Cyril Monier : « l’habitude de travailler avec l’invisible »

Votre travail quotidien a-t-il changé à cause des mesures de confinement ?
Cyril Monier : « Pas vraiment, même si nous avons mis en place des mesures barrières. Ma femme s'est mise en disponibilité et notre salarié agricole vient toujours sur l'exploitation car crise ou pas crise, la vigne continue de pousser. Nous faisons au mieux pour respecter la distanciation sociale même si, pour certaines tâches, nous sommes obligés d'être deux. Nous avons mis des gels hydroalcooliques dans chaque véhicule et nous essayons aussi de ne pas monter dans le tracteur de l'autre. En viticulture, nous avons l'habitude de travailler avec l'invisible, de ne pas voir notre ennemi. Cela nous permet sans doute de relativiser par rapport à certaines autres filières. »
Quel est l'impact financier de cette crise sanitaire sur votre activité ?
C. M. : « Je ne fais aucune vente en GMS, mes vins sont principalement consommés dans la restauration, hors foyer, qui est aujourd'hui stoppée. Je vends aussi mes bouteilles sur le marché asiatique et il est à l'arrêt depuis la fin du mois de janvier. Avant la crise du coronavirus, la situation n'était déjà pas facile avec les taxes américaines qui nous avaient fait du mal et les dégâts liés au gel que nous avions subi. Pour le moment, c'est compliqué de chiffrer l'impact que cette période aura sur notre revenu car, contrairement à la plupart des filières, nous ne connaissons pas de pertes immédiates. Nous en saurons plus fin août quand nous ferons le bilan de ce qui n'a pas été vendu. »
Craignez-vous pour l'avenir de votre activité si la crise perdure ?
C. M. : « En France, les vignerons payent des impôts sur leurs stocks et non sur leurs ventes, or actuellement les bouteilles ne sortent pas. J'ai de la chance que ma banque ait décalé mes emprunts de six mois mais, tôt ou tard, les problèmes finiront par nous tomber dessus. À l'heure actuelle, je n'ai pas d'inquiétude sur l'avenir de mon activité mais plus la crise dure, plus je me retrouve en difficulté. Les dégustations et les Salons me permettaient, en tant que nouveau venu, de me faire connaître et je ne sais pas quand cela pourra reprendre. Je prends cette période avec philosophie, pour moi c'est aussi l'occasion de réfléchir au développement de mon activité, j'envisage de m'orienter vers l'œnotourisme à l'avenir. »
P. G.