« Créer du désir afin d'obtenir le consentement du prix »
Aux Rendez-vous de l'arbo le 10 décembre à Valence, Olivier Dauvers, expert en grande consommation, a parlé des nouvelles attentes des consommateurs et des bouleversements qui touchent les enseignes de la grande distribution alimentaire.

« Ce n'est pas le distributeur qui va vous rendre riche et heureux mais c'est le consommateur. » Un point de vue formulé par le médiatique expert en consommation Olivier Dauvers*, invité des Rendez-vous de l'arbo le 10 décembre à Valence. En moins d'une heure, à coup de phrases choc, il a su captiver son auditoire. « Vous n'avez pas mis assez de valeurs dans vos produits, a-t-il assené aux arboriculteurs. Vendre doit être votre priorité, vous devez créer du désir afin d'obtenir le consentement du prix. » Un propos illustré avec la marque C'est qui le patron, dont le lait est vendu 40 % plus cher que d'autres en rayon. Une démarche qu'Olivier Dauvers qualifie de « prouesse » en ayant réussi à « faire comprendre aux consommateurs la valeur du produit ».
« Le mantra de la consommation, c'est la valeur »
« La filière alimentaire n'est pas condamnée à la paupérisation, elle est condamnée à se faire mal pour aller chercher de la valeur », appuie Olivier Dauvers. » ©CL-AD26
« La filière alimentaire n'est pas condamnée à la paupérisation, elle est condamnée à se faire mal pour aller chercher de la valeur », appuie Olivier Dauvers. Il ajoute : « Il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat en France mais un problème à satisfaire l'augmentation de “vouloir d'achat”. Ce qui crée de la frustration ». Dans ce contexte, « l'alimentation est plus que jamais une variable d'ajustement du budget des ménages ». Pour le consommateur, ce qui compte, « c'est de donner le plus de valeur possible aux euros qu'il dépense », souligne-t-il.
Pour éclairer son propos, Olivier Dauvers interroge : « Si vous n'avez que 10 € à dépenser pour offrir un cadeau à votre femme, choisirez-vous un bouquet de fleurs, une crème beauté ou une bouteille de vin ? Ce sont des produits différents et pourtant concurrents. » Le choix sera guidé par les « attendus du consommateur ». Il ajoute : « Le mantra de la consommation n'est pas le prix mais la valeur, dès lors que ça rentre dans la capacité d'achat », insiste Olivier Dauvers.
Réassurance et consentement
Pour « faire comprendre le prix », l'expert en consommation évoque le « besoin de réassurance » du client . Un des moyens de réassurance est le lieu d'achat. Au gigantisme des hypermarchés généralistes, une partie des consommateurs préfèrent désormais des enseignes spécialisées, comme Grand Frais pour les produits alimentaires. « Les généralistes sont condamnés à durablement décliner, les spécialistes à durablement émerger », prévient Olivier Dauvers.
L'autre moyen d'apporter de la réassurance concerne le produit lui-même, avec des valeurs avérées, certifiées ou suggérées. « Les signes de qualité constituent une réassurance avérée », explique-t-il (lire pages 8 et 9). À contrario de l'origine France. « Ce n'est pas parce que le produit est français qu'il est meilleur que d'autres, il n'y a pas d'automaticité. Mais si le client le pense, alors ça devient un élément de réassurance. Tout comme le lien entre proximité et qualité, fait-il remarquer. C'est le ressenti qui guide la consommation et le consentement à payer. » L'exemple du bio est parlant. « En étant 50 % plus chers, dans un contexte où l'inflation alimentaire a progressé de 25 % ces dernières années, les produits bio ne recueillent plus le consentement du client sur le prix », constate Olivier Dauvers. Le marché a touché son asymptote et subit aujourd'hui un écrémage. »
« Terreau fertile pour des produits “premium” »
« Malgré le triomphe du discount, le terreau est fertile pour des produits “premium” qui embarquent davantage de valeur à l'acte d'achat », indique Olivier Dauvers. Les distributeurs ont ainsi plus d'intérêt à vendre des pommes Pink Lady que des Golden, du filet de bœuf que du haché de bœuf... ©CL-AD26
Faillite du groupe Casino, difficultés du groupe Auchan... L'écrémage touche également les géants de la grande distribution alimentaire, ce qui inquiète les filières agricoles et agroalimentaires. Depuis quinze ans, « il n'y a plus de vent dans les voiles de la consommation, y compris dans l'alimentaire, fait remarquer Olivier Dauvers. Ça ne veut pas dire qu'il y a déconsommation mais que le gâteau de la consommation n'augmente plus. Le seul circuit dans le vert en 2024, c'est le drive car il améliore la proposition de valeur avec des prix identiques à ceux des magasins, mais le service en plus. » Leclerc en a ouvert 600, et cela lui a fait gagner des parts de marchés prises sur ses concurrents. « Mais le drive est un circuit de déconsommation alimentaire car vous savez en temps réel ce que vous dépensez », avertit Olivier Dauvers. Tout comme la baisse des naissances et la séniorisation de la société.
En moins d'une heure, à coup de phrases choc, Olivier Dauvers a captivé son auditoire. ©CL-AD26
Par ailleurs, avec le développement du e-commerce sur les produits non alimentaires, « on assiste à un mouvement de “réalimentarisation” des magasins. Cela rend l'intérêt du producteur et l'intérêt du distributeur parfaitement alignés, souligne-t-il. L'intérêt du commerçant, alors que ses volumes commercialisés n'augmentent pas, c'est de chercher comment vendre la calorie le plus cher possible pour améliorer ses rendements commerciaux aujourd'hui très fragilisés ». Et d'ajouter : « Malgré le triomphe du discount, le terreau est fertile pour des produits “premium” qui embarquent davantage de valeur à l'acte d'achat. » Selon cette approche, les distributeurs ont plus d'intérêt à vendre du filet de bœuf que du haché de bœuf, des pommes Pink Lady que des Golden, du poulet certifié que du standard...
Cependant, sur le cœur de marché, le prix demeure central. Ainsi que l'a souligné Raphaël Martinez, directeur de l'AOP pêches et abricots de France, « les acteurs de la grande distribution se surveillent entre eux sur les promotions. Pour la prochaine saison, nous souhaitons leur proposer un contrat de progrès (voir encadré) pour valoriser les pêches et abricots français labellisés Vergers écoresponsables ». Un contrat gagnant gagnant pour espérer surmonter les difficultés des uns et des autres.
Christophe Ledoux
* Olivier Dauvers, 54 ans, ingénieur agricole de formation (Purpan), suit la distribution depuis plus trente ans. Après avoir été rédacteur en chef de Rayons Boissons (1993-1996) et de Linéaires (1994-2001), il fonde en 2002 les Éditions Dauvers, société spécialisée sur le commerce et la consommation. Par ailleurs, il intervient régulièrement dans des matinales sur RTL et M6.
Pêches et abricots : vers un contrat de progrès avec la distribution ?

À l’occasion de la 12e édition des Rendez-vous de l’arbo, le 10 décembre à Valence, l’AOP pêches et abricots de France a annoncé vouloir créer un contrat de progrès entre producteurs et distributeurs. « L’objectif est de valoriser les pêches et abricots français labellisés Vergers écoresponsables auprès des consommateurs, souligne Raphaël Martinez, directeur de l’AOP. Aujourd’hui, le label bénéficie d’un taux de notoriété assistée de 50 % auprès des consommateurs », précise-t-il, pour qui il s’agit de « continuer à travailler sur la question malgré une part du travail déjà effectuée ». Évoquant la récente annonce du groupement Les Mousquetaires de stopper l’approvisionnement national de ses magasins en fraises et cerises pour les fêtes de fin d’année, Raphaël Martinez se réjouit que la période soit propice à la discussion. Parmi les possibles sujets sur lesquels travailler « main dans la main » avec la distribution figurent notamment la formation des agréeurs ou encore celle de la maturité des fruits. Un autre point de discussion pourrait concerner l’élargissement des références en magasin, notamment pour l’abricot, généralement proposé avec seulement deux variétés.