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Talents Tech&Bio

Des agriculteurs talentueux

Des agriculteurs bio se démarquant par leurs résultats techniques, économiques et environnementaux sont venus témoigner en tant que « Talents Tech&Bio ».
Des agriculteurs talentueux

Pour la troisième fois, dans le cadre des « Talents Tech&Bio », des agriculteurs ont été mis à l'honneur pour leur performance en matière de développement durable. Cette année, quinze ont été repérés aux quatre coins de l'Hexagone par le réseau des chambres d'agriculture. Le 21 septembre, ils sont venus témoigner de leur parcours respectif. Le Drômois Sébastien Blache, exploitant à Montélier, a mis l'accent sur le mode de conduite de sa ferme. « La biodiversité est le fondement de mon projet, a-t-il expliqué. C'est un système compliqué qui crée de l'hétérogénéité et donc de la biodiversité laquelle, par ses effets bénéfiques, permet de réduire les intrants. » Evoquant la « grande résilience » de sa ferme, il a également parlé de l'eau, « enjeu déterminant » si les années s'avéraient de plus en plus sèches.

« Travailler autrement »

Olivier Brès, vigneron coopérateur dans le Vaucluse, a choisi de travailler en biodynamie depuis 2015. Afin de renforcer la vigne contre les maladies, il utilise des tisanes à base de plantes (ortie, prêle, achillée...). « Avec 1,4 kilogramme par hectare et par an, j'ai divisé par deux mes doses de cuivre, a-t-il indiqué. C'est deux fois moins que ce que prévoit le cahier des charges Demeter. »
Autre Talent Tech&Bio, Eric Lepage, éleveur laitier dans la Manche, cherche à rendre sa ferme la plus autonome possible (85 vaches laitières - 85 ha). Pour cela, il optimise au maximum ses rotations et minimise les temps improductifs. « Il ne s'agit pas de travailler plus mais de travailler autrement », a-t-il confié. Une approche semblable pour Sébastien Hivert, éleveur en Ille-et-Vilaine. Ses 65 vaches allaitantes sont quasi exclusivement nourries par les cultures de l'exploitation.

« Un système pertinent »

Maraîcher bio de plein champ en Bretagne, Philippe Bihan cherche à réduire la pénibilité du travail. « L'agriculture biologique est un système pertinent même s'il y a parfois des moments de doute, a-t-il expliqué. Il ne s'agit pas d'en faire toujours plus mais de faire bien ce que l'on fait. » En pratique, il limite le binage manuel et privilégie les faux semis et le désherbage thermique. L'ensemble de ses légumes est commercialisé en circuit long.
En Saône-et-Loire, Matthieu Gauthier, lui aussi maraîcher, a repris l'exploitation de son père, en bio depuis 1979. « A l'époque, il fallait oser car il n'y avait aucun accompagnement technique et les banques ne suivaient pas, a-t-il raconté. Aujourd'hui, c'est l'inverse. » Un travail pointu est fait sur les rotations. De plus, afin de limiter le tassement du sol, il utilise des planches permanentes.

« Trouver le juste équilibre »

Dans le Haut-Rhin, Jérémy Pflieger, en Gaec avec son père, élève 20 000 poulets de chair et 2 500 pondeuses. « Au moment du projet de conversion en bio, en 2011, j'avais un doute sur la viabilité économique. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, ça fonctionne, a-t-il confié. Le plus compliqué, c'est de trouver ses limites, le juste équilibre. » La totalité de la production est vendue en circuits courts.
Polyculteurs-éleveurs, les quatre associés du Gaec des Griottes, situé en Corrèze, ont fusionné leurs fermes pour n'en faire plus qu'une. « On travaille par binôme, a expliqué Philippe Leymat, l'un des co-exploitants. Cela nous permet d'être plus efficaces, de pouvoir nous remplacer pour prendre des week-ends, des vacances... » Le Gaec comprend 110 vaches limousines, un atelier de poulets fermiers (57 200 par an), 250 ha (dont 160 de prairies, 40 de noyers, 20 de luzerne et autant de méteil). Un cinquième associé a rejoint le groupe. « On a pris notre métier en main, notre orientation et notre développement », a ajouté Philippe Leymat.
C'est également la ligne de conduite que s'est fixé Gérard Vernis, éleveur de bovins allaitants (charolais) dans l'Allier. « La santé animale m'a poussé à passer en bio. J'en avais marre de donner de l'argent au vétérinaire à chaque crise », a-t-il confié. De 2008 à 2010, avec l'aide d'un vétérinaire, il a exploré des solutions alternatives. « En économisant sur les frais de véto de l'élevage mais aussi sur les engrais et autres intrants pour les cultures, je gagne plus tout en travaillant mieux », a-t-il ajouté.

« Se démarquer »

L'idée d'une conversion à la bio, Baptiste Stalin l'a eu au supermarché. En faisant ses courses avec sa compagne, tous deux ont constaté l'attrait des consommateurs pour les œufs bio. Dès lors, son projet est lancé et son installation en Seine-Maritime se fait en 2016. Avec un poulailler de 870 mètres carrés et 2 900 poules, 725 000 œufs sont commercialisés auprès d'un grossiste. Confiant dans le marché de l'œuf bio, un nouvel associé va le rejoindre en 2018 et un second poulailler sera construit. « Ce qui compte, a-t-il dit, c'est de se démarquer. »
Dans les Alpes-de-Haute-Provence, celle que l'on surnomme « Madame Pois Chiche » a ravivé une légumineuse oubliée. « Mes formateurs étaient très sceptiques, s'est souvenue Raphaëlle Jorgensen. Aujourd'hui, ils m'envoient des stagiaires. » Pour limiter les adventices, elle utilise la technique des faux semis. Et pour valoriser sa production, elle la transforme elle-même en « poichichade », un produit à tartiner. L'exploitation compte 28 ha dont 8 de pois chiche, 6 de blé dur khorasan, 6 de luzerne, 4 de blé tendre et autant de petit épeautre.
Ailleurs, dans l'Aisne, Guy Poletz a converti son élevage laitier en 2001 (43 vaches normandes). Ses deux enfants l'ont rejoint sur le Gaec créé en 2016. Pour eux, le bio est une évidence. Comme leur père, ils ne cessent de s'informer sur de nouvelles techniques. Antibiotiques, insecticides et vermifuges ont été totalement supprimés sur leur exploitation, qui produit aussi des légumes sur 1,5 ha. Le jury des Talents Tech&Bio a ainsi récompensé la globalité de leur approche.

Christophe Ledoux