Damien Bertrand, un piqué d’apiculture au chevet de ses abeilles
Installé depuis 2023, Damien Bertrand souhaite développer la vente directe de ses produits apicoles.
De par son parcours, Damien Bertrand suscite la curiosité des professionnels du monde agricole. La pluie aura malheureusement empêché certains invités de participer à son inauguration organisée par les jeunes agriculteurs et la chambre d’agriculture de la Drôme, mercredi 16 avril. Un contre-temps bien fâcheux puisque ce Drômois de 38 ans, installé depuis 2023 sur l’ancienne exploitation de son beau-père à Gigors-et-Lozeron, avait prévu de s’adresser à quelques jeunes étudiants, de potentiels futurs installés. Si l’apiculture se présente comme l’activité principale de Damien Bertrand, il gère aussi la culture de lavandin, une noyeraie et des prairies temporaires. « Sur le papier, tout fonctionne en symbiose.
Mais dans la réalité, c’est difficile de tout gérer, déclare l’exploitant agricole, à la tête des Ruchers de Saint-Pancrace. L’idée, c’est que la ferme soit dédiée aux abeilles et d’avoir toujours des fleurs pour leur assurer des ressources ».
Reconverti par passion
Le nouvel installé surfe depuis son adolescence sur le monde agricole. À l’époque, il s’imaginait devenir œnologue. Un bac, un BTS en alternance… Et c’est la désillusion. Je suis tombé sur une boîte à stagiaires. J’aimais la chimie du vin et, pendant deux ans, on m’a fait attacher des vignes sur des tuteurs », se rappelle le trentenaire. Il s’oriente alors vers les grandes cultures et les plantes aromatiques, pris sous l’aile d’un exploitant agricole de la plaine de Montmiral.
« Ce fut un déclic et j’avais envie de devenir spécialisé, d’avoir plus de technique sur des cultures spécifiques plutôt que travailler la terre », explique Damien Bertrand. En 2009, il entre au sein de la coopérative Top semences en tant qu’agent de cultures, se spécialise et devient responsable de l’hybridation des semences. L’aventure a duré 14 ans pour finir sur un poste à responsabilité avec de nombreux avantages. « L’entreprise n’a fait que de grossir et j’ai perdu ce qui m’animait, résume l’apiculteur. Je pensais à m’installer et je craignais de regretter si je ne le faisais pas ».
L’apiculteur a expliqué aux participants qu’à travers son mode de production, il souhaite « se faire pardonner pour tout le mal qui a été fait dans le passé, avec une sélection trop poussée » qui aujourd’hui « rend incapables les abeilles de survivre seules » ©ME-AD26
Le Drômois a donc saisi l’opportunité. « Le père de ma conjointe prenait sa retraite et j’avais en dessous de 40 ans, donc encore l’âge de demander une dotation jeune agriculteur », explique-t-il. L’apiculture s’est présentée à lui comme une évidence. Après avoir acheté une ruche, une deuxième, une troisième… Il s’est pris de passion pour cette activité.
Damien Bertrand a bénéficié d’une DJA de 38 000 €, dont une partie sera débloquée lors de sa quatrième année. L’agriculteur a tenu à remercier l’accompagnement à l’installation réalisé par la chambre d’agriculture de la Drôme. « Je conseille aux futurs installés de venir aux rendez-vous avec un business plan réfléchi à l’avance », préconise l’apiculteur. La formation de trois jours en salle l’a marqué.
« Nous avons peur d’avoir un projet farfelu ou qui ne tient pas la route. Finalement, pendant cette formation, nous découvrons d’autres projets, des visions différentes et complémentaires de l’agriculture. D’ailleurs, là-bas j’ai fait de superbes rencontres. Ces journées nous font sortir de nos zones de confort et nous pouvons choisir des ateliers pour améliorer certaines compétences ».
Son expérience à Top Semences, Damien Bertrand la voit aussi comme un atout pour son installation. « J’ai pu économiser afin de pouvoir m’autofinancer pour mon installation et ne pas m’endetter. L’entreprise m’a aussi épaulée pour que je me lance, assure l’agriculteur. Je n’ai pas dû acheter de bâtiment ou certains matériels grâce aux donations de mon beau-père. Certes, le matériel est ancien mais il fonctionne. Lorsque les voyants seront au vert, je penserai à investir sur du plus récent ».
Repenser l’agriculture à sa guise
L’enjeu reste de taille pour Damien Bertrand. Il a récupéré une ferme en polyculture élevage de vaches allaitantes. L’apiculteur possède actuellement 104 colonies et en vise 150 d’ici la fin de son installation. Avec ce petit cheptel, il peut produire de 1,5 à 3 tonnes de miel et de produits dérivés. « Pas besoin d’avoir 400 colonies.
Je passe plus de temps sur les ruches pour m’assurer de leur bonne santé et cela me permet d’avoir une meilleure productivité. On peut aller de 35 kilos par ruche à 100 kilos pour les plus efficaces. J’ai un rapport particulier à l’animal et à son bien-être, c’est aussi pour ça que je n’ai pas souhaité faire d’autres élevages ». En plus de produire près de sept miels différents et du nougat, le professionnel gère une pépinière d’essaim et un élevage de reines.
En parallèle, il s’occupe de près de 34 hectares de productions végétales, dont envrion dix hectares de céréales et 15 hectares de prairies bio. Une fois les céréales en bottes, l’agriculteur les vend à d’autres éleveurs de la vallée. « Nous avons créé un micro-circuit. Tout le monde est gagnant. Moi, je n’ai pas à stocker et, eux, ils n’ont pas à s’équiper pour gérer les cultures. On fonctionne en s’entraidant. On devrait investir ensemble sur un auto chargeur et sur un mont-tournant », précise Damien Bertrand.
Il cultive aussi du tournesol, de la luzerne, de la phacélie et du lavandin bio pour alimenter ses abeilles. Enfin, le Drômois s’occupe aussi d’une petite noyeraie, plantée dans les années 1990. Avec le lavandin bio, il produit de l’huile essentielle et du savon. « J’ai choisi de cultiver certaines cultures en bio et d’autres non. Je crois que le recours à la chimie n’est pas terrible quand on ne fait pas n’importe quoi. Peut-être qu’un jour je passerai tout en bio mais c’est trop de charges à l’installation.
En apiculture, c’est compliqué car on ne peut pas tenir les abeilles en laisse et elles peuvent parcourir jusqu’à huit kilomètres si elles manquent de ressources », explique ce dernier. Interrogé par Patricia Picard, conseillère régionale, Damien Bertrand reconnaît voir sa localisation, en plein parc naturel régional du Vercors, comme un avantage. Toutefois, il reste vigilant sur le risque de voir le territoire sur-fréquenté par les touristes.
Lors de sa déclaration de ruches, réalisé sur le site de la Région, ce dernier a découvert la marque régionale « Ma Région, ses terroirs » et les aides proposées. À l’avenir, l’apiculteur projette d’investir dans du nouveau matériel, dans un local de stockage du miel, notamment afin de le déshydrater pour éviter la cristallisation au printemps.
La galère de la vente directe

« Pas besoin d’avoir 400 colonies. Je passe plus de temps sur les ruches pour m’assurer de leur bonne santé et cela me permet d’avoir une meilleure productivité", avance Damien Bertrand. ©ME-AD26
Si l’agriculteur avait bien travaillé son business plan, il ne pensait pas autant batailler à établir son circuit de commercialisation. « Je conseille aux jeunes qui veulent faire de la vente directe de faire une liste de dix commerces et de les appeler avant de se lancer sur ce business là. Sur dix appels, si nous avons deux réponses positives, nous pouvons s’estimer contents, expose le nouvel installé. Commercial, c’est un autre métier. Il y a d’autres producteurs sur le territoire qui font aussi de bons produits, c’est difficile de se démarquer ».
L’exploitant ne se rend plus sur les marchés car la rentabilité il y est trop aléatoire. Ainsi, il vend actuellement sa production au rayon épicerie de Game Vert à Crest, dans une boulangerie de Bourdeau, au magasin de producteurs de chez Matt et Lili, au relais des mousquetaires et lors des foires. Damien Bertrand vend toutefois 50 % de sa production à domicile. Il envisage d’ailleurs de créer une boutique sur la ferme.