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Agroécologie

Des bio-indicateurs pour mieux connaître les sols

A côté de la traditionnelle analyse physico-chimique et du profil cultural, de nouveaux critères mesurant l’activité biologique sont à l’étude pour caractériser la qualité des sols. Le point avec Jean-François Vian, enseignant chercheur à l’Isara-Lyon, spécialiste de la qualité et fertilité des sols.
Des bio-indicateurs pour mieux connaître les sols

Si vous demandez à Jean-François Vian, enseignant chercheur à l'Isara-Lyon, agronome et spécialiste de la qualité des sols, comment définirait'-il un sol de qualité ? Il vous répondra : « Ca dépend. Ça dépend de ce que l'on lui demande et de ce que l'on recherche car les sols assurent de nombreuses fonctions et services écosystémiques. Fonctions de production, de drainage, d'épuration, de régulation des émissions de gaz à effet de serre, d'hébergement de la biodiversité... Pour un agriculteur, par exemple, un sol de qualité est un sol qui va permettre à une plante de se développer et se nourrir correctement, un sol facile à travailler. »
Pour mesurer ces critères, les agriculteurs ont l'habitude de faire des analyses physico-chimiques qui leur permettent de connaître la texture et les propriétés du sol, son pH, le pourcentage de matière organique et des éléments majeurs de la nutrition des plantes. Ces analyses sont utiles pour apporter des mesures correctives si nécessaire, ajuster les apports d'engrais et de matière organique. Mais cette analyse ne suffit pas pour mesurer toutes les qualités du sol. « Pour aller encore plus loin, l'agriculteur peut faire un profil cultural, précise Jean-François Vian. Ce profil permet d'observer la structure du sol, voir si les racines vont pouvoir croître et explorer un volume de sol important. La succession de couches permet également de connaître l'origine des états physiques du sol, comprendre son histoire et mesurer l'incidence des pratiques mises en œuvre par l'agriculteur sur sa qualité. »

AgrInnov des indicateurs de la qualité biologique des sols

Plus contraignant, la limite d'un profil cultural réside surtout dans la capacité à en faire une analyse. « Peu de personnes sont capables de lire et analyser un profil cultural, assure l'agronome de l'Isara-Lyon. Mais il existe une méthode simplifiée de diagnostic de la structure du sol, dite test à la bêche, plus facile à mettre en œuvre. À l'automne ou au printemps, ce test consiste à prélever un bloc de sol à la bêche et d'évaluer à partir d'une grille de notation l'état structural du sol. Ce « mini-profil cultural » permet de donner une note allant de 1 à 5 à partir d'observations faciles comme la couleur de la terre, son humidité, la répartition des racines ; ou plus fines comme la structure des agrégats ou encore les traces d'activités biologiques et notamment celle des vers de terre...
Le sol est un milieu vivant qui renferme une grande biodiversité d'organismes qui vont du plus grand à l'infiniment petit, du ver de terre aux micro-organismes (champignons et bactéries) en passant par une multitude d'insectes et nématodes. La présence de ces organismes qui assurent des fonctions essentielles comme la biodégradation de la matière organique, la production de nutriments pour les plantes, la fixation d'azote, la dégradation des polluants, etc. est un indicateur de la vie et de l'activité biologique du sol. Dans le cadre d'un programme Casdar, l'Isara-Lyon est associé au projet AgrInnov qui vise à « mettre en place des outils opérationnels de type bio-indicateurs pour permettre aux agriculteurs d'évaluer l'impact de leurs pratiques sur la biologie de leur sol et la durabilité de leur production ». 248 agriculteurs (50 % en grandes cultures, 5 % en viticulture) participent à ce projet et ont été formés pour effectuer des prélèvements et des observations sur leurs parcelles. Les échantillons sont envoyés dans les laboratoires partenaires et sont analysés par les chercheurs. L'ensemble des résultats va permettre une analyse nationale, de construire un référentiel d'interprétation des paramètres mesurés et de mieux comprendre l'incidence des pratiques agricoles sur la qualité des sols. Avec ces indicateurs de la vie biologique (quantité et diversité des micro-organismes, vers de terre et nématodes), les agriculteurs disposeront de nouvelles connaissances et outils pour mieux appréhender l'agronomie, optimiser et adapter leurs pratiques pour assurer qualité, fertilité et durabilité des sols. 
Christine Dézert

 

Témoignage / Sur son exploitation, Hervé Garin, céréalier dans le Rhône, accorde une attention particulière à son sol. D'où son choix de pratiquer le labour agronomique, une technique qui est en phase avec son approche du sol. Quand toutes les conditions sont réunies, il a également recours à des techniques simplifiées sur chaume de blé.

“ Nous devons éviter de tasser, de compacter  et d’altérer le sol ”

Hervé Garin a fait le choix du labour agronomique pour travailler ses sols sur son exploitation à Feyzin dans le Rhône.

Sur son exploitation, Hervé Garin, céréalier à Feyzin dans le Rhône, a fait le choix d’une méthode de travail du sol : le labour agronomique. « Cette technique convient à ma philosophie du travail du sol mais également à mon organisation. Cela fait des millénaires que la charrue a été inventée et cette méthode fonctionne plutôt bien pour moi. Chacun doit trouver son équilibre. L’important dans la vie, c’est la diversité », explique l’exploitant agricole qui cultive 150 ha dans l’agglomération lyonnaise. Toutefois, s’il a fait le choix du labour sur son exploitation, cet agriculteur de 49 ans n’exclut pas d’avoir parfois recours à des techniques simplifiées sur chaume de blé pour semer de l’orge ou du colza. « J’utilise un déchaumeur et sème directement. J’ai recours aux techniques de culture simplifiée seulement quand les conditions sont optimales. Le non-labour est, en effet, possible uniquement quand les conditions de ressuyage du sol le permettent. Avec le labour, nous avons plus de souplesse. » Pour Hervé, le travail du sol doit respecter la vie qui l’habite. « Nous devons éviter de tasser, de compacter et d’altérer le sol. »
Labour agronomique à 25 cm
Pour le semis de printemps, le labour permet à Hervé d’enterrer près de 80 % des stocks semenciers de mauvaises herbes. « Le labour à 25 cm me permet également d’ameublir le sol, de le refractionner et de mélanger les matières organiques. Il me permet aussi de le niveler sans le dénaturer et d’enfouir une partie des cailloux », explique l’exploitant qui regrette que la réglementation, en imposant une date de labour, induit une contrainte supplémentaire. « Nous ne dépendons que de la météo. Il est important qu’avant de labourer pour le semis de printemps la terre ait subi le gel. Elle sera d’autant plus facile à reprendre si le labour est précoce et que le sol a accumulé des périodes de gel. Il y aura moins d’interventions sur le sol. »
En effet, après avoir passé la charrue pour retourner sa terre, Hervé passera la herse afin de déstructurer les mottes. « J’effectue alors un faux semis pour favoriser une première germination et éliminer une grande partie des mauvaises herbes restantes. Je n’aurai plus que 10 % de l’herbe à gérer. En effet, 80 % des graines d’adventices auront été détruites par le labour et près de 10 % des mauvaises graines auront germé grâce au faux semis. » Fin mars, il passera le vibroculteur pour préparer son lit de semences. « Cette opération permet de rameublir le sol et d’obtenir une terre très fine, facile à reprendre. Elle permet ainsi d’assurer un meilleur contact de la graine semée avec le sol », commente Hervé Garin qui cultive du maïs, du blé et du colza.
Un combiné herse rotative-semoir
Pour le semis d’hiver, la fenêtre de tir est beaucoup plus courte. « Je sème le blé derrière le maïs et, dans l’idéal, il faut avoir semé le blé avant la Toussaint », commente le céréalier. Ainsi, Hervé Garin procède à un battage précoce début octobre et après un labour sème en un passage grâce à un combiné de semis (herse rotative-semoir).
Ce choix d’un travail respectueux des sols, qui permet au chef d’exploitation d’organiser et de planifier son travail sur l’année, n’a aucune conséquence sur ses rendements. « Mon objectif est de simplifier au maximum mes itinéraires », conclut-il.
Marie-Cécile Seigle-Buyat