Dégâts du gel 2021 : un constat sans appel
En vue d’activer rapidement le Fonds des calamités agricoles, des missions d’enquête évaluent les dégâts du gel sur fruits à noyaux et poires.

Dans la nuit du 7 au 8 avril, par son intensité et sa durée le gel a provoqué des dégâts considérables sur un grand nombre de productions agricoles. Cela est indubitable et l’indemnisation des pertes par le fonds des calamités est très attendue. Pour activer ce dispositif, plusieurs étapes sont nécessaires (voir ci-dessous), à commencer par l’organisation de missions d’enquête. Au vu de l’ampleur des dégâts, il a été décidé de scinder le dossier de demande de reconnaissance au titre des calamités agricoles en deux tranches. La première concerne les fruits à noyaux car les dégâts sont visibles et mesurables de suite. Les poires devraient être ajoutées. La deuxième tranche examinera toutes les autres productions sinistrées (autres fruits à pépins, viticulture, grandes cultures, productions fourragères, Ppam, maraîchage…).
« Plus rien à ramasser »
Ainsi, le 6 mai, une première mission d’enquête « fruits à noyaux et poires » a visité plusieurs vergers du Nord-Drôme, d’Albon à Saint-Marcel-lès-Valence en passant par Moras-en-Valloire et Chantemerle-les-Blés. Y ont participé, selon le règlement édicté, la direction départementale des territoires (DDT) de la Drôme représentée par Dominique Chatillon, chef du service agriculture, et Manon Courias, son adjointe. Au niveau de la profession, étaient présents Bruno Darnaud, représentant le président de la chambre d’agriculture, ainsi que deux agriculteurs non concernés par le sinistre : Bruno Graillat et Eric Robert.
Au Creux de la Thine à Albon, ils ont pu mesurer les pertes de récolte sur les vergers de l’EARL Chaléat. Sur cerisiers, pêchers et abricotiers, « il n’y a plus rien à ramasser », déplore Mathieu Chaléat, gérant, et ce malgré la panoplie de moyens de lutte déployée (bougies, chaufferettes, Frostguard, aspersion sur ou sous frondaison). Les taux de pertes oscillent entre 95 à 100 %.
« Un gel d’hiver en avril »
Au pays de la poire, à Moras-en-Valloire, l’EARL Vallet ne récoltera pas grand-chose elle aussi. Les arbres ne portent quasiment plus aucun fruit. Partout, le même scénario s’est déroulé : des températures négatives dès 22 ou 23 heures le 7 avril qui n’ont cessé de dégringoler jusqu’à 8 h le lendemain. « Nous avons eu un gel d’hiver en avril », résume Dominique Chatillon. Dans ce secteur, les producteurs s’inquiètent aussi des nouvelles restrictions d’eau qui leur sont imposées et ne décolèrent pas.
L’étape suivante a conduit la mission d’enquête à Chantemerle-les-Blés, chez Adrien Fay. Ses 35 ha d’abricotiers ont une nouvelle fois gelé. L’an dernier, il n’avait récolté que 73 tonnes ! Cette année, ce sera encore moins. Depuis sa première saison en 2015, les sinistres s’enchaînent. En trois ans, il en a connu trois : l’orage exceptionnel de grêle du 6 juillet 2019, le gel en 2020 et celui de cette année. Une situation qui pèse autant sur les finances que sur le moral.
Cette mission d’enquête s’est terminée à Saint-Marcel-lès-Valence chez Jean-Marie Royannez, avec le même constat. Une seconde a été organisée le 11 mai dans le secteur de Livron-Loriol. Et une troisième est prévue très prochainement dans les Baronnies.
Christophe Ledoux
Calamités agricoles : quand et combien ?
« Comme nous sommes sur un gel tout à fait exceptionnel, la reconnaissance du sinistre ne devrait pas poser de difficultés au regard de la notion d'aléa climatique exceptionnel », assure Dominique Chatillon, chef du service agriculture à la DDT de la Drôme. Pour les fruits à noyaux et les poires, cette reconnaissance devrait intervenir dès le 7 juillet, lors de la réunion du Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA, ex-Fonds national des calamités). La décision favorable de cette instance activerait alors le dispositif d’indemnisation par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Les producteurs drômois pourraient alors déposer leur demande dès cet été et espérer une indemnisation avant la fin de l’année.
Avant cela, et à l’issue des missions d’enquête « fruits à noyaux et poires », la DDT de la Drôme va rédiger un rapport comprenant l'état des pertes, des bilans météos… Celui-ci sera examiné par les membres du comité départemental d'expertise (CDE) le 1er juin pour être transmis au CNGRA au plus tard le 3 juin.
Pour les autres productions sinistrées, un dispositif similaire sera enclenché prochainement.
Indemnisations
Pour bénéficier d’une indemnisation du FNGRA, deux conditions sont nécessaires : la perte sur la culture endommagée doit représenter au moins 30 % ; et l’ensemble des pertes (toutes productions confondues) doit dépasser 13 % de la valeur du produit brut théorique de l'exploitation (aides Pac comprises). Tout est rapporté à un barème départemental mis à jour fin 2019. Pour l’abricot irrigué, ce barème prévoit une production de 18 tonnes par hectare à 1 euro le kg duquel sont à déduire des frais de récolte de 960 euros. Les taux d’indemnisation varient selon les pourcentages de pertes (de 20 à 35 %). D’après les annonces du gouvernement, l’indemnisation maximale pourrait atteindre 40 %, celui-ci s’étant engagé à déplafonner le FNGRA.
Ainsi, actuellement, pour un verger d’abricotiers irrigué avec une perte de récolte supérieure ou égale à 70 %, l’indemnisation théorique représente à l’hectare 5 340 € (18 000 kg x 1 € x 35 % moins 960 €). Si le taux était porté à 40 %, elle atteindrait théoriquement 6 240 €.
A noter, les indemnités de calamités n’entrent pas dans le calcul des minimis*.
C. L.
* règle européenne instaurant un plafond d’aides reçues par les entreprises (en agriculture, 20 000 € sur trois exercices fiscaux consécutifs).