Déménager pour céder sa ferme

A soixante ans, René Veillon va pouvoir profiter d'une retraite bien méritée après avoir élevé un troupeau de vaches laitières pendant trente-trois ans à Coise (Rhône) dans les monts du Lyonnais. Son épouse, Bernadette, conjointe collaboratrice sur l'exploitation, continue de travailler comme secrétaire à temps partiel au service de remplacement. Sachant que leurs enfants ne souhaitaient pas reprendre l'exploitation familiale, Bernadette et René Veillon ont entrepris les démarches en vue de trouver un repreneur avec l'envie de permettre l'installation d'un jeune. Ils voulaient éviter que leur exploitation ne soit démantelée au profit de l'agrandissement d'autres fermes aux alentours. Dans cette zone d'élevage des monts du Lyonnais, la pression foncière demeure et les jeunes ne sont pas très nombreux à s'installer. Localement, des agriculteurs étaient intéressés pour exploiter les parcelles, mais sans avoir besoin de bâtiment supplémentaire. Au moment de son départ à la retraite en juillet 2015, René Veillon avait vingt-cinq vaches laitières (production en laiterie) et 30 hectares de SAU (prairies, céréales et maïs en autoconsommation). Les deux tiers des terrains sont à proximité de la ferme sur les communes de Coise et Saint-Symphorien-sur-Coise (Rhône), le tiers restant se trouve à trois km de distance. Il y a deux ans et demi, l'exploitation de ce couple d'éleveurs a été inscrite sur le répertoire départ/installation de la chambre d'agriculture. Différents candidats aux profils professionnels variés sont venus visiter la ferme, mais cela n'a pas abouti. Néanmoins, le fait d'avoir mis aux normes les bâtiments de l'exploitation assez récemment a sans doute été un plus pour attirer des candidats à l'installation.
Installer un jeune de la région
Finalement, c'est par le bouche-à-oreille que le contact s'est fait en fin d'année 2014 avec un jeune de Pomeys (commune voisine de Coise) à la recherche de terrains et d'un bâtiment pour conforter son projet d'installation en élevage bovin laitier. Son BTS en poche, Thomas Dubœuf a pu ainsi s'installer en août 2015 en s'associant en Gaec avec son père. Désormais, il loue les terrains, la stabulation et la maison d'habitation appartenant à René Veillon, propriétaire de 11 hectares sur les 30 de SAU. « Tous les propriétaires de nos parcelles étaient partants pour une location à un jeune de la région qui cherchait à s'installer, précise le cédant. D'ailleurs, on avait pris les devants en demandant aux cinq propriétaires concernés s'ils étaient d'accord pour louer à un jeune repreneur. » Par la suite, René Veillon et Thomas Dubœuf sont allés rencontrer ensemble chacun des propriétaires. S'agissant de la stabulation, Thomas Dubœuf et son père ayant une salle de traite, ils utilisent à présent le bâtiment de René Veillon pour loger les génisses et les vaches taries. Cette stabulation de 440 m2 sur aire paillée et caillebotis, dispose d'une trentaine de places aux cornadis et d'une étable entravée. Concernant la maison d'habitation,
« quand on a rencontré les candidats à la reprise, on leur a proposé d'habiter sur place, mais en leur laissant le choix, explique Bernadette Veillon. On était prêt à louer la totalité des bâtiments, donc y compris notre maison d'habitation de 150 m2. On a préféré attendre d'avoir signé le bail en juillet 2015 pour rechercher une autre maison à acheter », qu'ils ont ensuite trouvée à Saint-Symphorien-sur-Coise. Ils n'avaient pas anticipé cette situation parce qu'ils ne savaient pas à l'avance si le candidat allait être intéressé pour louer l'ensemble. Thomas Dubœuf tient à souligner que ce couple d'éleveurs s'est montré « vraiment arrangeant en faisant beaucoup de concessions ». Pour les cédants, même si c'est souvent difficile moralement de quitter leur propriété familiale à laquelle ils sont attachés depuis longtemps, « il ne faut pas avoir peur de laisser sa maison d'habitation, c'est un plus pour le repreneur de pouvoir habiter sur place », reconnaît Bernadette Veillon. Le refus de quitter sa maison peut être un frein à la transmission de l'exploitation hors cadre familial. Le témoignage de René Veillon le montre bien, lui qui conseille aux cédants de « prendre le temps d'installer un jeune ».
Colette Boucher
Prix : en 20 ans, se loger coûte deux fois plus
Le logement constitue aujourd’hui un poste de dépenses particulièrement lourd dans le budget des ménages. En 1995, un ménage français consacrait en moyenne 18 % de ses revenus pour se loger. Ce taux a augmenté pour atteindre 22,5 % en 2014, selon l’Insee. La situation est encore plus difficile pour les locataires du parc privé qui consacre plus de 30 % de leur revenu disponible pour se loger. Pour les actifs agricoles, se loger peut rapidement devenir compliqué, s’il n’est pas possible d’habiter sur place. Pour les salariés agricoles, les zones périurbaines posent souvent des problèmes d’accès au logement du fait de prix trop élevés des loyers ou des biens à vendre. Les loyers ont globalement augmenté plus vite que le revenu moyen des locataires et le prix des logements à la vente depuis 2000 a augmenté en moyenne de 80 % de plus que les revenus disponibles.L’influence urbaine
Si les grandes villes sont plus concernées par la hausse des prix des logements et des loyers, les zones périurbaines sont également sous influence forte du marché immobilier urbain. Les villages à moins de 25-30 minutes d’une grande ville affichent des prix plus élevés que ceux situés à plus de 45 minutes.
Sur les cinq dernières années, alors que les prix ont reculé dans les zones rurales ou les villes moins attractives comme dans l’Ain et la Loire, avec une baisse des prix de 5,5 %, les prix des logements ont continué d’augmenter de 5,1 % dans le Rhône du fait de l’attractivité de l’agglomération lyonnaise, selon la chambre des notaires du Rhône.
Dans le Rhône, le prix médian d’un logement se situe à 145 000 euros. Dans l’Ouest Lyonnais, il grimpe à 172 000 euros contre 87 000 dans le Beaujolais ou 98 500 dans le pays d’Azergues. S’éloigner des grandes villes permet certes de payer moins cher son logement mais, par effet de contagion, la hausse des prix à Lyon pousse également les prix des environs vers le haut. Certaines zones rurales sont parfois également concernées par un coût des logements importants en fonction de leur attractivité économique ou touristique. C’est par exemple le cas du sud Ardèche où l’attractivité touristique fait grimper les prix des logements pour les locaux. On retrouve également ce phénomène dans les vallées alpines.
Camille Peyrache