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Arboriculture

Couverts végétaux et(ou) engrais vert s : que choisir ?

Favoriser la biodiversité, limiter l'érosion, redonner vie au sol... Il y a un peu de tout ça derrière les concepts de couverts et d'engrais verts en viticulture. Mais il est utile de distinguer les deux car les objectifs pour la vigne ne sont pas les mêmes. Le point sur les bonnes questions à se poser pour mettre en place une couverture végétale adaptée à sa vigne... et à ses objectifs, en agriculture biologique comme en conventionnel.
Couverts végétaux et(ou) engrais vert s : que choisir ?

Les couverts végétaux peuvent être spontanés, semés ou mixtes, systématiques (tous les rangs), en alternance (un rang sur 2, sur 3...) ou en plein (intégral : sous le rang et en inter-rang). Les couverts végétaux bien gérés contribuent à la maîtrise des adventices, à la prévention des maladies, des ravageurs, à une gestion optimisée de la fertilisation, à lutter contre l'érosion, favorisent la biodiversité et permettent un contrôle de la quantité et qualité des moûts. Et surtout, ils permettent d'assurer une bonne portance des sols tout en limitant le tassement. Une bonne gestion de ce couvert passe par une tonte pas trop fréquente et pas trop à ras afin de favoriser la biodiversité, de limiter la reprise des graminées et donc la concurrence avec la vigne. Il convient de laisser épier au moins une fois dans la saison. Il faudra trouver l'optimal entre une végétation assez développée pour faire office de filtre à spore des maladies de la vigne (mildiou, black rot) mais pas trop afin de ne pas entraîner un microclimat humide favorable aux maladies. Il faudra prendre garde aux risques de gel également (le couvert ne doit pas être aussi haut que les bourgeons de vigne débourrant au moment des risques de gel de printemps). Il convient de maîtriser cet enherbement afin de bénéficier d'une concurrence bénéfique qui permette de maîtriser la vigueur sans tomber dans un excès de concurrence qui, à l'inverse, ne permette pas d'atteindre les objectifs de rendements fixés. Pour la qualité des moûts, on observe une augmentation des degrés potentiels, des composés phénoliques et une baisse de l'acidité. La problématique majeure d'une conduite avec des couverts végétaux est la carence potentielle en azote des moûts, d'où la nécessité de piloter la fertilisation en adéquation.
Les engrais verts sont quant à eux semés, en général, à l'automne, pour avoir un couvert hivernal qui va terminer de se développer au début du printemps. On le détruira ensuite en fonction du débourrement de la vigne, des risques de gelées et avant une concurrence marquée pour la vigne. La destruction arrive également avant la montée à graine. On utilise des plantes annuelles de trois familles principales : les légumineuses (pour un apport d'azote prélevé dans l'air), les crucifères (pour les restitutions de potasse aux sols), les graminées pour l'amélioration de la structure du sol et parfois comme tuteur pour les légumineuses grimpantes). On effectue en général un mélange de minimum 4 espèces avec un optimum vers 7 à 8 espèces afin que le semis soit réussi quelles que soient les conditions climatiques.
Pour réussir son semis, soit on travaille avec un sol bien préparé avec de la terre meuble et assez fine et on sème si possible non en ligne (à la volée, ou distributeurs vibrants) et surtout on roule le semis afin que le contact avec la terre soit maximal, soit on travaille en semis direct sous couvert (mais cela demande une certaine habitude). Une des clefs de réussite est de surdoser par rapport aux abaques donnés pour les céréaliers.
Arnaud Furet, technicien en viticulture biologique à l'ADABio (Association des agriculteurs bio de l'Ain, l'Isère la Savoie et la Haute-Savoie).

 

EXPÉRIENCE / Sylvain Bock, vigneron à Alba-la-Romaine en Ardèche, implante depuis trois ans des engrais verts. Il raconte.

«Ma problématique était une faible teneur d’azote dans les moûts, avec des blancs qui avaient du mal à finir leur fermentation et la totalité des sucres. Pour mes premiers essais, j’ai semé de la vesce seule qui m’a apporté le résultat attendu par rapport à la fermentescibilité des moûts. Ça se passe beaucoup mieux. Suite aux formations avec Éric Maille(1), je suis parti sur des mélanges d’espèces pour atteindre un meilleur équilibre et un sol bien vivant », explique Sylvain, satisfait de ses trois années avec des engrais verts. La mise en œuvre n’est cependant pas toujours des plus simples dans la réalisation. « J’essaie de semer après les vendanges – en 2017, début octobre, assez compliqué car très sec – sur les rangs travaillés en saison et légèrement resalis. Je suis tributaire à la fois de la météo et du fait que je ne suis pas autonome pour le semis. En effet, j’emprunte un semoir à semis direct Gerber à un voisin », précise le vigneron. Néanmoins, malgré les craintes
dues à la météo peu favorable (trois semaines sans pluie), il y a eu une levée en novembre, un couvert peu développé pendant l’hiver mais une bonne reprise en avril. « Début avril, la navette étant en fleur, j’ai attendu la floraison de la vesce pour faucher puis laisser sécher en paillis avant d’incorporer par un léger griffage. Cela stimule les microbes du sol et permet un meilleur réchauffement des sols calcaires. Il me reste à affiner cette gestion de la destruction car je sème un rang sur deux et travaille un rang sur deux, et je veux avoir aussi une bande de passage pour les traitements. Au niveau du semis, également, l’idéal serait de ne plus être tributaire que de la météo en ayant mon propre semoir et surtout, à retenir, ne pas lésiner sur le surdosage pour avoir une couverture homogène et dense. »
Le mélange réalisé par Sylvain pour cette campagne est composé de vesce, pois, avoine, seigle, orge, radis fourrager et navette. 
(1) Technicien viticole à Agrobio Périgord, expert national en couvert-engrais vert en viticulture biologique.
Sylvain Bock , vigneron en Ardèche.

ESSAIS /  Xavier Jacqueline est vigneron à Aix-les-Bains en Savoie. Il implante des couverts pour redonner de la vigueur aux sols. Retour d’expérience.

Après de nombreuses années en viticulture traditionnelle, conventionnelle, Xavier Jacqueline était néanmoins inquiet de l’état de ses sols qu’il trouvait tassés, presque morts. Il a tout d’abord arrêté le désherbant depuis presque dix ans, retravaillé ses sols et depuis deux ans et l’arrivée sur le domaine de Mathilde, sa fille, il a officialisé son passage en bio. Les sols se portent mieux mais il reste des progrès à faire. « Sur des pinots, en coteaux, notamment, j’ai un rang sur deux griffés avec ajout de bactériosol. Cela a redonné de la souplesse, de la vie, explique Xavier. Sur les autres rangées, en revanche, il y a une végétation spontanée mais avec beaucoup de mousse encore. Le sol semble toujours peu vivant, très tassé. Et les vignes manquent de vigueur. Pour cette année, j’ai pioché des idées dans les formations avec Éric Maille, je vais partir sur un semis de printemps de mélange triticale, féverole et moutarde blanche sur les rangées non travaillées après un léger griffage. Il faut que je trouve aussi la solution pour le roulage pour une bonne application des graines sur le sol. Pour le dosage, je pars sur 70 kg en triticale et féverole et 5 de moutarde (doses en plein à rapporter à la surface réellement semée). Je le détruirai par broyage quand il aura atteint une hauteur de 60 cm environ avant floraison-épiaison. L’idée est de faire cet automne les autres rangs, déjà travaillés. Avant les formations, j’avais fait un premier essai mais, mal conseillé, j’étais parti sur un mélange avoine, vesce, radis fourrager à l’automne. Malheureusement, la vesce a pris le dessus, les autres plantes ont été quasi inexistantes et elle s’est couchée sur la vigne. Je l’ai broyée, ai obtenu un beau mulch mais je n’ai pas vu d’effet notoire sur la vigne. » Xavier précise aussi que ces semences ont un coût qui n’est pas négligeable. 
Xavier Jaqueline et sa fille Mathilde, vignerons à Aix-les-Bains en Savoie.