Dépérissement de la lavande : des techniques agro-écologiques testées

Afin de combattre le dépérissement de la lavande et du lavandin, la chambre d'agriculture de la Drôme met en place, avec des producteurs, deux parcelles tests de solutions agro-écologiques devant aussi servir de vitrines. Et elle se charge du suivi technico-économique des parcelles. Cette action s'inscrit dans le cadre du réseau national d'expérimentation dédié aux plantes à parfum, aromatiques et médicinales composé aussi de l'Iteipmai(1), du Crieppam(2) et du CNPMAI(3).
Nommé « Lab des plantes à parfum », ce nouveau programme (sur les années 2015 à 2017) prend le relais du plan stratégique pour la lavande et le lavandin (années 2012 à 2014). Il bénéficie lui aussi du soutien financier de FranceAgriMer. Sa finalité est de montrer comment mettre en œuvre ces pratiques agro-écologiques.
Des plants sains certifiés
Le Lab des plantes à parfum est destiné à tester des pratiques agro-écologiques chez des agriculteurs sur de jeunes plantations. La première de ces méthodes alternatives est d'utiliser des plants sains, c'est-à-dire indemnes du phytoplasme du stolbur et certifiés par le Soc(4).
L'enherbement de l'inter-rang
La deuxième alternative est un enherbement gazonnant permanent de l'inter-rang de la culture. « Il freine le dépérissement, donc accroît la durée de vie de la culture, explique Cédric Yvin, conseiller en Ppam(5) à la chambre d'agriculture de la Drôme. Moins de cicadelles et de symptômes de cette maladie sont observés avec cette technique. La première année de résultats montre une concurrence de l'enherbement vis-à-vis de la culture. Cela est à nuancer du fait des conditions caniculaires de l'été 2015. Cette concurrence devrait s'atténuer au cours du temps car l'enherbement devrait favoriser un enracinement profond de la lavande. Pour en savoir davantage, des essais sont en cours au sein de la plateforme d'expérimentation Ppam de la chambre d'agriculture, avec le soutien du Pep(6) « arômes et parfums » ainsi que de FranceAgriMer. A noter aussi, l'enherbement est un moyen de gérer les adventices dans les inter-rangs. »
Différents couverts sont testés, ainsi que leur concurrence à la culture. L'enherbement est implanté dans les inter-rangs mais seulement sur 80 centimètres. Entre le gazon et les rangs de lavande, une bande de 40 centimètres est travaillée avec une bineuse équipée de lames Batelier. L'enherbement, lui, est entretenu avec un broyeur spécial. « On se rend compte aussi que cette concurrence génère une meilleure teneur en huile essentielle, ajoute Cédric Yvin. Les pailles sont plus courtes, donc le volume à distiller est moins important et les épis sont plus concentrés en huile essentielle. »
La pulvérisation d'argile
Troisième méthode à l'essai : l'argile kaolinite, qui crée une barrière physique gênante pour la cicadelle et modifie la couleur des plantes. Elle est pulvérisée juste avant et pendant la période de vol de l'insecte pour limiter ses piqûres sur les plants. Elle est appliquée avec un pulvérisateur classique équipé de buses orientables (kit Teejet).
Ces méthodes alternatives induisent des changements dans l'organisation du travail et l'acquisition de matériel spécifique. Mais, « sa durée de vie étant allongée, la plantation rapportera plus longtemps. Ainsi, les frais engagés seront largement amortis », fait remarquer le conseiller.
Une première vitrine à Chamaloc
Une parcelle vitrine est déjà en place au Gaec des Quatre vallées (Cécile et Alain Aubanel et Maxime Méjean) à Chamaloc, dans le Diois. Une autre le sera cette année chez Landry Faucon à Réauville. « L'idée, indique Cédric Yvin, est d'y organiser des rencontres "Bout de champ" autour de la production de plants sains et de démonstrations de matériel. » Une visite de ce type a déjà eu lieu à la mi-août 2015 sur la parcelle vitrine de Chamaloc. Une autre est prévue en avril à Réauville. L'animation de groupes de producteurs est aussi envisagée afin qu'ils s'approprient ces techniques nouvelles.
Annie Laurie
(1) Iteipmai : institut technique interprofessionnel des plantes à parfum, médicinales et aromatiques.
(2) Crieppam : centre régionalisé interprofessionnel d'expérimentation en plantes à parfum, aromatiques et médicinales.
(3) CNPMAI : conservatoire national des plantes à parfum, médicinales, aromatiques et industrielles.
(4) Soc : service officiel de contrôle et certification des semences et plants.
(5) Ppam : plantes à parfum, aromatiques et médicinales.
(6) Pep : pôle d'expérimentation et de progrès (dispositif de soutien financier de la Région).
Pour en savoir plus, contacter Cédric Yvin (06 27 61 31 55).
Le dépérissement de la lavande
Un phytoplasme transmis par une cicadelle
Depuis 1987, les lavandes et lavandins subissent des attaques du phytoplasme du Stolbur, transmis par un insecte piqueur inféodé à ces deux cultures. Il s'agit de la cicadelle Hyalesthes obsoletus. Les plantes atteintes jaunissent, puis se dessèchent et finissent par mourir. Les zones traditionnelles de production sont les plus touchées mais la vallée du Rhône l'est aussi. Les plantations sont surtout sensibles à cette maladie au cours de leurs deux premières années. Des variétés le sont plus que d'autres.La lutte chimique n'est pas efficace contre cette cicadelle. Seule la lutte agro-écologique donne des résultats : plants sains, semis direct de lavandes, enherbement des inter-rangs, pulvérisation d'argile pendant la période de vol des cicadelles, rotation des cultures.

Point de vue / Lavandiculteur à Chamaloc au sein du Gaec des Quatre vallées, Alain Aubanel est aussi élu de la chambre d'agriculture référent en Ppam. Son avis sur les méthodes agro-écologiques et parcelles vitrines.Les pratiques alternatives, « le jeu en vaut la chandelle »

Alain Aubanel : « Nous cultivons une trentaine d'hectares de lavande (4 ha) et lavandin. Nous produisons de l'huile essentielle surtout et des fleurs pour bouquets, vendues en direct au maximum. Le reste est acheté par des négociants traditionnels. »Pourquoi une parcelle vitrine sur votre exploitation ?
A. A. : « Nous appliquons déjà toutes les méthodes alternatives préconisées. Nous utilisons des plants sains depuis une dizaine d'années, pulvérisons de l'argile depuis trois ans, les entre-rangs sont enherbés depuis l'an dernier. Et j'estime intéressant d'échanger avec d'autres producteurs. Les rencontres "Bout de champ" sont un moyen de voir fonctionner du matériel, de prendre connaissance des évolutions et de discuter. La vitrine permet de montrer que les méthodes alternatives ne sont pas si compliquées que ça à mettre en œuvre. J'ai été surpris par le nombre d'agriculteurs ayant participé à la visite de notre parcelle vitrine, en août. Cela prouve qu'ils sont intéressés par ce genre de rencontre avec démonstrations dans les champs. Le partage d'expériences est enrichissant. »Comment mettez-vous en œuvre les méthodes alternatives ?
A. A. : « Pour le lavandin, nous achetons des boutures herbacées à l'Ardema(*) et les élevons dans notre serre selon le cahier des charges "plants sains". Pour la lavande, plus délicate, nous nous fournissons auprès de pépiniéristes producteurs de plants sains. Le taux de reprise est quasiment de 100 %. Chaque année, nous constatons que les plants sains (régénérés in vitro) sont plus vigoureux. Ils poussent plus vite et sont productifs dès la deuxième année. On gagne un an.
Concernant l'enherbement, nous semons des mélanges de graminées pour vignes. Nous entretenons le couvert végétal avec le broyeur double rang de l'Ardema et les plants avec une bineuse spécifique équipée de doigts kress. Notre but étant de partager du matériel avec d'autres, nous projetons de nous équiper via une cuma. J'estime l'autoconstruction collective intéressante pour les bricoleurs. Et, pour ceux qui ne le sont pas, je souhaite qu'un constructeur conçoive un broyeur adapté à l'entretien des inter-rangs enherbés. Outre son intérêt contre le dépérissement, l'enherbement est précieux pour lutter contre l'érosion dans les champs pentus. En plus, il rend le sol davantage portant. L'argile, nous en appliquons les trois premières années, c'est suffisant. Nous le faisons avec un pulvérisateur classique sur lequel est adapté un kit de trois buses pour concentrer le produit sur le rang.
Le coût de ces méthodes alternatives n'est pas inabordable. Aujourd'hui, la durée de vie de nos plantations est de huit, neuf voire dix ans. Avant, elle était de quatre à cinq ans. Donc, selon moi, le jeu en vaut la chandelle. »Propos recueillis par Annie Laurie(*) Ardema : association de recherche et de développement en économie montagnarde agricole (à la ferme expérimentale de Mévouillon).