Dans la famille Rivière, les pivoines sont une institution
Depuis 1849, la famille Rivière s’est prise d’amour pour les pivoines. Créateur, multiplicateur et producteur de cette fleur emblématique venue de Chine, Jean-Luc Rivière est le sixième de sa génération à la cultiver avec passion.
D’avril à juin, les allées et venues sont nombreuses au cœur de la pépinière Rivière, à Crest. Et pour cause, la pleine floraison des pivoines - la spécialité de la famille éponyme - attire un public de connaisseurs et d’amoureux des fleurs. De quoi réjouir Jean-Luc Rivière et son épouse Christine, gérants de la pépinière, toujours prêts à raconter leur histoire et leur passion pour ces fleurs si particulières. Tout a commencé en 1849, lorsque Fleury Jean-Baptiste Gabriel Ruitton transfère sa pépinière générale de Crépieux (69) à Caluire-et-Cuire (69). « C’est sous l’impulsion de son fils, François Ruitton, qu’il a développé les pivoines », explique Jean-Luc Rivière.
Quelques années plus tard, son gendre, Benoit Rivière, alors horticulteur et maraîcher, se prend de passion pour les pivoines qu’il développe considérablement. « De toute la lignée, c’est celui qui a réalisé le plus gros travail dans la culture de pivoines. En 1912, l’année précédant sa mort, son catalogue de vente recensait plus de 600 variétés de pivoines, en provenance de Chine et du Japon, mais aussi issues de ses propres hybridations », poursuit-il. En effet, les pivoines sont arrivées en France par le biais de l’empereur de Chine, qui a offert à l’impératrice Joséphine une collection de pivoines herbacées.
À la disparition de Benoit Rivière, l’établissement est alors géré par Marie Rivière, son épouse : « Elle était surnommée la “Mère Piquette” car sa passion était de repiquer des plants toute la journée (rires), confie, non sans émotion, Jean-Luc Rivière. Malgré la Première guerre mondiale, elle a réussi à sauver la pépinière, avant de voir son fils Antoine - mon grand-père - reprendre l’établissement », indique-t-il.
Une pépinière qui a su traverser les époques…et les guerres !
Les conditions difficiles d’après-guerre ont entrainé la perte de nombreuses variétés. « Mon grand-père a dû vendre des terres par obligation. Il a travaillé dur dans sa pépinière avec pour objectif jamais atteint de ne se consacrer progressivement plus qu’à la culture des pivoines. C’était un rêve, une passion pour lui. Comme tout homme qui a une collection, il ne voulait vivre plus que pour ça », raconte Jean-Luc Rivière. C’est finalement sous la gérance de son fils Michel (père de Jean-Luc, ndlr), arrivé peu après le retour de la guerre d’Algérie, que la culture de pivoines deviendra exclusive au sein de la pépinière familiale, déménagée entre temps à Niévroz (01). « Dans les années 1970, les pépinières générales souffraient de la concurrence de l’Italie, de la Hollande.... Nombre d’entre elles mettaient la clé sous la porte. C’est pourquoi mon père a souhaité réduire de façon drastique les cultures, entre 1980 et 1990. Il a d’abord conservé les pivoines et les hortensias, avant de se concentrer uniquement sur les pivoines herbacées et arbustives », se souvient Jean-Luc Rivière. Ce dernier s’installe aux commandes de la pépinière familiale en 1995, après des stages au sein de structures homologues en Angleterre ou encore en Hollande. « J’ai toujours baigné au milieu des pivoines. Passionné par la photographie, la pivoine est une fleur très fascinante lorsque nous la regardons de près. J’avais donc à cœur de prendre la suite de notre pépinière spécialisée ».
Un nouveau départ il y a trente ans
Ainsi, depuis trente ans, Jean-Luc Rivière - sixième génération - dirige le nouveau site de production implanté au cœur de la vallée de la Drôme, à Crest, et continue les travaux de recherche, d’obtention et de multiplication des pivoines. « Les terres de Niévroz étaient trop proches du Rhône, donc trop lourdes et trop humides pour le développement de la culture de pivoines. Mon père ayant des origines drômoises, de par sa lignée maternelle, nous avons pris un nouveau départ ici, sur sept hectares. Il a fallu se faire un nom et retrouver une clientèle, par le biais d’expositions, de salons, de fêtes des plantes... »
L’évolution de la pépinière drômoise s’est faite tranquillement, « au rythme des pivoines » comme aime le dire Jean-Luc Rivière. « Nous avons construit un bi-tunnel pour les greffes en 2003, avant de faire construire une serre et un hangar en 2007 pour améliorer nos conditions de travail ». Si les premières ventes se faisaient encore en gros, Jean-Luc Rivière a transformé peu à peu ses circuits de commercialisation pour ne se consacrer qu’à la vente au détail. « Aujourd’hui, 70 % de nos ventes se font par internet et sont expédiées dans toute l’Europe », précise-t-il. Les pivoines sont vendues en racines nues (hors végétal) d’octobre à fin février ou en pots lors de la période de floraison (avril - mai). La pépinière Pivoines Rivière commercialise aussi ses plants à l’occasion de deux fêtes des plantes par an, à Saint-Priest (69) lors de la foire aux plantes rares et à Saint-Jean de Beauregard (91) à l’occasion des fêtes des plantes vivaces.
Amandine Priolet
L'info en +
La pépinière « Pivoines Rivière » est ouverte durant toute la période de floraison, de mi-avril jusqu’à fin mai (fermé le 29 mai 2025), du lundi au samedi de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h 30.
Adresse : 334 chemin des Pivoines, 26400 Crest. Contact : 04 75 25 44 85.
Une collection de 800 variétés reconnue en France
Au fil de l’histoire, la pépinière Rivière a étoffé sa collection qui compte aujourd’hui plus de 800 variétés de pivoines arbustives, herbacées, Itoh hybrides (obtentions issues du croisement entre pivoines arbustives et herbacées). Elle est aujourd’hui reconnue en tant que collection nationale par le Conservatoire des collections végétales spécialisées (CCVS). « Durant l’exercice de sa profession, à la fin des années 1980, mon père a rencontré Sir Peter Smithers, ancien secrétaire général du Conseil de l’Europe, qui était aussi un jardinier émérite et passionné de pivoines. Ce dernier avait fait venir de divers pays une collection de pivoines qu’il a lui-même développé. Se voyant vieillir, il a décidé de transmettre sa collection… à mon père. Cela nous a permis à la fois d’avoir une matière première innovante pour venir enrichir la collection familiale mais également d’avoir une renommée dans le milieu », avoue Jean-Luc Rivière.
A.P.
Conseils de plantation et d’entretien
« Nous pouvons planter des pivoines partout, annonce Jean-Luc Rivière. Il nous arrive d’en trouver à l’état sauvage dans le Haut-Diois, entre 1 000 et 1 500 m d’altitude », ajoute-t-il. Si la pivoine a besoin de soleil et de lumière, elle s’adapte très bien dans un sol frais, aéré, riche et profond. « C’est une plante assez gourmande, il est donc recommandé d’éviter toute concurrence avec des végétaux avoisinants, comme les rosiers », prévient le producteur. Il est, de ce fait, conseillé de les planter en pleine terre. La plantation des pivoines en racines nues doit être effectuée entre septembre et février, afin de permettre au système racinaire de bien s’implanter avant le départ de la végétation. Plus d’informations sur le site : https://pivoinesriviere.com/.
A.P.