Dépérissement de la vigne : les parlementaires au chevet du vignoble
la première fois en France, ce 8 février à Arbois. Le député Jean-Marie Sermier (LR, Jura) a annoncé qu'il préparait
une proposition de loi. L'agrochimiste BASF a, quant à lui, présenté un moyen de lutte.

Deux ans après la remise du rapport parlementaire de Jean-Marie Sermier (député LR, Jura) et Catherine Quéré (ancienne députée de Charente-Maritime) sur les maladies de la vigne et du bois, la recherche dans le monde viticole avance et des solutions vont enfin pouvoir être proposées aux viticulteurs. Dans une des zones les plus touchées par ces maladies en France, le Jura, les acteurs du monde viticole ont présenté l'ampleur de leur étendue et les moyens de lutte existants et en développement. Le vignoble français est menacé par l'avancée inexorable des maladies du bois. En tête de ces maladies, l'esca et l'eutypiose, causées toutes deux par des champignons pathogènes. L'enjeu est considérable : l'impact de l'esca et de l'eutypiose sur le vignoble français est estimé à 1 milliard d'euros. Le dépérissement des ceps, présent en Europe et dans le monde entier, touche tout le vignoble français. Sans moyens de lutte efficaces, depuis l'interdiction de l'arsénite de sodium en 2001, les viticulteurs sont désarmés. La filière vitivinicole, considérant ce problème comme prioritaire, s'est engagée dans un important plan national de lutte contre le dépérissement du vignoble (lire en encadré) et se tourne vers la recherche.
Multiples facteurs
Les dépérissements ne sont pas liés uniquement aux maladies du bois mais résultent d'un ensemble d'agressions, d'ordre biologique, climatique et technique. Ce sont ces différentes formes de dépérissements qui conduisent à une baisse de rendements et à la mort prématurée des ceps. « Il s'agit d'un phénomène complexe, souvent mal connu, soit parce que les voies de recherche ont été peu explorées, soit que les méthodes scientifiques ne le permettaient pas », explique Céline Abidon de l'Institut français de la vigne et du vin (IFV). Aujourd'hui les recherches se concentrent sur la réduction des effets de ces maladies et non plus sur leurs causes. Parmi les méthodes, des techniques apportent satisfaction à certains viticulteurs comme le recépage ou le curetage quand les premiers symptômes apparaissent. Puis la solution ultime : l'arrachage et le remplacement par un jeune plant.
Un pansement sur les plaies de taille
Les vignerons sont en attentes de solutions efficaces, voire préventives. Une des solutions consiste à éviter l'infection ou la propagation en surveillant les plaies de taille. La société BASF a développé une méthode qui consiste à déposer un pansement sur les plaies de taille qui assure à la fois une protection physique et chimique. Le procédé a été présenté pour la première fois en France à des vignerons, le 8 février à Arbois, par Pierre-Antoine Lardier, responsable du pôle viticulture BASF : « La protection physique repose sur un polymère pulvérisable dans une solution aqueuse qui forme un film protecteur solide à la surface de la plaie, empêchant l'entrée des spores de champignons dans le cep. La protection chimique repose sur deux fongicides à large spectre, la pyraclostrobine et le boscalid, qui luttent contre les champignons responsables de la maladie du bois. » Cette solution, déjà homologuée en Italie, devrait être proposée en France dès l'hiver prochain.
Travail parlementaire
À l'initiative de Jean-Marie Sermier, député du Jura, et Catherine Queré, ancienne députée de Charente-Maritime, une proposition de texte de loi va être présentée prenant en compte diverses questions comme l'arrachage de certaines vignes en friche, l'utilisation possible, par arrêté conjoint des ministres de l'Agriculture et de l'Environnement, de produits qui n'ont pas encore d'autorisation de mise en marché. Ce texte de loi, s'il est adopté, devrait permettre aux acheteurs de plants de vigne de demander une certification sur le traitement des jeunes plants, prévoir un statut juridique pour pouvoir prétendre à la réserve de volumes, proposer un crédit d'impôt pour les entreprises et les particuliers qui souhaitent soutenir la recherche et créer un observatoire des maladies du bois. Le rapport parlementaire sur les maladies de la vigne et du bois considère également que l'esca doit être soumis à une surveillance et une lutte obligatoire au même titre que la flavescence dorée. La lutte s'organise et fait appel autant aux acteurs privés que publics.
I. P.
Dépérissement du vignoble / Le plan national
Le plan national dépérissement du vignoble est un véritable plan de bataille engagé par la profession viticole représentée par le Cniv, avec le soutien de FranceAgriMer, du ministère de l’Agriculture et de l’IFV. Il est doté d’un fonds de plus de 10 millions d’euros sur 3 ans (2017-2020) financé à parité par la profession et l’État, pour lutter contre le dépérissement du vignoble. L’enjeu est de taille. Rappelons que la viticulture française emploie 558 000 personnes. Deuxième secteur d’exportation français avec 7,8 milliards d’euros, derrière l’aéronautique, elle est présente sur 800 000 ha et produit 17 % des volumes de vin de la planète.
Quelles sont les perspectives de lutte contre les maladies du bois et de la vigne ?
Des travaux ont été lancés depuis plusieurs années. Nous commençons aujourd’hui à en voir les résultats. Mais face à ces maladies complexes – plus de 70 facteurs impactent le dépérissement des ceps de vigne –, une solution unique ne sera pas satisfaisante. Neuf projets de recherche sont en cours. Les perspectives portent à la fois sur la lutte curative, avec l’arrivée de nouveaux fongicides notamment, et sur la lutte préventive. Cette lutte préventive passe par l’innovation dans les pratiques de taille et de gestion de vignoble, ainsi que l’innovation en pépinière avec un matériel végétal adapté. Le projet Vitimage piloté par l’IFV, avec le soutien du CNRS de Montpellier et le Comité interprofessionnel du vin de Champagne, vise notamment à comprendre la propagation des pathogènes responsables de la maladie du bois grâce à l’imagerie (rayons X...). Nous pourrons ainsi chercher des solutions pour améliorer la prévention, la qualité des plants, etc. Le projet Eureka, piloté par l’université de Haute-Alsace, propose une approche multidisciplinaire pour lutter contre les maladies du bois. Tout d’abord une approche curative grâce à de nouvelles techniques d’endothérapie végétale (NDLR : injections dans le tronc pour diffuser des substances actives dans le bois). Également une approche préventive simple qui repense l’architecture du pied de vigne, à l’instar de l’utilisation du porte-greffe pour lutter contre le phylloxéra. Et enfin une étude de l’impact du greffage et une identification des bonnes pratiques culturales. Ces travaux innovants nous font espérer des solutions concrètes et transposables dans les vignobles, dans les prochaines années.