Contrôle du mildiou en bio : les essais se poursuivent en Drôme
En viticulture biologique, trouver des alternatives au cuivre face au mildiou est un enjeu majeur. Agribiodrôme, le Grab et la cave Jaillance travaillent en collaboration sur ce sujet.

En 2021, alors que la pression mildiou était très forte sur le territoire, le groupe de recherche en agriculture biologique (Grab) et l’association Agribiodrôme ont suivi trois parcelles chez des viticulteurs de la vallée de la Drôme. Objectif : identifier des préparations naturelles qui, associées au cuivre, pourraient permettre d’en réduire les doses tout en limitant les dégâts de mildiou sur feuilles et grappes. Chaque viticulteur a cependant adopté des modalités différentes. Deux avaient ciblé l’essai sur des vignes en production, avec des doses de cuivre réduites à savoir 1,45 kg / ha en neuf passages pour le premier, 2,33 kg / ha en dix passages pour le second. Chacun a conduit une partie de sa parcelle uniquement avec du cuivre, tandis que sur l’autre partie était appliquée la même dose de cuivre mais associée à des extraits de plantes. La parcelle à 1,45 kg / ha a reçu décoction de prêle, infusion d’achillée, de reine des prés, extraits fermentés de fougère, d’ortie, de laminaire, de consoude, entre autres. Celle à 2,33 kg / ha a bénéficié d’un extrait de prêle pour neuf des dix passages. Un troisième viticulteur a souhaité engager dans l’essai une jeune plantation sur laquelle il a conduit une modalité cuivre seul, soit 1 kg / ha de cuivre en dix passages et une modalité à doses identiques de cuivre mais associées à un extrait de plantes (extrait fermenté d’ortie, de consoude ou décoction de bourdaine selon les passages).
Résultats encourageants en 2021
Le suivi des dégâts sur feuilles et grappes a permis au Grab et à Agribiodrôme de dégager des conclusions encourageantes. « Sur les trois parcelles du réseau d’essais, dans les conditions de pression de contamination élevée - 505 mm de précipitations de mai à septembre et 24 à 47 % de grappes présentant des dégâts dans la modalité cuivre seul -, l’ajout des préparations à base de plantes a permis de réduire significativement l’intensité et la fréquence des dégâts de mildiou sur feuilles et grappes en fin de saison », annoncent-ils.
Julia Wright, référente viticulture à Agribiodrôme insiste : « Nous sommes bien ici dans une logique “système“, il ne s’agit pas de préconiser de substituer le cuivre par une autre substance. Mais ces résultats peuvent être une source d’inspiration pour d’autres viticulteurs en recherche de solutions alternatives ». En 2019 et 2020, des essais avaient déjà été menés chez ces mêmes viticulteurs, avec d’autres substances, mais n’avaient pas permis de dégager de résultats significatifs en raison d’une pression mildiou insuffisante.
Programme régional d’essais
Ces expérimentations s’intègrent dans un programme plus vaste, financé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes (dans le cadre du dispositif Pepit*) et le Territoire d’innovation Biovallée. Ce programme, baptisé « réseau d’essais pour le contrôle du mildiou et du black rot », associe le Grab, Agribiodrôme, la cave Jaillance et l’Adabio (association pour le développement de l’agriculture biologique en Savoie, Haute-Savoie, Isère et Ain). Deux parcelles expérimentales sont notamment suivies, l’une à Espenel dans la vallée de la Drôme, l’autre à Chignin en Savoie.
« Ce que l’on peut retenir pour l’instant de ces différents travaux, c’est que trois substances, testées à la fois sur la parcelle expérimentale d’Espenel et chez des viticulteurs, semblent se démarquer : le fructose, la prêle des champs et le savon noir (lire ci-dessous) », résume Julia Wright. L’idée est donc de continuer à explorer comment les associer à une stratégie globale de réduction des doses de cuivre. « Mais attention, avertit la conseillère, cette stratégie passe d’abord par un réglage optimal du pulvérisateur et par la capacité à être hyper réactif vis-à-vis des conditions météo. » Réduire fortement les doses de cuivre demeure une véritable prise de risque, reconnaît l’un des viticulteurs drômois engagé dans le programme.
Les essais vont se poursuivre en 2022, notamment sur la parcelle expérimentale d’Espenel (muscat) où seront testés plus particulièrement la décoction de prêle, un extrait de saule et des produits stimulateurs de défense des plantes. Pour mémoire, en 2013, la cave Jaillance a financé sur cette parcelle une station de brumisation pour optimiser l’expression du mildiou, ceci afin de pouvoir tester l’efficacité des différentes substances en situation de pression satisfaisante.
Sophie Sabot
* Pepit : Pôle d'expérimentations agricoles partenariales pour l'innovation et le transfert aux agriculteurs d'Auvergne-Rhône-Alpes.

Un projet national sur les stratégies « bas intrant cuivre »
Dans le cadre du plan Ecophyto II, a été lancé en 2019 le projet BasIC pour « bas intrant cuivre ». Ce projet associe notamment la Fnab, l’Itab et des associations régionales dont la Frab Aura. Agribiodrôme a participé à ce vaste programme triennal dont les objectifs sont, entre autres, d’identifier les leviers des systèmes faiblement consommateurs de cuivre en agriculture biologique. Cinq viticulteurs drômois ont été enquêtés sur leurs pratiques. Les résultats de ce projet national seront diffusés dans les prochains mois.
Ce qui est autorisé en viticulture

Pour l’instant, parmi les substances de base autorisées en viticulture et ciblant le mildiou, on peut citer la prêle, le purin d’ortie, l’écorce de saule, le fructose. Le savon noir fait actuellement l’objet d’une étude par la Commission européenne.