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expérimentation

Des brebis dans les vignes

La fédération départementale ovine planche actuellement avec le syndicat de la clairette de Die sur un projet d'étude de faisabilité de pâturage dans les vignes. Un comité de pilotage va être créé avec tous les acteurs concernés. Des demandes de subventions vont être déposées dans les prochaines semaines.

Des brebis dans les vignes

Depuis trois ans, lors de la saison hivernale, des ovins pâturent dans les parcelles de vignes du domaine Peylong à Suze. Pour autant, Fabien Lombard, co-gérant de ce domaine et président du syndicat de la clairette de Die, se questionne toujours quant à cette pratique. Certes, il n'est pas rare que des ovins interviennent dans des espaces embroussaillés. Mais quid de ce domaine qui est parfois amené à traiter ses surfaces au sulfate de cuivre ? Ce choix peut-il avoir un impact sur l'herbe, et, in fine, sur la santé de l'animal qui va l'ingérer ?

Associer les éleveurs et les viticulteurs

« Il y a des doses de cuivre déposées sur les feuilles des vignes. Le cuivre par lessivage passe dans le sol. Est-ce que l'herbe qui pousse contient également du cuivre ? J'ai toujours eu des craintes. Et concernant le pâturage, les brebis sont sensibles », s'interroge Fabien Lombard. C'est Nicolas Peccoz, co-président de la fédération ovine de la Drôme, et éleveur à Gigors-et-Lozeron, qui fait pâturer ses animaux dans le domaine suzois. Pour l'heure, il n'a rencontré aucun problème. « Il faudrait peut-être que les brebis passent dix mois sur douze dans les vignes. Les miennes n'y patûrent que deux à quatre semaines par an. Je les garde par ailleurs entre huit et dix ans », précise ce dernier.
C'est dans ce contexte que les deux structures ont lancé l'ébauche d'une étude de faisabilité quant au pâturage dans les vignes. L'idée consiste à éditer un guide de bonnes pratiques. « Les éleveurs et les viticulteurs, ce sont deux mondes qui ne sont pas habitués à discuter ensemble », souligne par ailleurs Fabien Lombard. Pourtant, les synergies pourraient être intéressantes : sociétales, environnementales, voire même économiques. « Cette pratique est marginale dans la Drôme, alors qu'elle est davantage présente dans le Gard ou encore les Bouches-du-Rhône », ajoute Nicolas Peccoz. Mais avant de la développer dans le vignoble, des problématiques ainsi que des freins techniques sont à lever.

Nouvelle pratique, nouvelle image

Pour le viticulteur, l'aspect fumure organique pourrait par exemple être pris en compte. « Encore qu'il y a peu de fumier sur mes parcelles puisque les brebis ne restent pas la nuit », note Fabien Lombard. L'un des autres atouts serait le nettoyage. « Cela permet de repartir avec des parcelles propres », poursuit-il. Le syndicat de la clairette de Die est par ailleurs engagé dans un PAEC (projet agro-environnemental et climatique), qui régit les MAEC(1). Certaines mesures concernent la diminution de l'utilisation de produits phytosanitaires et l'enherbement des vignes. La structure a donc tout intérêt à encourager le pâturage dans les vignobles, qui permet aussi de limiter les intrants.
L'éleveur, lui, a pour sa part moins recours aux fourrages. Pourtant, plusieurs facteurs sont à prendre en compte avant tout paturâge. « Il y a un protocole à respecter », souligne Nicolas Peccoz. « Il faut éviter les jeunes plants, faire attention aux grains de raisin restants sur les grappes, sortir les brebis avant l'apparition des premiers bourgeons », précise-t-il notamment. Cette expérimentation permettrait aussi au vignoble de bénéficier d'une nouvelle image, (encore) plus respectueuse de l'environnement.

Atteindre jusqu'à 30 % du vignoble

Aujourd'hui, la superficie du vignoble de la clairette de Die s'étend sur 1 600 hectares ; 25 % de celui-ci est en agriculture biologique. Pour Fabien Lombard, entre 20 et 30 % de ces parcelles pourraient être concernées par le pâturage ovin. Il faut dire que toutes les terres ne s'y prêtent pas. « Cela pourrait concerner les parcelles en bas coteaux, il faut aussi qu'il y ait de l'herbe. Des éleveurs doivent également être situés à proximité », souligne-t-il. Pour le président du syndicat de la clairette de Die, ce projet paraît être « une chance », « une belle proposition envers les éleveurs ».
Une première réunion de travail s'est déroulée le 1er décembre dernier. Une séance pour poser les bases de la réflexion mais aussi définir les axes de travail. Un comité de pilotage sera par ailleurs créé avec tous les acteurs concernés, parmi lesquels l'Institut de l'élevage, l'Ademe, les communautés de communes du Diois, Cœur de Drôme et du Val de Drôme, la chambre d'agriculture ou encore l'Institut français de la vigne et du vin. Pour l'heure, le coût de l'étude n'a pas encore été chiffré. Un dossier de subventions sera toutefois déposé en mars afin de bénéficier du Feader(2) ou du programme Leader(3). L'Agence de l'eau sera aussi approchée, la structure ayant lancé des appels à projets dans le cadre du plan Écophyto 2. 
Aurélien Tournier
(1) MAEC : mesures agroenvironnementales et climatiques.
(2) Feader : fonds européen pour le développement rural.
(3) Leader : pour liaison entre actions de développement de l'économie rurale.