Dégâts de neige : « sans moyens particuliers, on n'y arrivera pas »

Le 21 novembre, la FDSEA a emmené le préfet de la Drôme, Hugues Moutouh, sur trois exploitations durement sinistrées par la neige destructrice des 14 et 15 novembre. Première visite chez Hervé Espeisse, à Valence, dont le poulailler s'est écroulé sous le poids de la neige (voir page 7 de L'Agriculture Drômoise du 21 novembre), comme si une bombe était tombée dessus. Il comptait sur ce bâtiment avicole, rénové ces dernières années, pour compléter sa retraite. Que faire à présent : le déconstruire et arrêter l'élevage ou reconstruire en contractant un prêt ? « Avec la deuxième solution, a-t-il expliqué, je perds un peu moins mais je suis limité à 800 fois le Smic horaire par an (8 000 euros de revenu). Cela ne suffira pas pour rembourser l'emprunt. » Autre problème, les tôles du toit sont amiantées et mêlées à d'autres éléments du poulailler alors « ce ne sera pas une petite affaire pour tout dégager et ça va se monter à des sommes folles ».
Une double peine
Chez Philippe et David Patouillard, Gaec des vergers de Fouillouse à Châteauneuf-sur-Isère, deux « champs de bataille » ont été montrés au préfet : des châtaigniers avec de multiples branches cassées et de jeunes abricotiers saccagés. En plus, cette année, les deux frères avaient déjà subi la grêle sur abricotiers dans cette commune et, à Besayes (où ils ont un tiers de leur verger), le gel sur poiriers. C'est la double peine pour eux.
Rémy Dorier (25 ans), à Montmiral, est également dans ce cas. Sur huit hectares, 70 % de ses noyers ont des branches cassées, quelques-uns sont ouverts en deux et 10 % sont tombés. Il avait déjà perdu 80 % de sa récolte de noix à cause de la grêle en juin. Il estime qu'il lui faudra trois mois pour remettre en état ses noyers. « On sait tailler les arbres mais on n'est pas des élagueurs », fait-il remarquer. Il serait preneur d'une formation pour apprendre « à travailler en hauteur en sécurité ». Par ailleurs, il a dû utiliser son groupe électrogène pendant sept jours pour faire fonctionner les ventilateurs et, ainsi, éviter des étouffements dans son élevage de veaux de boucherie. Il élève aussi des poules pondeuses mais n'en avait pas lors de l'épisode neigeux. Pour l'eau, en attendant qu'elle revienne (le mardi), il s'est servi du forage fait par son grand-père. Pour lui, « 2019 est une année noire, avec la grêle, la sécheresse et la neige. C'est une année à oublier mais les hautes autorités doivent s'en souvenir et en tirer des enseignements ».
Ficeler le dossier calamité
Les dommages de cette neige sur la Drôme et l'Ardèche « sont supérieurs à ceux de la tempête de 1999, a signalé le préfet lors de cette sortie sur le terrain. Conçues pour résister jusqu'à deux kilos de neige au mètre linéaire, les lignes électriques ont dû en supporter huit. » Il a écouté la détresse des agriculteurs et leurs demandes. « Vous êtes les premières victimes du changement climatique, a-t-il constaté. Vous êtes sur la ligne de front. » Et il leur a assuré qu'il ferait le maximum, essaierait de simplifier les choses le plus possible. Les services de l'Etat et la chambre d'agriculture sont à l'œuvre « pour ficeler le dossier calamité agricole, obtenir le maximum et le plus vite possible ». Le président de la FDSEA, Grégory Chardon, a d'ailleurs appelé les agriculteurs à faire remonter les problèmes : « On a besoin d'informations pour la mission d'enquête et constituer le dossier ». Cette mission a lieu ce 29 novembre. Et un comité départemental d'expertise se réunira le 9 décembre.
Grégory Chardon comme le président de la chambre d'agriculture, Jean-Pierre Royannez, ont salué la réactivité du préfet, son soutien au monde agricole. Concernant les agriculteurs multi-sinistrés, le président de la FDSEA n'a pas caché son désarroi : « Ils n'en peuvent plus. Je ne sais plus quoi leur répondre. On attend encore des mesures annoncées en juin par le ministre de l'Agriculture ». Pierre Combat, vice-président de la chambre d'agriculture, a ajouté : « On sait qu'on peut compter sur le préfet pour interpeller le ministre ». Des agriculteurs « ne repartiront pas, malheureusement, a déploré Jean-Pierre Royannez. Il faut se serrer les coudes. Mais, sans moyens particuliers, on n'y arrivera pas. » Pour accompagner les agriculteurs sinistrés par la neige, le Crédit Agricole Sud-Rhône-Alpes va prendre des mesures de même type que pour la grêle, a annoncé son vice-président Jean-Henri Brunel.
Annie Laurie
Intempéries /La MSA propose un accompagnement socialSuite aux nombreux dégâts occasionnés par les fortes chutes de neige , la MSA informe qu'elle mobilise l'ensemble de ses travailleurs sociaux pour proposer un accompagnement adapté aux besoins de chacun. N'hésitez pas à prendre contact au 0475756895 choix 2.Et, suite aux intempéries exceptionnelles qu'a connu l'année 2019, la MSA obtient une enveloppe nationale de 7 millions d'euros du ministère pour répondre aux nombreuses sollicitations, qui permettra notamment d'aider les agriculteurs touchés par le séisme et la neige abondante.
Réactions d'élus /
Le 21 novembre, dans un communiqué de presse, le président de la Région, Laurent Wauquiez, annonce qu'un plan de 10 millions d'euros pour la Drôme et l'Ardèche suite à la tempête de neige et au séisme sera proposé au vote lors de la prochaine assemblée plénière. Il demande à l'Etat le déblocage d'un fonds d'urgence équivalent et la mise en place d'une mission d'enquête « pour identifier la série de dysfonctionnements qui n'ont pas permis de rétablir une situation stabilisée dans des délais raisonnables ». Il juge « ni normal, ni acceptable » que, dans un pays comme le nôtre, des foyers soient privés d'électricité pendant plus de huit jours. Dans ce communiqué, il souhaitait aussi que le Premier ministre vienne « constater la situation et apporte des réponses concrètes ».
Dans un courrier adressé au ministre de l'Agriculture le 19 novembre, la députée de la Drôme Emmanuelle Anthoine a écrit : « Les agriculteurs ont besoin que l'Etat leur vienne en aide, la solidarité nationale doit être pleinement mobilisée. En juin, vous vous étiez engagé à ce "qu'aucune exploitation ne mette la clé sous la porte". Je vous demande donc de débloquer des aides permettant la résilience de ces exploitations en prenant en charge l'intégralité des pertes subies à l'occasion de ces intempéries dramatiques ». Elle a également interpellé le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur.
Le même jour à l'Assemblée nationale, la députée de la Drôme Célia de Lavergne a adressé une question d'actualité au gouvernement. « Nous sommes nombreux à nous interroger sur le demain, a-t-elle dit. A circonstances exceptionnelles, réponses exceptionnelles. Comment nos collectivités, acteurs économiques, agriculteurs, commerçants, les populations vont-ils être indemnisés des conséquences de cet épisode météorologique exceptionnel ? » Et d'ajouter : « Il faudra, le temps venu, faire un retour d'expérience de ce que nous avons vécu sur le terrain ».
Rencontre avec Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement

Assistant à cette rencontre, le président de la chambre d'agriculture, Jean-Pierre Royannez, est revenu sur les sinistres climatiques de cette année dans la Drôme (gel, grêle, canicule, neige). Il a notamment demandé un assouplissement des règles de financement afin que les collectivités (Région, Département) puissent aider les agriculteurs « à être plus résilients ». Par exemple, que des arboriculteurs victimes de la dernière neige puissent être soutenus pour remettre en état leurs vergers en restructurant les arbres, lorsque c'est possible, plutôt que de les arracher. Dans les vergers de noyers et châtaigniers, le travail va être colossal. Alors, si les producteurs pouvaient être aidés par des équipes pour les nettoyer, élaguer, ce serait un grand soulagement pour eux. Il en a fait part à Sibet Ndiaye. Autre demande : réparer au plus vite le réseau de téléphonie et internet.
Photo : Lors de la rencontre avec Sibeth Ndiaye chez Anthony Roche, arboriculteur à Alixan. Crédit photo : Préfecture de la Drôme.