Accès au contenu
viande bovine

De l'étable à l'assiette, des attentes et des contraintes difficiles à concilier

Plusieurs journées autour des filières longues en viande biologique ont eu lieu en fin d'année 2019, notamment à travers des visites d'outils d'abattage et de découpe. L'occasion pour les éleveurs bio de la région de rencontrer les opérateurs de la filière et de faire le point sur les besoins du marché et les perspectives de développement.
De l'étable à l'assiette, des attentes et des contraintes difficiles à concilier

Si la consommation de viande est globalement à la baisse, la part de viande biologique consommée est en augmentation (+ 20,6 % dans le panier des ménages entre 2017 et 2018 toutes viandes confondues ; + 18 % pour la viande bovine - source Agence bio). Cela cache néanmoins une disparité selon les types de produits, avec une envolée de la consommation de viande hachée (steaks, plats préparés, etc) due aux changements de modes de consommation, au détriment des morceaux nobles (entrecôte, faux-filet, etc). Si beaucoup d'études montrent un souhait du consommateur de se tourner vers plus de viande bio, elles restent déclaratives et les metteurs en marché soulignent que ce n'est pas toujours corrélé avec un acte d'achat effectif. Le dernier sondage Ifop mené en partenariat avec Interbev en août 2019 montre, en effet, que 73 % des consommateurs de viande disent ne manger que rarement (45 %) voire jamais (28 %) de viande bio.

La nécessité de sensibiliser les bouchers et les consommateurs

Pour développer la consommation, les animations commerciales effectuées directement par des éleveurs dans les magasins sont considérées comme le levier majeur de « basculement » de l'acte d'achat. Rencontré début novembre à Égletons (Corrèze), Charal a indiqué être à la recherche d'éleveurs pour effectuer ces animations contre rémunération. Par ailleurs, les opérateurs de la filière s'accordent à dire que les bouchers sont globalement assez réticents à accepter d'acheter et de vendre de la viande bio. Plusieurs raisons sont mises en avant : la certification bio est perçue comme une contrainte administrative et organisationnelle, avec notamment l'obligation d'avoir une table et un couteau de découpe à part pour la viande bio ; la difficulté de vendre à la fois des produits bio et conventionnels, avec une différenciation d'image défavorable aux produits conventionnels ; une plus grande hétérogénéité des produits viande bio (couleur, races, particularités gustatives...). Parmi les leviers pour reconquérir la confiance du consommateur, certains opérateurs ont créé leur propre marque en rajoutant des critères qui vont plus loin que le cahier des charges bio européen. C'est le cas de Sicaba à Bourbon l'Archambault (Allier) qui a créé la marque « Cœur de Terroir » qui garantit une sélection d'animaux (âge, race) et de carcasses de qualité (poids, conformation E, U ou R, état d'engraissement 2, 3 ou 4).

Produire en adéquation avec les besoins de la filière

La valorisation d'animaux biologiques dans les circuits longs de commercialisation tient à la capacité de l'éleveur à engraisser ses animaux et à produire pour répondre aux besoins de la filière. Il est donc important de bien se renseigner sur les débouchés commerciaux de chacun. Certains, comme Biovie à Brioude (Haute-Loire), peuvent être spécialisés dans l'activité de cheville (vente en gros de carcasses entières) en travaillant essentiellement avec des boucheries et les rayons traditionnels des magasins spécialisés, ou au contraire avoir une part importante de fabrication et de commercialisation en steaks hachés, ce qui est le cas de Charal. Dès lors, les besoins quantitatifs et qualitatifs en animaux diffèrent complètement selon les opérateurs : les animaux de réforme et laitiers étant plutôt valorisés pour le steak haché, les animaux allaitants finis et conformés plutôt pour la cheville. Avec l'évolution des modes de consommation, cette règle a cependant tendance à s'étioler car les animaux laitiers et les « avants » des animaux allaitants ne suffisent plus à couvrir les besoins en production de viande hachée ; les industriels ont désormais tendance à utiliser aussi des « arrières » d'animaux allaitants pour approvisionner la filière steak haché. Cette évolution nuit à la fois à la valorisation de ces morceaux qui sont habituellement les plus chers, et détériore aussi le prix de la viande, déjà peu reluisant, même en bio (+ 15 à 20 % par rapport au prix du conventionnel en moyenne). Dans tous les cas, seuls des animaux bio engraissés sont recherchés (génisses, vaches, veaux rosés et veaux de lait, bœufs) ; certains opérateurs valorisent quelques broutards en bio à l'export mais cela reste très marginal et constitue plutôt un marché opportuniste et non un objectif de développement. Le développement d'une production de broutards bio dépendante d'un marché extérieur serait en effet incohérent avec la structuration d'une filière viande bio locale et équitable. Les besoins du marché sont assez linéaires tout au long de l'année mais la production est en revanche irrégulière. Cela se traduit donc par des périodes de pics de production, généralement à l'automne, et d'autres de manque d'animaux, en particulier le premier semestre de l'année. Les opérateurs filière insistent sur la nécessité d'étaler la production et de planifier les sorties d'animaux, afin de pouvoir à la fois anticiper et gérer les volumes, sans avoir de trop grosses quantités d'animaux à écouler en même temps. 

Marie Redon, animatrice technique à Bio 63 (groupement des producteurs bio du Puy-de-Dôme)
Contact : 04 73 44 45 28 / [email protected]

 

ZOOM SUR / Le veau bio
En bio, la catégorie des veaux est celle qui enregistre la progression la plus importante (+ 20 % en volumes en 2018 par rapport à 2017 - source Interbev), juste derrière les vaches. Cette production est en effet privilégiée par les éleveurs, en particulier avec les récentes conversions, du fait de son apparente facilité technique par rapport à des productions de génisses ou de bœufs qui entraînent une modification plus importante du système. Les débouchés existent et continuent de se développer, mais avec une vigilance accrue des opérateurs de la filière sur la qualité des carcasses. Les meilleures valorisations s’obtiennent avec des animaux qui ne sont pas trop rouges (dans l’idéal 1 ou 2, au maximum 3) et qui sont bien finis (note de 3), ce qui permet de les commercialiser dans les boucheries et les rayons traditionnels. Un veau bio n’est pas un broutard bio de moins de 8 mois !
Les débouchés sont en effet très restreints pour ces « veaux » peu qualitatifs qui peuvent uniquement être valorisés en sauté, souvent dans la restauration collective. 

Les débouchés pour le veau bio existent et continuent de se développer.

 

Qualité / La tendreté constitue le premier critère d’appréciation de la qualité organoleptique d’une viande par le consommateur, devant son goût.

À la recherche de l’état de finition idéal

La tendreté dépend de nombreux facteurs (sexe, race, conditions d’élevage et d’abattage, techniques de découpe, temps de maturation…). Côté production, elle est principalement conditionnée par :
- l’âge de l’animal, qui fait varier la quantité de collagène présent dans les muscles. Plus un animal vieillit, plus la quantité de collagène est importante et tend à rendre la viande plus raide, en particulier dans les muscles qui sont beaucoup sollicités ;
- la quantité et le type de gras présent dans la viande : plus une viande est riche en gras intramusculaire, plus communément appelé « persillé », plus elle est juteuse et est perçue comme plus tendre. Le persillé est favorisé par un engraissement lent, tandis qu’un engraissement rapide aura plutôt tendance à conduire à un dépôt de gras externe.
En plus d’être un critère déterminant de la tendreté et du goût d’une viande pour le consommateur, le gras revêt une importance toute particulière pour les acteurs intermédiaires de la filière, en particulier pour assurer une bonne conservation de la viande. Attention toutefois à trouver le juste équilibre (note d’état d’engraissement idéale de 3), un excès de gras n’étant pas non plus recherché et pouvant aboutir à un déclassement des carcasses ! 
La tendreté de la viande est conditionnée par l’âge de l’animal et par la quantité et le type de gras présent.