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Vitiviniculture

Coopératives viticoles : la crise de trop ?

L’impact de la crise sanitaire sur la filière viticole n’est plus à démontrer. Le secteur du vin, déjà fragilisé par les taxes Trump, se trouve en grande difficulté. Les coopératives viticoles de la Drôme, touchées de plein fouet par le confinement, espèrent sortir la tête de l’eau rapidement.

Coopératives viticoles :  la crise de trop ?

«Il est encore trop tôt pour dresser un bilan de cette crise sanitaire », avoue Jacques Alloncle, président de la cave de Tain, à Tain-l'Hermitage. Si la fréquentation du caveau est de nouveau d'environ 50 % depuis le 11 mai, celui-ci a longtemps été dépourvu de tout visiteur. « Avec le confinement relativement sévère, l'ensemble des employés du caveau est allé travailler dans les vignes. Ils sont désormais armés pour répondre à toute question que pourront se poser les visiteurs », apprécie le président. L'arrêt de la commercialisation en caves a toutefois été compensé par les commandes des grandes et moyennes surfaces (GMS) : « Nous avons la chance d'être présents en GMS, ce qui nous a permis d'alimenter notre chiffre d'affaires. En revanche, il faudra analyser ces chiffres sur trois ou quatre mois, en fonction de l'évolution de la crise. Aujourd'hui, il est encore trop tôt pour se prononcer », prévient Jacques Alloncle. La clôture du bilan au 31 juillet 2020 sera donc déterminante. En attendant, le président de la cave de Tain espère le retour des touristes dans un avenir proche : « La région Auvergne-Rhône-Alpes est d'ordinaire très visitée. Il reste désormais à voir le comportement de l'Etat vis-à-vis de la réouverture des frontières ».

« Il est encore trop tôt pour dresser un bilan de cette crise sanitaire », avoue Jacques Alloncle, président de la Cave de Tain, à Tain-l’Hermitage.

Un manque de recul

Du côté du Cellier des Dauphins, situé à Tulette, là aussi aucun estimatif de perte n'a été dévoilé. « Nous sommes en retrait par rapport au budget prévisionnel mais cela est encore compliqué de savoir s'il faut, ou non, l'attribuer exclusivement à ce contexte de crise sanitaire », prévient Christophe Charransol, le président. Présent sur tout le territoire national, le Cellier des Dauphins a cependant plutôt bien résisté à la crise, grâce aux commandes continues exercées par les enseignes de la grande distribution. « Les GMS ont bien travaillé pendant le confinement, ce qui nous a sauvés. La marque "Cellier des Dauphins" et les marques distributeurs sont reconnues », avoue-t-il. En revanche, le point noir provient de l'export et de la fermeture des cafés, hôtels, restaurants (CHR), « au point mort ».
Quant à la reprise d'activité, Christophe Charransol estime que l'Union des vignerons des Côtes-du-Rhône retrouve peu à peu un rythme un peu plus soutenu, avec le retour de quelques clients importants de la restauration collective. « Nous espérons sortir la tête de l'eau assez rapidement. De là à dire que nous allons retrouver une activité normale, c'est difficile à dire », prévient-il.
La société coopérative agricole du Nyonsais / Vignolis a également subi la crise de plein fouet. La commercialisation des vins, durant la période de confinement, a nettement diminué : « Les ventes de vins en bouteilles et Bag-in-box (Bib) ont chuté de 35 % sur la période de mars à fin mai, avec des disparités selon les contenants : - 40 % pour les bouteilles, - 25 % pour les Bib de 3 à 5 l, et de - 50 % pour les Bib de 10 l », explique Anne Laurent, directrice générale.

« Nous espérons sortir la tête de l’eau assez rapidement. De là à dire que nous allons retrouver une activité normale, c’est difficile à dire », prévient Christophe Charransol, président.du Cellier des Dauphins.

Des disparités de ventes

Des dissemblances qui s'expliquent par une régression des ventes sur les réseaux grossistes, CHR, caveaux, etc. Celle-ci se voit toutefois atténuée par un développement des ventes sur d'autres circuits de distribution en Bib, vins conventionnels et biologiques : « En grande distribution et sur internet, les volumes commandés ont doublé ; en épicerie fine, le volume a augmenté de 20 %, sur tous les formats hors Bib 10 l », poursuit la directrice. Ainsi, pour l'activité « vin vrac », la coopérative nyonsaise est en avance par rapport à la même période 2019. « Nos clients négociants avaient plus de demandes de la part des GMS qui travaillent à flux tendus », conclut-elle.
Ainsi touchée, l'ensemble de la filière viticole est sensible aux mesures de soutien aux vignerons et viticulteurs annoncées par le gouvernement le 3 juin dernier, lui promettant une enveloppe de 170 millions d'euros (voir notre édition du 11 juin) pour assurer au secteur la stabilité du marché et la poursuite de l'activité. 

Durant la période de confinement, les ventes de vin ont nettement diminué, indique Anne Laurent, directrice générale de Vignolis. Mais la baisse a été atténuée par un développement sur d’autres circuits de distribution.
Amandine Priolet

 

Cave de Die Jaillance : entre inquiétudes et soulagement

«C’est un coup de massue supplémentaire, une situation que nous n’avions jamais connue… », raconte Olivier Rey, président de la cave Die Jaillance. Le groupe, qui produit essentiellement des effervescents, a connu la plus grosse baisse de consommation pendant cette période. « Ce sont avant tout des vins de convivialité, que l’on déguste en groupes ou lors de certaines occasions. Le confinement a mis à mal notre commercialisation, contrairement peut-être à d’autres vins. »
Malgré le fonctionnement du secteur de la grande distribution et de l’export, une baisse de 40 % a été relevée. « Depuis le début de l’année, en rapport avec l’année N-1, nous avons cumulé 25 % de baisse sur les volumes commercialisés », avoue Olivier Rey. Avant d’ajouter : « 2019 avait déjà été meilleure que 2018 et on prévoyait une année intéressante en 2020. C’était sans compter l’effet Covid-19. Sauf miracle, nous devrons composer avec une baisse des volumes et du chiffre d’affaires. Il faut regarder les choses en face : 2020 aura donc des conséquences sur les revenus des vignerons en 2021 ».
Inquiet, le président l’est aussi au sujet de la fréquentation touristique cet été, et l’absence probable des touristes étrangers, forts consommateurs. « C’est compliqué d’imaginer l’avenir, c’est encore trop tôt pour y voir clair », relève-t-il.
Dans ces heures sombres, les viticulteurs de Die Jaillance ont toutefois reçu une bonne nouvelle le 27 mai dernier avec la proposition de loi relative à la transparence de l’information sur les produits agricole et alimentaire (lire notre édition du 4 juin). Ce texte abroge, de fait, la loi de 1957 qui créait l’appellation « Clairette de Die » et dont le maintien freinait l’évolution de celle-ci. « Cela nous donne de l’espoir. Même si nous attendons le décret officiel, il nous sera désormais possible de vinifier autre chose que la Clairette de Die et de proposer de nouvelles cuvées », se satisfait le président. 
A. P.
« Il faut regarder les choses en face : 2020 aura donc des conséquences sur les revenus des vignerons en 2021 », pressent Olivier Rey, président de la cave Die Jaillance.