Côtes-du-Rhône : dans l'expectative

Le syndicat des Côtes-du-Rhône s'est réuni en assemblée générale début juillet à Roquemaure (30). Premier thème à occuper les débats, l'affaire Raphaël Michel. En effet, le 29 juin, le directeur de la société, Guillaume Ryckwaert, a été mis en examen pour tromperie et escroquerie, notamment pour une suspicion de transformation de vin en vin d'appellation. Le syndicat s'interroge sur les possibles conséquences pour les viticulteurs travaillant avec ce négociant. Il s'est d'ailleurs porté partie civile, ce qui lui permettra notamment d'avoir accès au dossier. Avec cette affaire, se pose la question des suivis économiques : « Nous vendons du vin au négoce ; nous connaissons nos volumes, mais après on ne sait pas ce qui se passe ». Dans d'autres régions, les négociants jouent le jeu et transmettent leurs données à l'interprofession. « Aujourd'hui, 65 % des volumes sont faits par le négoce. Il faut que les deux jouent le jeu », poursuit Philippe Pellaton.
Eviter les sur-contrôles
L'assemblée s'est poursuivie par une présentation de Biljana Arsic, responsable du service technique du syndicat, sur les contrôles internes réalisés au vignoble. Objectif pour chaque campagne : prospecter 16 % du vignoble et 100 % des constats de manquement. En 2016, 1 150 exploitations ont été auditées, la plus petite ne comptant que trois ares. Ce fut ensuite aux douanes de présenter leur travail de contrôles. « Nous intervenons sur trois points : le parcellaire, la production d'alcool et la fiscalité, explique Joséphine Lefoulon-Maymard, des douanes de Lyon. Et je peux vous assurer que nous surveillons avec attention les vins sans indication en provenance d'Espagne ou d'Italie, en ciblant les volumes les plus importants. » En ce qui concerne le parcellaire, depuis 2013, « nous avons mis en place une normalisation des contrôles au service des douanes », ajoute-t-elle. Aussi, si une parcelle est visiblement entièrement plantée (pas de bois sur la parcelle par exemple), il n'y aura d'arpentage qu'en cas de doute (notamment s'il y a un écart entre la superficie encépagée et la déclaration de récolte). Mais il n'y a pas d'arpentage systématique. L'idée est de relâcher la pression sur les producteurs, en partant du principe que la bonne foi est admise. Ceci n'empêche pas que « le NCVI (nouveau casier viticole informatisé), qui permet de dématérialiser les déclarations, soit fiabilisé à 98 % ». Pour les erreurs restantes, « le CVI n'est pas issu du cadastre mais des déclarations des producteurs. Vous êtes donc responsables des erreurs. Il est important qu'il soit bien à jour car il est connecté avec Vitiplantation, l'outil de FranceAgriMer, de la DGCCRF, de l'INAO... », indique Joséphine Lefoulon-Maymard Les dossiers en contentieux sont ensuite discutés au cas par cas, avec des représentants du syndicat. « Nous sommes là pour travailler ensemble. Nous pouvons trouver des compromis et nous adapter aux situations [...] mais nous avons aussi des comptes à rendre à l'Europe sur la qualité des contrôles. »
Défense des vignerons à Bruxelles
L'Europe, c'est justement le thème qu'avait à charge de traiter le directeur de la Cnaoc (confédération nationale des appellations viticoles), Pascal Bobillier-Monnot, qui, a-t-on appris depuis, devient directeur de l'Assemblée des régions européennes viticoles (Arev - rassemblant professionnels de la viticulture et élus de régions européennes). Puisant dans son expérience, il a expliqué tous les enjeux de la défense des intérêts viticoles à Bruxelles (affaire du rosé coupé, extension des noms de domaines d'internet comme « .vin » et « .wine »). Il souligne notamment l'intérêt de se rallier la presse, pour défendre des idées, comme ce fut le cas entre autres pour le rosé, en pleine période électorale. Avec le Brexit, il y a fort à parier que le budget agricole soit revu à la baisse. Dans ce contexte, il semble souhaitable que le syndicat majoritaire et les syndicats viticoles s'entendent sur la question, afin d'éviter de déshabiller Paul pour habiller Pierre « car souvent le vin est la variable d'ajustement de la politique agricole ». Il a également présenté les différentes instances, comme le Parlement, qui est un co-décideur, mais ne peut pas être initiateur et est souvent en tension avec la Commission européenne. Quant au Copa-Cogeca, financé par la FNSEA et la coopération, il n'a comme effectif que 0,75 salarié et représente 100 organisations, avec des décisions qui doivent se prendre à l'unanimité : « Il est donc représentatif mais a un pouvoir décisionnel faible ». Tout un ensemble de mécanismes et de systèmes de lobbying, que la filière ne peut pas négliger...
Magali Sagnes
Données economiques / Une campagne vrac dynamique
Par rapport à la précédente campagne, la vendange 2016 affiche une progression de 73 000 hectolitres (hl) en rouge, une diminution de 10 000 hl en rosé et 4 000 en blanc, rappelle Dominique Toilon (service économique d’Inter Rhône). Le cumul des sorties de chai à avril affiche un repli de 3 %. « La campagne vrac est dynamique et rattrape son retard. » Les transactions en juin reculent de 4 %, avec un prix moyen de 138,30 euros/hl en rouge. Les volumes se maintiennent et l’on ne constate que 5 % négociés à moins de 120 euros/hl (au lieu de 0,5 % sur la dernière campagne). « Ce qui est important, ce sont les tranches de prix, note le secrétaire général du syndicat, Denis Guthmuller. On remarque qu’il y a quelques marchés très bas, en dessous de 120 euros/hl, mais c’est très ponctuel. » Les prix du rosé se maintiennent mais les volumes reculent de 12 %. Le blanc est en progression (+ 4 %) à 162 euros/hl (au lieu de 166). Les côtes-du-rhône sans nom de commune affichent une baisse de 11 % sur les sorties de chais ; et les CDR villages avec nom géographique sont en recul de 3 % (- 8 % sur le vrac et + 2 % sur le conditionné).Quant au marché des vins bio, « il est plutôt dynamique, porté par un marché national lui aussi dynamique (+ 15 % par rapport à l’an passé). Et le vin bio s’exporte bien (+ 20 %) », commente Denis Guthmuller. En côtes-du-rhône bio, les volumes en transaction sont passés de 50 000 à 70 000 hl, avec une croissance en GMS*, surtout pour le rouge.
Cette année, les rendements s’annoncent pour l’instant au niveau des années précédentes. « Nous proposons donc un maintien des rendements au niveau du cahier des charges pour tous les segments, indique Philippe Pellaton. Et le VCI** pourra être proposé en rouge en fonction de la qualité de la récolte. » n
* GMS : grandes et moyennes surfaces (supermarchés, hypermarchés).
** VCI : volume complémentaire individuel.