De belles perspectives pour la lavande et le lavandin

Alain Aubanel, en assemblée générale le 3 mai à Mirabel-et-Blacons, la fédération des producteurs de lavande et lavandin de la Drôme et de l'Ardèche a dressé un bilan de la campagne écoulée. Quel est-il ?
Alain Aubanel : « Sur le plan climatique, le gel de printemps puis la sécheresse de mai à mi-novembre ont causé des dégâts et des pertes de fonds sur certains secteurs comme le Diois, le pays de Bourdeaux, les Baronnies, Bésignan, Montségur-sur-Lauzon... C'est le point noir de 2017. Par contre, la situation du marché est excellente. La récolte s'est vendue à des prix honnêtes car les besoins s'accroissent dans toutes les catégories de produits. Les stocks sont quasi nuls. Le marché veut du produit naturel. L'aromathérapie explose partout dans le monde. Elle est en plein boum aux Etats-Unis et au Canada, qui achètent toute la lavande que la Drôme peut leur fournir. La demande en lavandin, utilisé pour l'aromathérapie et l'industrie (lessives, adoucissants...), croît en Amérique du Sud et Asie. Le marché est porteur, même si nos surfaces de production ont progressé de 40 % en dix ans. La demande est légèrement supérieure à l'offre. C'est pour ça que les prix continuent à augmenter un peu.
La campagne 2017 est marquée aussi par une "super" innovation : le chasse-abeilles. Il est constitué de deux tubes, placés à l'avant de la récolteuse, qui secouent les tiges juste avant la coupe et font s'envoler les abeilles. Ainsi, on en sauve 50 à 80 %. Il a été mis au point par le Crieppam(1) et l'Adapi(2), financé par le fonds de dotation de sauvegarde de la lavande et le Crédit Agricole Sud Rhône Alpes. Cela n'a donc rien coûté aux producteurs. Une dizaine de chasse-abeilles a fonctionné dans la Drôme l'an passé. »
Comment analysez-vous le développement de la lavandiculture hors de ses zones de production historiques ?
A. A. : « Avant, en dehors de leurs zones de production traditionnelles, la lavande et le lavandin étaient cultivés seulement par quelques agriculteurs pratiquant la vente directe, l'agritourisme et en petites quantités. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas : d'autres se détournent des céréales, des vaches laitières... et se diversifient dans les Ppam (plantes à parfum, aromatiques et médicinales), en particulier le lavandin. Ainsi, le secteur de Romans/Chatuzange-le-Goubet devrait passer de zéro à 500 hectares en trois ou quatre ans, avec de nouveaux producteurs. Sur les zones de Pierrelatte et Montélimar, les surfaces en semences ont diminué et celles de lavandin augmenté. Le même schéma se produit partout en France : autour d'Avignon, en Rhône-Alpes, Occitanie, dans le Lot, la Touraine, le bassin parisien... La question, c'est combien de temps cela va durer ? Mais je ne suis pas spécialement inquiet car, depuis dix ans, plus la production augmente, plus le marché se développe. On constate aussi que les lavandiculteurs se diversifient de plus en plus dans d'autres Ppam (thym, romarin, menthe, origan...), un phénomène nouveau. »
La Drôme compte plusieurs entreprises de la filière Ppam. C'est une chance, non ?
A. A. : « En effet, près de 50 entreprises travaillent les Ppam dans notre département et ont des besoins en augmentation. On observe aussi un réel rapprochement entre elles et les producteurs, avec des contrats qui sécurisent les deux parties. Elles sont en demande de produits français de qualité et de traçabilité. Dix ans en arrière, elles voulaient des prix. Aujourd'hui, elles veulent des prix mais aussi de la qualité, c'est net. Avoir des productions plus en plus qualitatives fait partie de notre stratégie. Il faut toujours essayer de s'améliorer. »
Qu'en est-il des perspectives, du plan régional Ppam ?
A. A. : « Les perspectives sont actuellement bonnes. Si le temps ne nous joue pas de mauvais tours, ça devrait bien le faire ! Autre satisfaction, après quatre ans de travail, le plan Ppam de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a abouti. Il répond parfaitement à la demande des producteurs et des industriels. C'est un programme pour tous les types de production de Ppam, les petites exploitations en bio, en vente directe comme les grosses qui créent une distillerie. Doté de 600 000 euros par an sur trois ans (2018-2020), ce plan comporte deux volets. Le premier est une aide (de 40 à 60 %) à l'investissement en matériels de culture. Les imprimés de demande sont disponibles depuis deux mois et le budget est déjà explosé. Les investissements sont nécessaires, notamment pour ceux qui démarrent ou se diversifient dans les Ppam. Et l'accompagnement technique, qui constitue le second volet du plan, est rassurant. Il est très important, pour les uns comme les autres. »
Et l'aide à l'enherbement des lavanderaies ?
A. A. : « Cette année démarre aussi un soutien à l'implantation de couverts végétaux dans les lavanderaies, réservé aux zones historiques de production. Il s'agit d'une aide du fonds de dotation pour la sauvegarde du patrimoine lavandes en Provence, de 200 à 300 euros l'hectare (plafonnée à 1 000-1 500 euros par exploitation). L'enherbement des inter-rangs des lavanderaies présente un intérêt dans la lutte contre le dépérissement de la lavande. En effet, la cicadelle transmettant cette maladie est attirée par la chaleur. Or, si le sol est enherbé, il est moins chaud. Le couvert végétal peut aussi faire une barrière physique contre cet insecte qui a tendance à voler au ras du sol. En plus, il réduit l'érosion, améliore la portance du sol... »
Propos recueillis par Annie Laurie
(1) Crieppam : centre régionalisé interprofessionnel d'expérimentation en plantes à parfum, aromatiques et médicinales.
(2) Adapi : association de développement de l'apiculture.
Repères /Production lavandicoleFrance :
Lavandin : 20 200 hectares en 2017 contre 19 600 en 2016 et 14 500 en 2007.
Lavande : 5 450 hectares en 2017 contre 5 200 en 2016 et 3 700 en 2007.
Total des deux : 25 650 hectares en 2017 contre 24 800 en 2016 et 18 200 en 2007 (soit + 40 % en dix ans).
Depuis vingt ans, la France récolte autour de 1 000 à 1 200 tonnes de lavandin par an. En 2017, c'était 1 400 et 100 de lavande.
Drôme :
5 400 hectares de lavandin et 1 300 de lavande en 2017.
Huiles essentielles /Un marché mondial porteur- Marché estimé à 180 000 tonnes en 2015 (+ 8 % par rapport à 2014 et + 50 % depuis 2007).
- Débouchés : agroalimentaire, cosmétique, parfumerie, aromathérapie...
- Tendances : hausse de la demande liée à l'augmentation des applications en agroalimentaire et soins à la personne ; progression de la consommation de produits d'origine naturelle et (ou) biologiques, labellisés, avec une traçabilité.