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Élevage laitier

Convertir en bio un système robot de traite en zéro pâturage, c’est possible

Le cahier des charges en agriculture biologique impose un accès à une zone de pâture. Pour les fermes équipées d’un robot de traite, qui ont tendance à pratiquer le zéro pâturage, cela paraît souvent être incompatible avec un système en bio. Le témoignage de Nicolas Roybin, éleveur laitier au Gaec de la Goula en Isère, permet de montrer une évolution possible.
Convertir en bio un système robot de traite en zéro pâturage, c’est possible

Au sein de votre Gaec, vous avez souhaité développer l'autonomie alimentaire et valoriser les ressources fourragères produites sur la ferme. Suite à votre conversion en bio, il a fallu faire pâturer les vaches laitières. Quel pâturage avez-vous mis en place ?
Nicolas Roybin : « Lorsque nous avons décidé de passer en bio, un éleveur voisin nous a parlé du pâturage tournant dynamique. Cette technique permet d'obtenir une herbe plus riche et plus tendre, car les vaches changent de pâture tous les jours. Nous nous sommes dit que cela permettrait d'inciter les vaches à consommer de l'herbe plus facilement. »

 

Quels ajustements ont été faits ?
N. R : « Nous avons implanté 22 ha de prairie temporaire (dactyle, fétuque rouge, fléole, pâturin des près, ray gras anglais, trèfle blanc et trèfle violet) autour du bâtiment. Nous avons bloqué le distributeur d'alimentation qui fonctionnait avant 24 h/24 h. Aujourd'hui, il distribue de 8 h à 15 h et de 19 h à 1 h. Cela incite les vaches à sortir. Nous ne savions pas comment elles allaient réagir au pâturage, nous avons décidé de garder une disponibilité de l'aliment tout de même importante par peur de voir la production chuter. »

 

Quels ont été les freins à la mise en place du pâturage ?
N. R : « Nous avons dû faire des sacrifices et échanger des bonnes terres contre de moins bonnes pour avoir un bloc de pâture suffisant autour du bâtiment. Nous pensions que le chemin rural goudronné était un problème. Les vaches ont accès au robot de traite toute la journée, il fallait trouver un moyen pour qu'elles puissent traverser. Nous avons mis en place un passage canadien au fil. Le coût de fourniture s'élève à 300 euros et nous nous sommes couverts en demandant un arrêté à la mairie autorisant la traversée du troupeau. »

 

Et le robot de traite ?
N. R : « Nous n'avons pas rencontré de problème de ce côté. C'est là où est distribué le concentré, donc elles n'ont pas de mal à y aller. Avec le pâturage, nous avons une moyenne de 2,7 traites et 1,7 refus, il y a donc une bonne circulation.  Le robot était un frein dans la mesure où c'est un investissement conséquent, on doit repenser notre système avec la crainte de ne pas être rentable. Le plus dur, c'était psychologiquement mais grâce aux différentes rencontres avec des éleveurs bio nous avons été rassurés. »

 

Comment avez-vous calculé le chargement ?
N. R : « Nous sommes partis des besoins totaux en herbe pour le troupeau que nous avons divisé par la valeur théorique de disponibilité de l'herbe par jour. Nous avons obtenu un besoin de 70 ares par jour pour les 90 vaches en lactation lors de la période automnale. Le troupeau reste 24 h par paddock. Nous avons 18 ha accessibles pour le pâturage des VL l'automne et le printemps, divisés en 23 paddocks de 70 ares (il y a également des chemins d'accès de 8 m de large pour éviter de passer sur les surfaces déjà pâturées). Nous avons 4 ha supplémentaires pour l'été. Soit 20 ares/VL l'été et 17 ares/VL le printemps et l'automne. Nous avons la possibilité d'implanter d'autres prairies autour du bâtiment si besoin. »

 

Quel est le délai de retour sur les paddocks ?
N. R : « Nous ne respectons pas un ordre précis, nous regardons le niveau de la pousse de l'herbe, en choisissant le paddock où l'herbe est la plus haute. »

 

Vous parlez d'autonomie, en plus du pâturage qu'avez-vous changé ?
N. R : « Nous avons fait du méteil grain, cela nous permet d'apporter de la protéine à la ration (70 % de pois obtenu). Et nous allons transformer notre propre soja avec des prestataires, par extrusion puis toastage. La recherche d'autonomie, c'est une autre réflexion à avoir mais, quand on voit les économies que l'on fait, on a envie de continuer. Le passage en bio permet une meilleure valorisation du lait. Mais, grâce à cette conversion, on a surtout revu notre façon de penser. Avec 17 ares/VL, soit 20 % de la ration, une meilleure optimisation du pâturage pourrait être faite, en diminuant les concentrés, en augmentant la surface pâturée puis en faisant en sorte d'attendre le stade 3 feuilles de l'herbe avant d'entrer dans les paddocks. La vente du maïs et du soja pourrait compenser la diminution de la production laitière. » 

 

Consulter le schéma de mise en place de la conversion de l’élevage en bio

 

Propos recueillis par Amandine Clément, AdaBio (Frab Aura)