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Lait

Coopératives laitières et fromageries ont su faire face à la crise

Alors que la période de confinement a pris fin le 11 mai dernier, l’activité redémarre progressivement. Au sein des fromageries et des coopératives laitières de la Drôme, la crise sanitaire a été plutôt bien gérée. Tour d’horizon.
Coopératives laitières et fromageries ont su faire face à la crise

Partout dans le monde, la filière laitière semble avoir souffert de la pandémie, certains éleveurs ayant été obligés de jeter leur lait afin que le marché n’implose pas. En revanche, dans la Drôme, la situation laisse croire que la crise sanitaire n’a pas vraiment laissé de trace sur son passage. La coopérative Vercors Lait, par exemple, dont le siège social est situé à Villard-de-Lans (38), couvre trente-quatre exploitations de l’Isère et de la Drôme : « Nous avons assumé le rôle de protection que nécessite d’avoir une coopérative, assure Philippe Guillioud, le directeur. Nous avons maintenu la collecte ainsi que les prix. Les producteurs de Vercors Lait n’ont aucunement souffert de la situation », ajoute-t-il. Avec des prix moyens à 380 €/1 000 l et jusqu’à 470 € en bio, la coopérative a tenu son rang. Dès le 17 mars, début du confinement, Vercors Lait a modifié ses stratégies de fabrication et augmenté, par ce biais-là, le tonnage de fromages de garde. « Nous avons fabriqué plus de 2 500 meules de gruyère, ce qui nous a permis de ne pas jeter de lait », note Philippe Guillioud.

Aucun litre de lait jeté

Pour autant, le directeur ne s’attend pas à une année faste : « Le bilan économique sera forcément catastrophique, avec une baisse de consommation des fromages et notamment ceux d’appellation (AOP) qui sont en chute libre. Le Bleu du Vercors a souffert de l’absence de consommateurs dans les rayons à la coupe des supermarchés. Les habitudes de consommation ont changé. D’autre part, étant fermés, les restaurateurs n’ont pas pu proposer de planche de fromages », regrette-t-il. Avec des inquiétudes, aussi légitimes soient-elles pour l’avenir, le directeur de Vercors Lait ressent toutefois une certaine reprise d’activité. « Il faut rester prudent pour les mois à venir », assure-t-il, alors qu’il salue le travail remarquable de ces trente-deux salariés durant cette période si particulière.
Du côté d’Eurial, coopérative basée à Crest, les deux mois de crise ont également été franchis sans trop de dégâts : « En toute transparence, nous nous en sommes plutôt très bien sortis. Nous n’avons pas connu d’arrêt de production sur site, au contraire. Au vu de certaines commandes importantes, nous avons dû réorganiser notre travail et passer de 2x8 aux 3x8. Les volumes de fabrication, ainsi que le nombre d’intérimaires ont fortement augmenté », explique Aurélie Houel, directrice. Malgré tout, les consignes sanitaires ont été faciles à mettre en place : « En termes de protection, le fait que nous sommes une entreprise agroalimentaire nous a beaucoup aidé. L’hygiène est notre crédo, notre objectif numéro un. Nous avons simplement rajouté le port du masque pour la centaine d’employés présente sur le site ».

Un surplus de commandes important

La coopérative crestoise concentre sa fabrication sur deux produits phares : le Picodon et le fromage pané. « Avec l’arrêt des commandes de la restauration et des collectivités, les trois premières semaines de confinement ont entraîné une chute importante dans les ventes de fromages, et notamment le picodon avec une baisse de 50 % des volumes, par rapport à des semaines “normales”. Pour autant, nous avons connu une très bonne surprise dès le mois d’avril avec des ventes intéressantes dans les grandes et moyennes surfaces (GMS), constate la directrice. Les ventes en GMS ont compensé celles perdues en restauration hors domicile (RHD). Les chiffres consolidés à fin mai montrent que nous sommes à + 1 % de volumes produits en cumul depuis le début de l’année par rapport à fin mai 2019, donc nous avons passé la crise “comme si nous n’en avions pas eu”. »
Une aubaine pour l’établissement qui a vu également son deuxième produit phare, le fromage pané, monter en flèche. « Nos ventes en GMS ont explosé sur notre traditionnel chèvre chaud, avec une hausse de production de 40 % par rapport à la même période en 2019. Nous n’en avions jamais produit autant ! », se satisfait-elle. Avant d’ajouter : « En global, sur l’ensemble des volumes de l’usine - les deux principaux cités ci-dessus mais aussi d’autres petites gammes - nous avons produit en tout, à fin mai 2020, 34 % de plus qu’à fin mai 2019. »
Ce surplus de commandes a permis de collecter l’ensemble du lait produit  par les quatre-vingt producteurs, sans perte aucune. « Nous avons rapidement pu rassurer nos producteurs sur le fait que nous travaillions tous ensemble, main dans la main, et que tous les contrats seraient honorés. La période a été difficile et les challenges nombreux à relever mais je suis fière d’avoir vu mes équipes mobilisées et en poste pour faire en sorte que cette crise sanitaire ne se soit pas accompagnée d’une crise alimentaire », confie la directrice de l’usine.
Pour l’avenir, Aurélie Houel se montre plutôt optimiste : « Avec le déconfinement, je m’attendais à voir une baisse d’activité. Pour autant, les commandes sont toujours élevées et je ne vois pas arriver les prémices d’un ralentissement. Avec cette crise sanitaire, nous avons touché de nouveaux consommateurs. Reste à savoir s’ils continueront d’acheter nos produits. L’avenir nous le dira .» 
Amandine Priolet

 

Tant dans les fromageries que dans les coopératives laitières, l’activité n’a pas faibli pendant la crise sanitaire. Bien au contraire.

Crise sanitaire / Les fromageries ont répondu présentes

A Saint-Michel-sur-Savasse, l’activité de la Maison Cardot n’a pas faibli. Catherine Reynaud, la gérante, a l’habitude de travailler en direct avec les circuits courts et sur le marché de Saint-Donat. Ce dernier, positionné sur un grand parking, n’a jamais été fermé durant la crise sanitaire, grâce à une dérogation demandée par la municipalité. « J’ai également eu la chance que les primeurs avec lesquels je travaille se soient lancés dans des systèmes de paniers et de livraisons. Cela m’a aussi permis de vendre ma production », raconte-t-elle. Pour autant, la fréquentation à la fromagerie n’a jamais ralenti, bien au contraire : « Les gens étaient complètement fous de nourriture et ont fait des stocks importants… Par exemple, ma vente de yaourts a augmenté de 40 % sur le mois d’avril et de 15 % en mai. Par ailleurs, je n’ai jamais fabriqué autant de faisselles de ma vie (rires). On devrait toutefois revenir sur une commercialisation normale en juin ».
La Maison Cardot n’a pas été impactée par la fermeture des cafés, hôtels restaurants (CHR) ni des établissements scolaires : « Je ne travaille ni avec la restauration et les grossistes, ni avec les scolaires. Je n’ai donc pas souffert de cette crise. Et, contrairement à certains de mes collègues, je m’en suis plutôt bien sortie », avoue Catherine Reynaud.
Une concurrence de plus en plus accrue ?
Pour les mois à venir, elle ne sait pas vraiment à quoi s’attendre : « Depuis le déconfinement, 50 % de nos nouveaux clients ne viennent plus. On espère toutefois en garder 20 %. Par ailleurs, les touristes ne sont pas encore arrivés et il est difficile d’imaginer comment va se dérouler l’été. Je crains davantage la période de septembre-octobre, qui définira vraiment si nous sommes en crise ou non. D’ici là, je m’attends à des mois relativement corrects », espère-t-elle.
Pour la Fromagerie de la Drôme, implantée à Aouste-sur-Sye, l’objectif premier était d’assurer la santé des salariés et collaborateurs. Ce premier objectif rempli, l’entité a pu poursuivre sa production de Picodons et de fromages de chèvre sans embûche. « Nous avons continué à fournir les grandes surfaces, avec des commandes en légère progression lors de la période de confinement. Les fromages en grand format (500 g) ont été très prisés par les consommateurs. En revanche, nous avons dû faire face à une coupure nette des commandes provenant des grossistes en restauration collective », explique Nicolas Joubert, le directeur. Une faible augmentation d’un côté, couplé à un manque à gagner d’un autre, de quoi dresser un bilan « neutre » de cette crise. Pour autant, le directeur s’attend au revers de la médaille : la crise économique. « Il faut anticiper cette crise et se battre pour être présents dans les rayons. La concurrence va être encore plus dure que d’ordinaire ». Le service commercial sera donc à pied d’œuvre pour promouvoir les produits de la Fromagerie de la Drôme et leur offrir une place de choix dans les rayons des supermarchés.          
A. P.