Des agneaux d'herbe performants avec des béliers sélectionnés en bergerie

L'organisation de la sélection chez les ovins allaitants est telle que le progrès génétique sur les aptitudes bouchères est essentiellement réalisé par la voie mâle. Les protocoles de contrôle individuel et de testage sur descendance des béliers sont basés sur une conduite en bergerie avec un aliment complet distribué en quantité élevée. Or, l'utilisation de ce type de conduite en sélection est parfois remise en cause par les producteurs d'agneaux d'herbe (finis quasi exclusivement au pâturage) qui doutent de la capacité des béliers sélectionnés de cette façon à être performants pour une production d'agneaux d'herbe. D'où l'étude menée à la ferme expérimentale de Fedatest à Mazeyrat d'Allier (Haute-Loire), visant à comparer les performances bouchères de deux lots d'agneaux issus de béliers sélectionnés selon le protocole du testage sur descendance : un lot conduit en bergerie et l'autre conduit à l'herbe », expliquent les auteurs de l'étude. Huit béliers de race rouge de l'ouest ont été mobilisés pour constituer en 2010 deux lots d'insémination et huit autres mâles de la même race ont été à l'origine de deux lots d'IA en 2012. En 2010, les 379 inséminations effectuées ont permis d'obtenir 314 carcasses exploitables : 205 issues d'agneaux de bergerie et 109 d'agneaux menés à l'herbe. En 2012, à partir de 382 IA, 175 carcasses d'agneaux de bergerie et 103 d'herbe ont été exploitées.
Un GMQ légèrement inférieur
Les agneaux ayant été finis à l'herbe ont consommé en moyenne 27 kilos d'aliment en 2010 et 22 kilos en 2012, de la naissance à l'abattage. Les agneaux d'herbe ont eu une croissance inférieure à celle des agneaux de bergerie. « Ces derniers sont en effet parvenus à croître en moyenne de 18 g/j de plus que leurs homologues conduits à l'extérieur. De ce fait, les agneaux de bergerie ont été abattus en moyenne 8 jours plus tôt que les seconds. » Les agneaux de bergerie ont déposé en moyenne un millimètre de gras dorsal de plus que les agneaux d'herbe. Ils ont par ailleurs gagné un tiers de classe de conformation, R + contre R = chez les agneaux conduits à l'herbe. « Enfin, les agneaux produits en bergerie ont eu un rendement en carcasse supérieur de 2,8 % par rapport à celui des agneaux élevés à l'herbe. » L'évaluation génétique a porté sur treize des seize béliers utilisés pour l'étude, en raison d'un nombre insuffisamment de descendants élevés en bergerie avec des performances de carcasse. Elle a permis d'identifier cinq béliers avec un indice de synthèse (IS) positif, défini comme « béliers améliorateurs », cinq avec un IS négatif, identifié comme béliers détériorateurs et trois avec un IS médian. En triant les béliers selon leur indice de synthèse, des différences significatives sont observées au niveau des performances de conformation et d'engraissement chez les agneaux de bergerie. En revanche, chez les agneaux d'herbe « on ne distingue de différences significatives qu'au niveau de la note de conformation. Concernant le gras, les agneaux d'herbe issus de béliers améliorateurs ont de meilleures notes pour l'épaisseur de gras dorsal et de gras de rognon ». Enfin, quand les béliers sont triés sur la note de conformation, « on note des différences significatives pour la compacité de la carcasse et la note de conformation chez les agneaux élevés à l'herbe. »
Choisir des béliers améliorateurs
« La comparaison des performances corrigées des descendants élevés à l'herbe et en bergerie a permis de montrer que les meilleurs béliers pour la production d'agneaux de bergerie sont aussi les meilleurs pour la production d'agneaux d'herbe. » Une étude similaire menée en race charollaise avec des effectifs moindres confirmait dans cette seconde race la tendance d'une supériorité à l'herbe des béliers qualifiés d'améliorateurs à l'issue du testage en bergerie.
Cyrielle Delisle
Source : Journées rencontres recherches ruminants 2016.
Fourrage / L’herbe représente en moyenne plus de la moitié de la ration des ruminants et jusqu’à 80 % pour l’élevage allaitant. Améliorer
sa valorisation et les rendements doit être un objectif prioritaire.
Des clés pour faire de l’herbe le meilleur des aliments
La production herbagère a été au centre de la journée du 18 mai à Villefranche d’Allier, avec comme ambition : optimiser sa valorisation. L’enjeu est de taille puisque l’herbe représente 60 % de la ration moyenne des ruminants, et 80 % de celle des bovins et ovins viande. « La bonne gestion des prairies et une culture adaptée permettent de récolter du fourrage de qualité, de sécuriser les apports durant la période hivernale et d’optimiser le facteur de production "SAU" en fonction du nombre d’animaux. L’adéquation entre production fourragère, objectifs de l’éleveur et besoins des animaux est primordiale », a indiqué Bertrand Laboisse, président des coopératives Feder et de Socaviac. Aliment socle des exploitations d’élevage, l’herbe bénéficie d’un capital « sympathie » certain auprès des consommateurs. « L’élevage à l’herbe est au diapason de leur quête de naturalité », a insisté Gabriel Tavoularis du CrédocPlaidoyer internationalReste que l’herbe, ça se cultive. Le constat est unanime, y compris au sein même de la FAO. Dans un récent rapport, l’organisation internationale, estime en effet qu’une meilleure gestion des parcours et une augmentation des pâtures et de la production de foin, associées à une meilleure utilisation des résidus de récolte et des autres coproduits agricoles en tant qu’aliments pour animaux, offrent d’énormes possibilités pour l’instant sous-exploitées en termes d’amélioration de la productivité de l’élevage, tout en contribuant à la résilience des écosystèmes agricoles et à la durabilité environnementale.Nourrir l’herbePour gagner en productivité, plusieurs leviers peuvent être actionnés, parmi lesquels celui de la fertilisation, qui a fait l’objet d’un atelier spécifique. « La fertilisation comme l’amendement, n’est pas une charge mais un investissement. C’est un levier aussi déterminant que le choix des espèces dans la prairie et le mode de récolte du fourrage », a insisté Eric Urbain, conseiller agricole. Avant d’agir, lui plaide pour l’analyse de sol : « l’herbe est à l’image du terroir : sa composition est liée à la composition du terrain ». Naturellement certains éléments apparaissent comme déficients… « Longtemps compensée par supplémentation alimentaire, la fertilisation est une voie complémentaire et efficace pour les apporter sur l’ensemble des animaux ». À chacun d’évaluer ses besoins en fonction de son terrain. La réussite de la culture herbagère passe également par la complémentation, la récolte, les équipements, le choix des semences fourragères… Autant d’éléments que les éleveurs ont pu appréhender à travers des ateliers thématiques. S. C.
Comportements alimentaires / Gabriel Tavoularis, directeur d’étude et de recherche au Crédoc livre une analyse des perceptions des consommateurs sur l’élevage et l’alimentation.
“ Pour les consommateurs, l’herbe est synonyme de qualité ”
Quel part de leur revenu, les Français consacrent-ils à l’alimentation ?
G.T. : « Dans les années soixante, cela correspondait à 30 % de leur revenu. Au fil du temps, cette part a baissé significativement, pour atteindre en 2009, le seuil critique de 18 %. Depuis, cette part progresse à nouveau, alors certes pas de manière spectaculaire, mais elle tend vers les 20 %. On mange ainsi moins de viande brute qu’il y a quarante ans, mais davantage de viande transformée. Au final, les volumes sont en recul, mais tant que la population croit, la baisse de la consommation individuelle est compensée. C’est la viande de bœuf qui est le plus impacté par la baisse de la consommation. »
Quels sont les attentes du consommateur ?
G.T. : « Même si elles sont parfois complexes à cerner, il apparaît que pour eux la naturalité est synonyme du bien manger. Tous les produits « sans » ceci ou cela, sont plébiscités. Tout ce que le consommateur recherche aujourd’hui, il le synthétise dans le produit bio. Il veut du moins mais du mieux, avec l’idée de payer davantage dans une certaine mesure pour l’obtenir. »
Estimez-vous que le contrat de confiance entre éleveurs et consommateurs doit être renouvelé ?
G.T. : « L’impact des crises sanitaires est réel. Les résidus de pesticides, les polluants inquiètent les consommateurs. Et cette inquiétude est nourrie par l’intense food-bashing distillé par les médias, alors que très objectivement les risques réels n’augmentent pas. Dans ce contexte, il est indispensable de reconquérir la confiance des consommateurs. Cela passe notamment par une amélioration de la qualité des viandes et par plus de constance dans l’offre. »