender au plus tôt pour optimiser les chances de dégradation et trouver les apports qui puissent se dégrader sans être absorbés par le miscanthus », souligne Olivier Garcia, conseiller en viticulture à la chambre d’agriculture de la Drôme.