Côtes-du-Rhône : viser le rebond

Pas de Roland Garros cette année en raison de la pandémie de Covid-19, mais les vignerons et négoces de la Vallée du Rhône se voient bien inspirés des tactiques des joueurs de tennis. Pour sortir des difficultés économiques qui en découlent, ils se veulent concentrés et agiles, pour saisir la balle au bond.
« C'est une crise sanitaire, pas économique. L'économie s'est mise au ralenti mais les marchés restent intacts. Voilà pourquoi Inter Rhône a travaillé son plan de rebond. Le gouvernement doit nous soutenir afin que nous mettions en place des actions innovantes sur le marché », déclare le président, Michel Chapoutier, en conférence de presse à la Maison des vins à Avignon, le 4 juin. Il faut dire que l'« affaire Airbus » est difficile à digérer pour la filière viticole, qui a le sentiment de payer les pots cassés du gouvernement (retoqué par le tribunal de l'OMC), alors même que ce secteur passe au premier plan économique du pays, devant l'aéronautique.
Voir le vin à moitié plein... de Côtes-du-Rhône ! Voilà le regard que porte l'interprofession sur « le monde d'après ». Car la crise est conjoncturelle, selon Michel Chapoutier. « De nombreuses maisons de la Vallée du Rhône ont abordé 2020 en progression, malgré les difficultés politiques américaines. » Certes, l'année sera fortement marquée par la crise sanitaire mais « la baisse de 20 % des sorties de chai en mars, et de 30 % en avril, s'estompe à - 9 % en cumul, rapporté à l'année », précise Étienne Maffre, vice-président de l'interprofession, représentant la famille négoce. Alors, si tout n'est pas rose, abonder au pessimisme ambiant serait contre-productif.
Des aides au stockage demandées
Au-delà de cette crise, Philippe Pellaton, vice-président représentant la famille production, rappelle les conséquences des divers aléas qu'affronte déjà le vignoble structurellement. En effet, « le gel a touché durement le Gard et le sud de l'Ardèche il y a deux mois, entraînant une baisse de 15 % des volumes sur les appellations Côtes-du-Rhône », estime-t-il. La grêle du 28 mai, très localisée, reste d'une violence extrême pour ceux touchés, et la sécheresse de 2019 a réduit la mise à fruit du millésime actuel. « Alors, si je dois m'inquiéter, c'est davantage des volumes mis en marché en 2020. »
En effet, « si le dispositif du prêt garanti par l'État (PGE) a permis d'huiler le système dans l'urgence, qu'en sera-t-il dans quelques mois ? Le négoce achètera-t-il le nouveau millésime ? Pour prévenir d'éventuelles baisses d'achat, nous demandons donc des aides au stockage ». D'ailleurs, l'interprofession n'entend pas faire appel à la distillation de crise. Elle estime la stratégie inadaptée à ses vins qualitatifs et le prix à la distillation trop bas en regard du prix moyen des Côtes-du-Rhône. « En dehors de quelques entreprises en difficulté, la distillation n'est pas une stratégie pour notre vignoble », a dit Philippe Pellaton.
Jouer ses atouts
« 81,5 % des Français achètent d'abord guidés par leur plaisir et ils veulent de la fraîcheur », assure le président. Des outils seront donc déployés pour mettre en avant la fraîcheur des vins de la Vallée du Rhône, lors des dégustations. Et, à plus long terme, l'orientation annoncée l'an dernier d'un vignoble davantage tourné vers les vins blancs et rosés sera mise en avant. « Les terroirs calcaires de la région ont un fort potentiel... Oubliez vos blancs en cave cinq ans, vous verrez ! », lance Michel Chapoutier.
Les vignobles de la Vallée du Rhône veulent donc jouer leurs atouts : une grande palette de vins, pour tous les goûts. Surtout, l'interprofession mise sur la richesse de son patrimoine : 14 routes des vins, 511 caveaux labellisés, 4 sites classés au patrimoine mondial de l'Unesco...
« La période estivale sera capitale. 14 000 touristes français sont attendus dans la région. Nous devons donc nous adresser à eux », insiste Philippe Pellaton. Pour cela, deux millions d'euros seront débloqués sur les fonds propres d'Inter Rhône, pour la promotion 2020 et 2021 en France. Et ses budgets seront réaffectés, avec une augmentation de 15 % sur la France, l'interprofession ne comptant pour autant pas se désengager de l'export, même si la voilure sera abaissée, son budget passant de 70 à 50 %. Au final, les actions seront maintenues sur presque tous les marchés export. Mais les efforts vont se concentrer sur l'œnotourisme, avec la mise en place d'accueil et d'animations dans le vignoble, sans oublier l'organisation, avec la municipalité d'Avignon, de dégustations sur le parvis du Palais des Papes. « Il faudra multiplier les dégustations ; il faudra que les entreprises de la filière jouent le jeu, nous fassent connaître leurs événements et remonter leurs besoins en outils de communication », recommande le vice-président. Afin d'aiguiller les visiteurs, la communication digitale sera développée.
Et pour jouer collectif, en soutien au circuit traditionnel qui a le plus souffert, en particulier la restauration, l'interprofession demande une TVA à 10 % sur six mois. Alors, la partie est lancée !
Cécile Poulain